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Femmes, belles du seigneur ?
J’ai entrepris la lecture de Belle du Seigneur, de Cohen. Fred me l’avait conseillé, du temps d’Aston, me disant que j’y trouverais de l’amour une philosophie intéressante. Ce que Fred, se sentant l’âme séductrice, avait trouvé intéressant, je dois avouer que je le trouve, moi qui ne suis guère tenté par le jeu de la séduction, terrifiant. Du Don Juan Solal, Fred avait retenu l’éminente capacité à séduire, et voyait en lui un Napoléon vainqueur auquel il aimait à s’identifier. Ce que je retiens, moi, du séducteur Solal, c’est sa tristesse, son dégoût pour les femmes qu’il séduit, et derrière ce dégoût une réalité terrible, terrible parce que je ne puis la croire entièrement fictive. Il y a dans l’exposé du séducteur à la belle Ariane maints arguments qu’hélas, par expérience, je trouve tristement vrais.
Ce qu’il y a de terrible, chez Solal, c’est cette conscience de la fausseté de la séduction. Là où Fred voit un conquérant, qui a trouvé la voie par laquelle faire tomber dans ses bras toute femme qui lui plaît, moi je vois au contraire un homme vaincu. Pourquoi vaincu ? Parce que ce pauvre Solal a trouvé le moyen de séduire, et que ce moyen va à l’encontre de ce qu’il est. Il lui faut, pour atteindre son but (savoir trouver l’amour), se déguiser, mentir, car ce qui conquiert les belles est l’opposé de ce qu’il est. Du coup, il méprise le beau sexe autant qu’il le vénère. Il le méprise car il l’oblige, pour obtenir ses grâces, à se travestir, à prendre un visage qui n’est pas le sien, mais qui est le seul qui leur plaise. Cette réflexion de Cohen ne m’est pas étrangère. Elle rejoint une réflexion que j’eus autrefois et qui partait de deux constats, l’un découlant de l’autre. Le premier constat, je le tire de mon expérience qui, j’en fais l’hypothèse, n’est guère éloigné de celle de mes congénères masculins (et s’étend sans doute même à nos soeurs de l’autre sexe). Ce premier constat est que les filles qui vous aiment le plus sont celles que vous aimez le moins. Il convient d’éclaircir un peu la chose. Ce n’est pas le fait de ne pas aimer une femme qui fera qu’elle vous aime, c’est plus exactement le comportement associé à cette absence d’amour, et donc d’enjeu réel, qui fait qu’elle s’attache. Les filles qui se sont attachées à moi de tout leur coeur, celles qui m’ont aimée au point où c’en est douloureux, ce sont le plus souvent celles pour lesquelles je n’avais guère de sentiments. A l’inverse, ce sont le plus souvent les filles que j’aimais vivement qui se sont le moins attachées à moi. Si j’en juge mon expérience avec Chiara, ce qui m’a valu ses faveurs, ce fut mon désintérêt pour elle. Non pas désintérêt total, et aucunement antipathique, mais simplement comportement amical de société sans nulle autre intérêt pour elle. C’est plus ou moins lorsque j’ai commencé à m’attacher à elle, et à lui en faire part, qu’elle a cessé de m’accorder de l’importance. On m’a toujours dit, copains comme copines, que pour séduire une fille, il ne faut jamais lui montrer nos sentiments. C’est une chose que j’ai acceptée, bien qu’elle me déçoive. Il est bien étrange qu’il faille se montrer désintéressé pour intéresser, qu’il faille être distant pour qu’on se rapproche de nous, qu’il faille ignorer pour être convoité. Je trouve ça fort dommage, car la séduction devient alors non pas une affaire de partage, mais une affaire de combat. Combat d’abord avec soi-même, pour cacher des sentiments que tout en nous pousse à avouer, combat ensuite avec celle que l’on désire, car la séduire est en quelque sorte une victoire, qui en tant que telle suppose stratégie, calculs, et ôte toute spontanéité. C’est la mon second constat, que je trouve effroyable. En effet, si séduire est un combat, un jeu dans lequel l’objectif est d’asservir l’autre, alors c’est un jeu qui n’est qu’égoïsme. Et comment l’égoïsme