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Lettre à Ch. 09/09/04, 08h00
Le 09/09/04, 08h00, Appartement de Nico, Rennes.
Ma chère Ch., Je t'ai dit adieu hier soir, à la sortie du métro. J'ai fait quelques pas et je me suis retourné ; tu en as fait autant et nos regards se sont croisés. Et j'ai pensé à ceux que nous étions... Jamais nous n'aurions pu penser qu'un jour, sur un boulevard, on se dirait adieu ainsi. Alors je suis rentré, courbé sous le poids d'un amour pour toi qui est devenu une solitude, pleurant dans la lumière orange des lampadaires, crachant, toussant, riant de l'absurdité d'une vie que je ne comprends plus. J'ai longé le lycée, senti, juste derrière la grille, les pelouses où nous nous allongions, et pendant des heures nous restions ainsi, enlacés, regardant sur le bleu du ciel défiler des nuages dans lesquels on savait encore voir des chevaux. J'ai eu tant de peine à découvrir que tu avais oublié tout ça, que tu ne te souvenais pas qu'à une époque, tu préférais jeûner que perdre une minute de cet amour dont aujourd'hui je ne sais plus que faire. Je suis en deuil, deuil de la Ch. d'autrefois, de la gamine aux yeux pleins de rêve, de l'adolescente qui me demandait de lui promettre qu'un jour, je la prendrais pour femme. Mais les gens que l'on a été, lorsqu'ils meurent, ne laissent pas de tombe sur laquelle se répandre, alors je serre en vain contre moi quelque chose d'immatériel, un souvenir, une image, une femme qui n'existe plus. Je ne peux pas te dire adieu. J'ai besoin d'avoir un espoir, même totalement irréaliste, même s'il entretient ma douleur. J'en ai besoin comme d'une bouée à laquelle me raccrocher pour ne pas me laisser emmener dans les profondeurs de l'océan. Je pensais que te dire adieu, définitivement, m'aiderait à refaire ma vie. Et c'est sans doute vrai, mais il faut pour cela une force que je n'ai pas. Je ne peux pas t'oublier, je ne peux pas tirer un trait sur ce que tu fus pour moi. Tu as trop compté, tu comptes encore trop, pour que cela soit seulement possible. J'ai besoin de me dire qu'un jour, peut-être, tu retrouveras tes rêves d'autrefois, et tu reviendras vers moi avec dans les yeux cet amour dont j'étais si fier, cette responsabilité qui faisait de moi un homme. J'ai besoin de cet espoir, même s'il est idiot, parce que tout ce qui compte à cette heure, c'est d'avoir une raison de continuer à vivre. Je ne peux envisager le monde sans toi, car alors ma vie perd tout sens, et j'entends la Grande Muette qui m'invite au bal, pour une dernière danse, un dernier chagrin, et mourir dans ses bras serait plus beau que vivre loin des tiens, retrouver, de l'autre côté du Styx, la jeune fille à robe fleurie. J'ai souffert en amour, mais jamais comme cela. Jamais je n'ai senti en moi un tel poids, cette envie de tout arrêter. A quoi bon ? La vie sans toi n'est pas la vie. Oui, je pourrais aimer une autre fille. Mais ce n'est pas ce que je veux. C'est dans tes bras que j'ai compris que l'existence d'un homme n'a de sens que parce qu'il y a l'amour, le vrai amour. J'ai tant de peine à me retrouver seul, et j'aimerais tant que tu sois là, toi, l'autre, celle qui a toujours su me consoler, trouver les mots qui apaisaient mon coeur douloureux. Où es-tu, mon amie, ma confidente, celle sur laquelle je pouvais compter ? Et je lance dans la nuit un cri auquel seul répond l'écho, atroce de solitude. Te retrouverai-je jamais dans les yeux d'une autre, toi, celle que je connais mieux que personne, celle qui me connaît tout aussi bien, toi la rose du Petit Prince que je suis, mon amour, mon amie... Et combien de temps dans cet enfer avant de retrouver la tiédeur de ton sein, la douceur de ta joue, la chaleur de ta voix ? C'est tellement dur, tellement dur d'être un homme, d'aimer une fille qui n'entend pas, et je suis là, derrière une vitre à murmurer des mots qui n'arrivent plus à ton oreille. Tu étais comme moi, une artiste, un peu malade, un peu folle, de cette folie belle et douloureuse ; es-tu sûre