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Réflexions sur l'amour (suite)
[ En réponse au commentaire de Lili sur mon post « Nouvelles réflexions sur l’amour »]
La passion comme océan Lili propose de la passion l’image d’un océan. Je trouve cette image intéressante. Elle permet en effet d’aborder les deux types de réactions que l’on peut avoir face à la passion. Lili note le caractère dangereux, incertain, de cet océan, immensité sans fond ni horizon, qui peut effectivement entraîner une certaine appréhension. On n’est jamais très rassuré à l’idée de prendre le large ; il y a toujours un risque, même pour le marin le plus aguerri. L’océan est imprévisible, et réserve parfois des désagréables surprises. Plus d’un marin a péri en mer, et ce n’était pas nécessairement par manque d’expérience. Il y a de toute évidence sur l’eau des dangers qui dépassent tout simplement les capacités de résistance humaine. Perdu en pleine tempête, même le plus fortiche des Tabarly n’en reste pas moins un homme, limité dans sa force et son endurance. Cependant, si l’image de l’océan me semble aussi juste, c’est parce qu’elle permet de justifier aussi le point de vue de ceux qui persisteront à penser que la passion vaut le coup, quels qu’en soient les risques. Il peut disparaître en mer autant d’hommes que l’on veut, il en sera toujours d’autre pour prendre le large après eux. Y compris parmi ceux qui s’en seront tirés de justesse une fois déjà. L’immensité de l’océan qui effraie les uns fascine les autres, et le danger lui-même est un facteur d’attrait pour beaucoup. Il y a dans le fait d’être balloté par les flots, au risque de sa vie, quelque chose de grisant. Se battre contre l’indomptable élément marin, flirter avec la mort, sont des choses qui attirent les amateurs de sensations fortes. Cela rejoint la notion d’intensité que j’évoquais dans le post précédent sur la question. A celui qui a connu la tempête, la terre ferme peut paraître morte, trop tranquille, par contraste. D’où ce besoin d’aller se jeter dans la tourmente à nouveau. L’amour comme engagement L’amour, affirme Lili, est un choix, celui de rester avec une personne déterminée. Et c’est un choix dont l’impact se limite au présent. Je trouve cette ajout d’une importance capitale. On a trop souvent tendance à considérer que l’amour est un choix définitif. Je ne nie pas que sur le moment, celui qui aime se sent poussé par une force immense, mais dont la solidité n’est qu’apparente. Nous avons tous fait de ces promesses d’aimer « toujours », de ne « jamais » se séparer. Toujours, jamais, des mots dont il faut se méfier, car ils engagent bien plus que ce que notre vision nous permet réellement d’appréhender. Je ne dis pas qu’il ne faut pas se promettre de telles choses, bien au contraire. Elles sont d’une poésie dont on aurait tort de se priver. Simplement, il ne faut pas les prendre au pied de la lettre. Quand je dis « je t’aimerai toujours », je dis en réalité « je t’aime aujourd’hui, et je voudrais que cela dure toujours ». Nous aurions tort, en temps de rupture, de venir rappeler ces promesses à celui qui s’en dédit. Elles n’ont jamais eu pour but d’être tenues. L’amour, continue-t-elle, est « un engagement à être heureux ». Je tiens à dire combien je trouve cette affirmation juste. Je suis particulièrement bien placé pour savoir combien il est facile, lorsqu’on aime, de ne pas être heureux. C’est un jeu d’une étrange cruauté, tournée autant vers nous que vers notre partenaire, que de se laisser aller à un état de morosité permanente. Tant de fois, je me suis fait cette réflexion : il te suffirait de vouloir être heureux pour l’être. Il était clair que tout était une question de volonté. J’avais à disposition tous les moyens de goûter au bonheur ; je préférais m’en priver par jeu, un jeu relativement malsain. Il est tellement aisé de souffrir et de faire souffrir lorsque le coeur est amoureux. Et s’il y a dans cette souffrance quelque chose de fascinant, d’attirant, s’y laisser aller n’est pas une bonne chose. Lorsque j’aimais Ch., il nous arrivait de rester séparés pendant de longs mois, et passé le temps merveilleux des retrouvailles, c’était la guerre constante. Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi, alors que nous mesurions tous deux combien précieux étaient ces instants partagés, nous nous appliquions si soigneusement à en faire de la charpie. Peut-être la pression nous rendait-elle nerveux. De savoir que nous n’avions qu’un temps limité, qui serait de toute façon trop court, pour nous aimer, nous n’étions plus capable d’aimer aussi librement que si nous avions eu la vie devant nous. De nous dire sans cesse « nous n’avons que quelques jours à partager, il nous fait en tirer le maximum de bonheur » était peut-être le meilleur moyen de ne pas parvenir à en profiter. L’amour s’accorde mal des impératifs techniques, il a besoin de liberté pour s’épanouir. Ce n’était en général qu’une fois séparés de nouveau que nous réalisions combien nous avions été idiots de nous chamailler comme deux gamins, de gâcher si pitoyablement des moments devenus hélas si rares. Et de nous promettre que nous ferions mieux la prochaine fois. Mais en vain. [Il est rare que le bonheur ne dépende que de notre volonté, comme c’est le cas en amour, et c’est chose surprenante que quand il nous suffirait de vouloir être heureux pour l’être, voilà qu’on s’y refuse. Cela soulève un sujet de réflexion connexe : Dans quelle mesure l’homme désire-t-il réellement son bonheur ? Et si sa volonté s’oppose à son bonheur, peut-on essayer de faire son bonheur contre sa volonté ? Doit-on privilégier le bonheur d’un homme à sa liberté de ne pas en jouir ? Je laisse ces questions en suspens.] Cette question du bonheur dans l’amour, du bonheur volontaire, est tout à fait intéressante. Il est aisé d’être heureux lorsque l’on aime ; encore faut-il le vouloir. J’ai toujours été fasciné par le fait qu’on peut apprécier ou non un instant d’amour uniquement par la force de notre volonté. Le même baiser sera magnifique si l’on accepte de s’y abandonner, de se concentrer, ou fade si on le fait de loin. J’ai connu comme ça des soirées où l’on se fâche, et ou l’on se couche chacun dans son coin, en se disant « encore une de foutue », mais en se gardant bien de rien faire pour que cela change, alors qu’il suffirait de si peu. Pourquoi cela ? La raison principale que j’invoquerai, du moins était-ce celle-là dans mon cas, est l’orgueil. Orgueil qui nous pousse à nous priver du bonheur par fierté. Il nous suffirait de mettre cet orgueil de côté pour passer un bon moment, mais voilà, on ne peut se résoudre à perdre la face. Attitude idiote, semblable au comportement têtu d’un âne, et que j’ai bien souvent faite mienne. Il m’est pourtant arrivé de me raisonner, de me dire « enfin, zut, le temps est trop précieux pour qu’on en fasse pas des bons souvenirs quand c’est à notre portée », et ce que ma fierté a pu y perdre, je l’ai toujours largement gagné en bonheur. Il faut parfois savoir mettre de côté son orgueil, qui est un véritable poison pour le bonheur. On peut aussi se poser la question : pourquoi l’orgueil se met-il ainsi entre nous et le bonheur, pourquoi ce besoin idiot de défendre notre fierté contre celui ou celle qu’on aime ? Pourquoi un mot, un geste, nous font-ils soudain redresser tous les remparts qu’on avait abaissés pour laisser entrer l’élu(e) ? Je crois qu’il y a là une illustration du fait que la confiance est une chose fragile, en particulier en amour. Et l’effort de volonté que j’évoque depuis tout à l’heure est justement cet ordre donné à nos troupes de