pourrait-il être la porte d’entrée de l’amour, sans que ce dernier s’en trouve taché ? Il est des philosophies selon lesquelles l’amour n’est au final que l’attraction simultanée de deux égoïsmes. Je me refuse à les accepter, et persiste à croire que ceux qui nomment amour une relation dans laquelle ils ne voient en l’autre qu’un moyen d’assouvir leurs besoins (de pouvoir, de plaisir, d’orgueil, mais aussi pourquoi pas de tendresse, d’attention) ignorent ce que l’amour est réellement. Ils appellent ainsi cette guerre qu’ils mènent à leur conjoint parce qu’il est admis que ce qui se passe entre une femme et un homme doit s’appeler amour, mais je nie pareille affirmation. L’amour est partage. Et en tant que tel, il ne saurait être un parasitage mutuel, un jeu de stratégie visant à obtenir de l’autre le plus en cédant le moins. Une telle conception de la relation amoureuse me dégoûte. Si l’on me demande, alors, ce que j’entends par « amour », je répondrai tout simplement : un grand verre d’amitié dans lequelle on verse quelque gouttes du rouge sirop du plaisir charnel. Mais ce plaisir charnel, pour pousser plus loin l’exemple du sirop, n’est pas ce qui désaltère. Il est là pour le goût sucré et la couleur vive ; ce qui désaltère, c’est l’eau, non le sirop ; c’est l’amitié, non le sexe. Aimer une fille, pour moi, ce n’est pas essayer de la séduire par tous les moyens. On ne séduit pas ses amis. On les aime parce qu’ils nous sont semblables, et que l’on partage avec eux des goûts, une culture, des ambitions égales. On les aime parce qu’ils nous comprennent, et parce qu’on les comprend. On ne les aime pas parce qu’ils nous admirent, ni parce qu’on les possède. Un ami ne nous admire pas plus qu’il ne nous appartient. Un ami est un égal. Et c’est justement là ma vision de la relation amoureuse : une relation d’égal à égale. Dominer, ou l’être, ne m’apparaît nullement source de bonheur. Dans ma vision des choses, la petite amie est avant tout amie, personne que l’on respecte et avec laquelle on partage. Elle n’est ni terre conquise, ni victoire de la séduction, ni rien qui soit de la sorte. Elle est partage, compréhension, une soeur. Evidemment, c’est un point de vue assez naïf. Je suis de ceux qui croient à l’honnêteté, au mérite, et à l’amour vrai. J’ai peut-être tort. Parfois, les objectifs sont atteints plus facilement (voire peut-être exclusivement) par les voies du mensonge, de la tricherie. Les plus hauts placés dans une entreprise ne seraient pas alors les plus compétents, mais bien les plus adroits, les plus tactiques — et peut-être aussi les moins vertueux —, sachant manier flagornerie et coups bas pour s’attirer des chefs les bonnes grâces et se débarasser des concurrents. J’ose croire qu’il n’en est pas ainsi, et que les plus hauts placés sont ceux qui ont fait preuve de compétence dans leur domaine. Mais je rêve peut-être. Et je rêve peut-être aussi de croire qu’il est des femmes qui cherchent un égal, non un maître. Ca me paraît absurde, car j’ai toujours pensé que c’était de la connerie pure, ces histoires de femmes qui cherchent la force, le pouvoir, la prestance, chez les hommes. J’ai toujours pensé que parce que plus sensibles, maternelles, elles étaient à même de comprendre les faiblesses, ainsi que de voir que le pouvoir et la force masculine ne mènent à rien qui ait tellement de valeur. Mais si j’en crois mon expérience, je dois bien avouer que quand je n’aimais pas et donc menai ma vie sans trop me soucier d’elles, les filles s’attachaient, tandis que lorsque je m’attachais, et donc plein de confiance, avouait mes faiblesses, les filles me délaissaient. Faut-il en croire Cohen, et admettre que les femmes aiment les hommes qui les méprisent, voyant dans ce mépris une confiance en soi qui semblerait supposer quelque talent en amour ? Ne serait-ce ma première expérience amoureuse, je serais bien forcé de reconnaître que c’est ainsi qu’il semble en