qu'il n'en reste rien ? Tout est-il mort en toi, morts les rêves, mort le besoin d'une autre vie, d'un autre monde, morte ta sensibilité différente ? Retrouverai-je, un jour, une femme comme celle que tu étais, une fille qui saura voir le monde avec les mêmes yeux que moi, à la fois trop enfant et trop adulte ? Pourrai-je à nouveau t'aimer, et ne jamais laisser mes bras se rouvrir pour te laisser t'envoler? Oh oui, si je te retrouve, jamais, jamais je ne laisserai plus la vie mettre des murs entre nous, et toujours tu trouveras dans mes bras une place où reposer ta tête, juste là où mon coeur bat. Je t'aime, je t'aime, et je ne comprends pas pourquoi la vie a voulu que l'on vive tout ça, si c'était pour devoir mourir ensuite. Il aurait été tellement plus sensé de ne jamais se rencontrer, puisqu'on n'était pas faits pour vivre ensemble, ne crois-tu pas ? Car me voilà lié à toi, à jamais, et rien de ce que tu diras n'y changera rien. Tu es toi, l'unique, la seule. Platon disait que l'homme était une moitié d'ange, et qu'on passait sa vie à chercher cette moitié perdue, pour redonner la créature divine... Et comme je trouve qu'il a raison, aujourd'hui, et qu'il est dur d'accepter que nous ne jouerons plus à faire l'ange, et que je resterai cette moitié inutile, qui unie à son double devient tout, privée de lui n'est plus rien. Pardonne-moi, Ch., de dire tout cela... C'est tellement dur d'être face à toi et de sentir que pourtant tu n'es plus là. De sentir qu'aujourd'hui, j'ai encore besoin de toi, mais toi, tu n'as plus besoin de moi. Qu'il n'y a plus dans ton coeur ce besoin d'un garçon capable de voir les choses que les autres garçons ne voient pas, capable de te parler d'un pays qui te manque, de t'en décrire les montagnes, les vallées, les sources et les pinèdes, les plages et les landes, les rochers et les fleurs, de te faire te sentir chez toi. Tu m'écoutes, pleine de bonté, mais plus rien en toi ne brûle pour moi... Nous aurions pu être heureux, tu sais. Tu peux en douter aujourd'hui, parce qu'il y a trop d'habitudes dans ta vie. Et c'est une chose qui me mine, car je repense à la jeune fille qui t'aurait haïe pour oser douter de l'amour qu'elle éprouvait. Je crois qu'il est aisé, après tant de temps, de se dire qu'au fond tu ne m'as pas tant aimé que cela, que c'était un peu fou, un peu déraisonnable. L'amour n'est pas raisonnable ; aucune liberté ne saurait l'être. Peut-être ne m'aimes-tu plus, mais n'invente pas des mots pour justifier cela. Tu n'as pas à le faire. Laisse-moi au moins le passé, laisse-moi rêver que quand tu me disais toujours, tu le pensais vraiment. Ne me dis pas, comme font ces adultes, que les choses n'auraient pas marché, comme les gens enfermés inventent des histoires qui font peur pour se faire croire qu'ils sont bien mieux dans leur cage, bien en sécurité. On préfère penser que les barreaux sont là pour empêcher quelque chose de rentrer, pour nous protéger, que de penser qu'ils sont en réalité une prison, une liberté perdue. Mais moi, je suis ainsi, et t'en demande pardon : je n'accepte pas ces barreaux. Je reste dehors, à vivre ma vie de bohème, et si tu n'es plus là pour gambader avec moi dans les forêts, dans la campagne, la nuit, je continuerai seul. Jamais, jamais je ne renierai cette liberté, aussi douloureuse soit-elle. Jamais. Je suis ainsi, et oui, je souffrirai de nager à contre courant, mais c'est ma philosophie de la vie, et je ne l'abandonnerai jamais. Je ne me mettrai pas en cage pour une fille. J'en aimerai une libre, comme celle que tu étais, si j'en retrouve une, ou je n'en aimerai pas. Il m'est plus cher d'être libre et de rester fidèle à ce que j'ai toujours été que de t'oublier dans les bras d'une autre, même si cela me ferait certainement moins souffrir. Les choses importantes sont toujours douloureuses, le cap difficile à maintenir. Mais je tiendrai bon. Le souvenir de celle que tu étais, celle qui m'a dit un jour : « tu es un battant », celle qui m'estimait et m'admirait