être. J’ignore si ce premier amour est représentatif, car c’était un amour d’adolescents qui le découvrent à mesure qu’ils se découvrent l’un l’autre, dans leur différence, et avec toute la magie que deux coeurs amoureux et avides d’apprendre peuvent y mettre. Mais un tel amour, qui correspondait si bien à ma définition (égalité, partage, amitié) est-il vraiment représentatif ? L’amour adolescent est-il vraiment amour, ou n’est-il qu’un doux rêve, un papillon que l’on attrape à quinze ans mais plus à vingt-trois, simplement parce qu’il n’existe plus, simplement parce que l’on a vieilli, et que notre coeur de désirer en vain, s’est aigri, a changé, a perdu cette naïveté enfantine qui autrefois fit d’une collégienne un ange ? Je l’ignore. Je n’ai pas le sentiment d’avoir perdu ce coeur-là. Lorsque j’aime, c’est encore avec cet amour naïf et entier, qui fait de la femme aimée à la fois une mère, une fille, une soeur. On m’avait mis en garde — Fred, mon pote italien Luca — lorsque j’entamais ma relation avec Chiara. On avait bien insisté : ne fais pas l’enfant, ne te laisse pas émouvoir, sois ferme, sûr de toi, les filles aiment les hommes qui savent ce qu’ils veulent et qui donnent l’impression d’avoir déjà eu des milliers d’amantes. Je me demande parfois si ça aurait marché. Si j’avais été capable d’appliquer ces conseils, il y a des chances que Chiara m’aimerait encore aujourd’hui. Et c’est une chose qui, même si elle me cause beaucoup de peine, me semble cependant compréhensible. Quelle femme a besoin d’un homme qui pleure la nuit, qui rêve le jour, qui au final est peut-être un peu fragile ? Je les comprends, quelque part. Tout comme je rêve d’une mère, elles rêvent d’un père. D’un père fort, décidé, chef de foyer, dur et puissant. Dois-je alors, tel Solal, faire semblant ? Et finir par haïr celles que par ailleurs je vénère ? Je suis en bonne voie, cela dit. Non pas pour faire semblant, car sembler de marbre lorsque mon coeur aime m’est aussi aisé que de parler chinois avec la roulette du dentiste dans la molaire, mais pour ce qui est de les haïr... De déception en déception, on finit par leur en vouloir, aux femmes. Si elles sont vraiment comme cela, si elles cherchent vraiment des hommes forts et hautains, pour s’en faire les sujettes, alors je ne trouverai rien chez elle qui me satisfasse. Moi qui croyais trouver chez Chiara une amie, et me confiant à elle comme je l’eus fait à une mère, je ne récoltai que mépris et indifférence. Sans doute, si j’avais été fort, hautain, bref, mâle et viril, cela l’aurait impressionnée, et elle serait venue demander de mon ombre la protection. Qu’importe. Je me fous de ces histoires de protecteur. Ce que je cherche est autre chose. Je ne veux pas d’une femme qui m’admire. Les gens qui vous admirent ne vous aiment pas. Ils vous craignent, ils vous envient peut-être. J’en sais quelque chose, j’ai admiré mon père suffisament longtemps pour découvrir que j’avais pour lui de la crainte, du respect, mais guère d’amour. Je ne veux pas d’une femme qui m’aime à mes pieds. Je ne veux pas d’une fille à laquelle il faut mentir pour qu’enfin elle cède et se constitue prisonnière. Je rêve d’une égale. Tout ceci me fait grande peine. J’aimais Chiara. Eut-il fallu que je lui mente pour la garder près de moi ? Eut-il fallu que je me travestisse, que je sois l’homme fort dont elle rêve pour lui plaire ? Si les femmes sont ainsi, alors effectivement, je finirai sans doute par les mépriser. Mais à la différence d’un Solal, je n’essaierai pas même de les séduire. Si elles n’en valent pas la peine, et bien nous nous en passerons, voilà tout. Cela rejoint un peu une conversation que j’avais eue avec mon excellent ami Jangs. Une de nos amies communes lui avait fait savoir qu’elle me trouvait mysogine. Jangs me défendit, citant Jacques Brel et expliquant qu’il est des hommes qui placent l’amour tellement haut qu’aucune femme n’est plus capable alors de s’y conformer. Je pourrais être de ceux-là, et l’explication me semble assez réaliste. Effectivement, un homme ayant de l’amour une idée vraiment pure, et de la femme une conception parfaite, ne trouvera dans la réalisation concrète de ces deux concepts que déception. La femme de chair étant évidemment loin de son idéale abstraction, et l’amour qu’elle offre ne pouvant dés lors être qu’une pâle esquisse de celui, abstrait aussi, qu’on confère à la femme-idée. D’où, par voie de fait, mépris pour la gent féminine qui toujours est jugée selon des critères auxquels elle ne peut pas se plier, car inaccessibles. Je pourrais tout à fait être de ceux-là, qui cherchent un ange parmi les filles des hommes, et ne trouveront sans doute jamais. Heureusement, toutefois, qu’il y a l’amour. L’amour, c’est bien connu, rend aveugle, ou éblouit suffisamment pour qu’en une femme on voie un ange. Mon amour pour Chiara ne me la montrait-il pas comme parfaite, au point que hier encore, quatre heures du matin arrivant, je ne dormais pas, trop ocupé à tourner de l’album photo de mes souvenirs les pages où elle et moi coulaient des jours heureux ? Oui, il m’arrive de haïr les femmes, de les haïr parce que je les aime trop. L’amour est prompt à devenir haine lorsqu’il ne peut être réalisé. Il suffit de voir comme on se retourne brusquement contre celle qu’on aimait la veille, et qui refusa notre amour, en faisant subitement l’objet d’une haine belliqueuse. J’ai haï Chiara parce que je l’avais aimée, aimée de tout mon être, et que mon amour n’a trouvé aucun écho en son coeur. Je l’ai haïe, ainsi, après l’avoir vénérée, vénérée au point que je ne trouve le sommeil qu’au petit jour. Que les lecteurs sensibles me pardonnent ce qui suit, mais puisque j’ai décidé de jouer le jeu du journal intime, je me permets donc d’y écrire des choses qui me feraient rougir en tout autre circonstance, et font sans doute fi des convéniences. Allongé dans l’obscurité silencieuse de ma chambre, hier soir, je revoyais Chiara, en une circonstance telle que le souvenir, surgi de je ne sais où et pour je ne sais quelle raison, m’en fut fort douloureux. L’image avait gardé l’éclat d’une beauté qui rend les souvenirs pénibles. Je la revois encore, allongée à mon côté, en cette fin d’après-midi. Je la revois, si belle, étendue là, sans gêne — elle n’avait guère de honte à avoir, de toutes façons, et loin de là, même — et cette image me fait mal quelque part à côté de l’estomac. A travers mes yeux, ce n’était pas une fille, allongée là, c’était une déesse, nue et sublime, une créature devant laquelle le silence est tout ce qu’il vous reste. Une peau tellement douce, tiède, une peau qui sent le lait pour bébé, parfum réconfortant et maternel du corps d’une femme. C’en fut assez pour que la mélancolie chasse le sommeil jusqu’à je ne sais quelle heure du matin. Il pleuvait sur le toit, et j’avais l’envie, idiote hormis dans l’état d’esprit où j’étais, d’aller m’asseoir dehors, dans la nuit, et de l’écouter tomber, d’écouter du ciel tomber les larmes de l’automne, et d’y joindre les miennes, versées sur l’autel de l’amour, sur mon coeur trop naïf qui incapable de mépriser cette beauté devait par conséquent la perdre. J’aimerais arriver à leur dire, à leur faire comprendre que ce n’est pas parce qu’on les aime qu’on est à leurs pieds, que ce n’est pas parce qu’on essaie de les rendre heureuses qu’on est leur esclave. Si elles nous méprisent comme on méprise un esclave, c’est qu’elles n’ont rien compris. Moi qui aimais Chiara, j’aurais du lui fermer mon coeur. Jamais je n’aurais du pleurer entre ses bras. Témoignez votre amour à une femme, elle en rira. Riez du sien, elle ne vous en aimera que plus ardamment. Cela m’écoeure. S’il leur faut de grands hommes, dépourvus de coeur, s’il leur faut des guerriers plutôt que des poètes, et bien qu’elles aillent au diable. Plutôt rester seul que de continuer à donner