d'avoir le courage d'être ce que j'étais, ce souvenir m'aidera à rester moi-même. Et même si c'est idiot, je continuerai à me dire que ce que je fais, que ces rêves que je protège et défends contre la routine. que cette vie que j'ai choisie, que tout ça fait plaisir à la fille d'autrefois, qu'elle me sourit, qu'elle est fière de moi. Un jour, peut-être, tu comprendras que la vie d'un homme, d'une femme, n'est pas faite seulement d'habitudes. Qu'on a besoin d'autre chose, d'aspirations plus élevées, de se réaliser, de s'accomplir, et peut-être ce jour-là tu repenseras à l'ange que nous aurions pu être, tous les deux. Peut-être, un soir, assise sous les étoiles, tu te souviendras de la jeune fille qui avait passé ses bras autour de mon cou, et pour la première fois accueilli l'homme en elle, avec tant d'amour. Peut-être un jour tu comprendras que ce qu'il y a eu entre nous était trop fort pour être simplement une folie d'enfant. Ou bien que ce sont les fous qui ont raison, et les gens raisonnables qui sont fous. Oui, je sais ce que tu penses, et c'est cela qui me fait le plus de peine : tu portes maintenant sur moi le même regard qu'eux, plein de raison. Tu ne me comprends plus, et c'est cela le plus difficile à accepter. J'avais trouvé en toi quelqu'un qui comprenait, une artiste, une fille différente, sensible, fragile, et c'était comme d'être exilé dans un monde étranger, et d'avoir trouvé une compatriote. J'ai du mal à accepter que tu as fini par oublier cet ailleurs, par te naturaliser. Et je me retrouve seul, seul avec ce monde que personne ne comprend, ce monde qui est celui des poètes, et je suis l'albatros de Baudelaire, maladroit, gauche, sur le sol des hommes, mais majestueux lorsqu'il vole dans le ciel, dans son univers. Majestueux et désormais seul. Je ne couperai pas les ponts. Je continuerai à t'écrire, si tu l'acceptes. Un jour, sans doute, je m'en lasserai. On ne peut pas aimer indéfiniment sans être aimé. Et je rencontrerai, j'espère, une fille qui correspondra à ce dont j'ai besoin, et je pourrai alors t'oublier, te remplacer, et cesser de t'importuner. Mais, si cela ne te dérange pas, cela me ferait énormément de bien, au moins pour un temps, de pouvoir te parler, te dire ce que j'ai sur le coeur. Je comprends que cela soit dur pour toi. J'essaierai de te parler comme à une amie à laquelle on confie ses chagrins d'amour, je te parlerai de « la fille que j'aime », et tu feras comme si c'en était une autre. Pour l'instant, je ne peux pas me passer de toi, c'est trop dur. J'espère que tu comprendras cela. Pardonne-moi, souviens-toi qui j'ai été pour toi, et accorde-moi de pouvoir t'ennuyer un peu, en mémoire de ce que nous fûmes l'un pour l'autre... Oui, je t'aime, Ch. ; tu n'y peux rien, moi non plus. Sache qu'il est dur de perdre une fille comme toi, vraiment dur. Si un jour ton coeur se souvient, si un jour au fond de toi une voix te rappelle combien souvent tu me disais : « promets-moi qu'un jour tu m'épouseras, et que tu me donneras de petites têtes blondes qu'on regardera grandir ensemble », s'il te plaît, n'hésite pas, reviens vers moi. Même si c'est dans dix ans, dans vingt ans, dans quarante ans. Même si cela doit faire comme ta mère (j'essaierai de ne pas me bousiller la santé comme son copain, je te le promets). Ne m'oublie pas, Ch., ne m'oublie pas. Pour toi, pour moi, pour tout ce que l'on a partagé ensemble, pour toutes ces nuits dans la tente, dans ta chambre, pour les baisers que je posais dans le creux de ton épaule nue, pour la façon dont tu caressais mes cheveux après l'amour, pour la tiédeur des draps le matin, et on soulevait nos T-shirts à midi pour sentir contre notre ventre la douceur de nos peaux, pour tout cela, et pour tout ce qu'il serait trop long d'énumérer et que tu as déjà commencé à oublier, garde-moi une place, même infime, au fond de ta vie, au fond de ton coeur. Je t'aime. Ecrit par Barjac, le Mercredi 15 Septembre 2004, 17:25.
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