mon coeur à des filles qui ne comprennent pas que pleurer dans leurs bras, ça veut dire « je te respecte, je t’aime et j’ai confiance en toi ». Je garderai mes larmes pour mes amis, car un ami comprend, car un ami respecte, car un ami ne cherche pas quelqu’un qui l’écrase de sa hauteur, qui fasse sur lui rejaillir sa gloire, mais quelqu’un qui partage, quelqu’un qui fasse confiance. Si les femmes sont incapables de comprendre ça, s’il leur faut des machos hautains et méprisants, si elles sont fières d’être les élues de caporaux qui ne les estiment pas, si il faut pour leur plaire commencer par leur mentir, et bien je m’en passerai. S’il n’en existe pas une qui ait compris que le respect vaut mieux que le mépris, même si c’est moins flambant, même si on est moins fier, même si on est moins lion, et un peu plus lionceau, s’il faut pour les aimer renier notre façon d’aimer, s’il faut pour gagner leur amour, se comporter en rustre, et ce pour faire leur volonté, alors c’est qu’elles ne valent pas la peine. Tant pis, je préfère la solitude et une idée de l’amour intacte, que de vivre avec une fille qui me réclamera de me comporter envers elle d’une manière que je condamne. S’il faut les faire souffrir pour qu’elles nous estiment, s’il faut leur cacher nos sentiments pour gagner les leurs, si il faut leur faire mal pour qu’elles se donnent, et bien qu’elles aillent, et qu’elles emportent leur folie. Le monde est plein d’hommes qui les combleront de ce côté-là ; elles trouveront leur bonheur. Moi, je garde mon coeur, car elles n’en sont pas dignes. Ami Jacques, tu avais peut-être raison : à placer l’amour trop haut, plus aucune n’est assez grande pour le cueillir. Dans ce cas, laissons aux oiseaux, ils l’apprécieront bien mieux qu’elles, et sans le jeu idiot de la séduction, sans stratégie calculatrice, sans mensonge, sans avoir à se comporter comme le dernier des salauds parce que c’est ce qu’elles aiment. Plutôt rester seul et sain que de les accompagner dans leur folie. Bien sûr, j’aimerais croire que tout ceci est faux, que Cohen se trompe et que les femmes ne sont pas telles qu’il les dépeint. Et pourtant, force m’est de constater qu’il y a bien chez les hommes cet esprit de vainqueur, qu’il leur faut toujours être le plus fort, le plus grand, admiré de ses pairs et taisant ses faiblesses, méprisant déjà la femme qui a leurs yeux n’est que femelle idiote. J’en ai soupé, dans ma jeunesse, de ces Napoléon des vestiaires de foot, de ces Jules Cesar des soirées en boîte. C’était toujours les femmes comme « chair à saucisse » (l’expression est pesée), comme viande à plaisir qui n’a d’autre utilité que de servir le maître, le mâle tout puissant. J’en ai soupé de leurs conversations, de leurs rires gras, de leur mépris pour tout ce qui n’était pas homme, et homme fort. J’en ai souffert de les entendre rire sur le dos des filles, qui n’étaient à leurs yeux que des corps à posséder, des petites amies pour être admiré des autres mâles, et que dans les alcôves de la virilité on traitait avec moins d’égard qu’on eut traité des chiens. Je m’en suis senti blessé, blessé dans mon amour pour elles, respect du poète envers sa muse, admiration naïve de l’enfant pour la mère, de l’adolescent pour la jeune fille, de l’homme pour la femme. Mais peut-être au final que si les hommes sont ainsi, alors les femmes les aiment tels. Femmes, si vous n’êtes au final Comme ces lionnes, qu’animales, Et qu’au seul lion vainqueur Vous donnez votre coeur Alors vous n’êtes rien Et vous aimer est vain ; Mon coeur déçu, pleurant, A jamais vous reprends. Ce sentiment m’écoeure. Les femmes des hommes ne sont-elles au final que leurs femelles, et comme les autres animaux, aiment-elles les combats, aiment-elles voir les mâles se battre entre eux, certes plus à coups de bâton, mais à coup d’armes sociales, position, rang, pouvoir, argent ? Ne sont-elles, ces filles que je croyais déesses, que de simples servantes, réservant leur coeur pour les grands, les forts, ceux que leurs semblables admirent ? Faut-il pour leur plaire être le vainqueur égoïste, le conquérant nombriliste, qui n’a comme objectif que d’être au-dessus de ses homologues, et de cette position dominatrice, verra les belles lui faire la cour ? Parce qu’il est le plus fort, parce qu’il est le plus grand, parce qu’il est le chef de la horde, il gagnera leur attention. Si elles sont ainsi, je les hais plus encore que je ne les aime. Car jamais, jamais, faisant l’amour à une femme, je ne prendrai cela comme un dû de l’esclave au maître. Jamais une femme ne sera ma propriété. Jamais je ne coucherai en conquérant imbu de son pouvoir, indifférent, non jamais. Lorsque j’aime, c’est humblement. J’aime les oiseaux, parce qu’ils sont libres, j’aime les chats parce qu’à l’inverse des chiens, ils ne viennent pas lorsqu’on les siffle, l’oeil servile et la queue basse. Et de même, j’aime les femmes avec respect, et je les veux libres. Toujours, au lit avec une fille, je considère ce qu’elle me donne comme un honneur, un cadeau dont je mesure la valeur. Jamais comme un dû, un devoir. Je ne suis pas homme à penser qu’une femme est comme une belle voiture, un objet de propriété pour briller auprès des autres hommes et servir mon bon plaisir. Mais comme il est des hommes qui parmi leurs semblabes, pleurent de les voir traiter avec tant de mépris leurs soeurs de l’autre sexe, je me dis qu’il est peut-être des femmes qui refusent ce que les autres considèrent comme l’amour normal, qu’il est des femmes qui ne cherchent pas le lion vainqueur, le plus fort, le plus agressif, mais qui cherchent autre chose. Je me dis que peut-être il y a des femmes qui ne sont pas comme Cohen les décrit, qu’il en est qu’on ne séduit pas avec calcul, et que la position sociale, le rang au sein de la horde, laisse indifférentes. J’ai peut-être tort, mais j’ai besoin d’y croire. Croire qu’il est au moins sur cette planète une femme qui ne rêve pas de devenir la partenaire inférieure d’un mâle respecté, la compagne du chef, méprisée par ce dernier, mais satisfaite dans son propre orgueil d’être « celle du roi », la reine, non pas la reine d’un coeur, mais la reine d’un royaume, pour à son tour briller parmi ses soeurs féminines. « Oui, je suis celle qu’il a choisie, enviez-moi, son statut de chef fait de moi la cheftaine, alors comme ils le respectent, vous aussi, femmes, vous me devez respect. Et je l’aime parce qu’il est fort, si fort dans son indifférence, et je lui suis dévouée parce qu’il est grand, si grand dans sa froideur. Je suis l’impératrice, femme de l’empereur pour qui rien ne compte que son empire, dont je ne suis qu’une pièce, certes, mais la plus haut placée. Et j’accepte de me soumettre à lui pour régner sur le reste. » Non, jamais, jamais je n’entrerai dans un jeu pareil. Il est des Chiara, qui dans les larmes d’un homme voient la faiblesse, et la méprisent. Des filles qui veulent des conquérants, de preux chevaliers. Qu’elles aillent au diable. Moi je rêve d’une femme qui devant le spectacle d’un homme qui pleure, se sentira humaine, et se voudra de l’aider, une femme qui saura voir qu’il est une grandeur dans les larmes, que le faible n’est pas le moindre, et qu’il est grand à sa manière, parce qu’il est grand de coeur, parce qu’il est humain, avec ses défauts, ses points faibles, et qu’il vaut mieux être aimée d’un petit que l’esclave d’un grand, serait-ce une esclave en couronne d’or et robe d’apparat. Mon amour est sincère, mon amour est confiance, mon amour est partage, mon amour est tel qu’il comporte des larmes, je m’en excuse, je n’y peux rien. Celles qui cherchent un roi ne trouveront rien chez moi. Celles qui croient qu’un homme qui les admire n’est qu’un sujet ne comprennent rien non plus. Mais celles qui cherchent un ami, une épaule où reposer leur tête, et deux bras pour les serrer avec amour et reconnaissance, celles-là trouveront dans mon coeur des choses que je leur donnerai sans hésiter, si tant est qu’elles ne voient pas dans mon respect et mon amour pour elles une forme de soumission. Car se donner n’est pas se soumettre. Je suis comme le chat, je viens, je m’abandonne à celle que mon coeur a choisi, mais cela ne veut pas dire que demain à la même heure je recommencerai. Non, je ne brille pas parmi mes frères hommes, non je ne suis pas celui que l’on admire, celui que l’on respecte, celui après qui toutes les filles courent. Si vous cherchez l’honneur d’être, parmi la foule des prétendantes, l’élue, alors passez votre chemin. Vous ne cherchez pas l’amour, vous cherchez la gloire, le pouvoir. Ce que je donne à une femme, c’est une chose que je ne donnerais pas à une autre. Ce n’est pas le choix d’un roi qui prend femme, c’est celui d’un poète qui se fait une amie. Ce sont deux mondes distincts, sans frontière, j’ai peur. Aimez, aimez les grands hommes, aimez les chefs, soyez fières d’être leur compagne si cela vous satisfait. Mais laissez-moi vous dire que vous ne comprenez rien, et qu’il est mendiante plus riche que vous, car vous êtes au final seule, tout comme votre beau mâle, admirée tout comme lui, et par conséquent toute aussi seule, traversant la vie avec pour objectif de devenir à votre tour une grande dame, parce que le pouvoir, parce que l’admiration. Idiotes, aveugles, vous ne voyez donc rien. Ce qui compte, en ce monde, ce n’est pas d’être grand, ce n’est pas d’être en haut, ce n’est pas de règner. Non, c’est d’avoir des amis, d’avoir au pied d’un arbre qui fait ombre à la lune, un homme qui vous écoute, vous comprend, et partage vos douleurs et vos craintes. Il est plus agréable de se savoir aimée et soutenue dans l’adversité, que seule et invincible. Car au final, et Cohen le dit, vous finirez comme les plus petits, dans une boîte en sapin. Femme de roi que le roi méprise, femme de prince dont le prince se moque, toute l’admiration que vos sujets vous apportent n’est rien comparée à celle que le poète porte à sa bergère. Car vos sujets admireront de même celle qui vous succèdera, avec cette admiration tachée de jalousie propre aux vassaux, mais le poète, lui, restera fidèle à sa compagne, qu’elle devienne reine ou mendiante, peu lui importe. Il l’aimera avec autant d’ardeur, et ses poèmes il chantera pour elle, et jamais roi n’en écrira de tels, trop occupé à règner et guerroyer. Sa compagne jamais ne sera son amie, et l’un comme l’autre, vous serez seuls, grands et seuls jusqu’à la fin. Non, vraiment, je préfère ma bergère, même si je n’ai ni robes de hermine, ni colliers d’émeraudes à lui offrir, il me reste la lune, mes chansons, et l’herbe fraîche des nuits d’été, sur laquelle, allongés, elle pourra reposer sa tête sur mon torse, et moi j’embrasserai ses cheveux, comme jamais cheveux de reine ne furent embrassés de lèvres de roi, avec amour, avec respect. Ma bergère ne me sera pas soumise, elle ne m’appartiendra pas, c’est pourquoi chacun de ses gestes, chacun de ses baisers, chacun de ses mots tendres sera un présent reçu avec reconnaissance. Ma bergère n’aura pas besoin d’un roi ou d’un guerrier, elle aura besoin d’un ami, et elle l’aura trouvé. Elle ne vivra pas dans mon ombre, m’admirant et attendant de mon repas les miettes de gloire dont elle fera son propre festin, non, elle sera ma lumière, et je serai la sienne, et nous partagerons nos repas en riant, en riant de vous, de vous, de votre gloire, de votre amour servile et de votre condition de solitude maquillée. Et quand viendra l’heure de partir, on ne nous construira pas deux splendides tombeaux séparés, un pour le grand lion, et un pour sa lionne soumise, non, on nous mettra tout deux dans une seule petite boîte en pin, où pour l’éternité, nous dormirons ensemble. Ecrit par Barjac, le Jeudi 30 Octobre 2003, 14:03.
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