rouvrir les portes de la ville et de retourner se coucher, fausse alerte. Mettre de côté ce qu’on a pu prendre comme un affront n’est pas nécessairement chose évidente, mais c’est chose faisable, et qui rapporte toujours beaucoup. Si l’on parvenait à se mettre ça dans le crâne, moi le premier, on réduirait considérablement le nombre de disputes en couple. De la dispute en couple On m’a souvent répété que les disputes étaient nécessaires dans un couple, mais sans jamais vraiment m’expliquer pourquoi. Je crois pour ma part qu’elles sont en effet un moyen de venir troubler l’ordre établi, le moyen le plus facile de rejeter la routine. Les premiers temps de l’amour ont justement ceci de formidable qu’ils bouleversent toutes nos habitudes, et que tout prend alors un visage nouveau. Mais, même en couple, la routine finit toujours par revenir. On reprend à deux les habitudes qu’on avait chacun dans son coin. Chercher la petite bête n’est bien souvent qu’un prétexte inconscient pour chasser cette routine, l’espace d’une crise. C’est un moyen de remettre un peu d’intensité dans une relation devenue plate et routinière, chose qu’on accepte difficilement. Qui n’a jamais fait le constat amer que les premiers jours où « elle était Vénus et moi Apollon » ont bel et bien fichu le camp ? Cet amour qu’on imaginait une idylle sans fin a perdu ses couleurs avec le temps, et cela nous énerve au point qu’on finit tant l’un que l’autre par se bouffer le nez. Je suis persuadé que la majorité des disputes dans un couple n’a d’autre but que de chambouler l’ordre (ré-) établi, de redevenir étrangers l’un à l’autre pour pouvoir mieux se retrouver ensuite, comme aux premiers temps. Car la dispute a aussi cela de bon qu’elle nous rend à nouveaux étrangers l’un à l’autre. Cela nous ramène au temps où l’on ne se connaissait pas encore, où la crainte et la fascination se mêlaient face à l’inconnu(e). Avec le temps, on a le sentiment de le ou la connaître par coeur ; une bonne dispute remet un peu de distance, d’exotisme, dans cet autre qui nous échappe à nouveau. J’épouse à ce sujet le point de vue qu’expose Cohen dans Belle du Seigneur, où le personnage de Solal crée volontairement des disputes d’une grande violence, afin de maintenir la passion chez sa compagne. A la différence près que je doute qu’ils soient nombreux à être conscients de provoquer la dispute dans le but de retrouver la passion des débuts. Maintenant, tout cela justifie-t-il la dispute ? Je veux dire par là, n’y a-t-il pas d’autre moyen d’entretenir l’idylle autrement que par l’affrontement ? Je pense qu’il en est d’autres. Je ne sais pas s’il est facile pour une fille de faire le bonheur de son homme (en tous cas certainement pas si elle a le malheur de tomber sur un type comme moi, la pauvre), je sais par contre qu’il est aisé de faire celui d’une fille. Du moins je n’ai jamais rencontré de fille qu’il fut difficile de rendre heureuse. J’ai toujours pu constater qu’il suffisait de briser l’habitude pour cela ; vous autres n’êtes pas bien exigeantes, et nous vous en sommes gré ! Ramenez-lui un jour un bouquet de fleurs, racontez-lui une belle histoire, emmenez-là dans un endroit inconnu, au bord de la mer, dans un coin perdu de campagne, et toujours le résultat est garanti. Un jour, passant au supermarché pour trois bricoles, j’achetai aussi un ananas : Chiara les aimait beaucoup. Elle en fut tellement contente que l’espace d’un instant j’envisageai de me lancer dans l’exploitation ananassière.( Je dus abandonner l’idée, car les seuls trucs qui veulent bien pousser en Angleterre sont l’orge et la chips, et elle ne rafollait ni de l’un, ni de l’autre.) Preuve qu’il n’est pas besoin de beaucoup. C’est certes peu de choses, mais encore faut-il s’en donner la peine. Je m’étais par exemple promis d’emmener Chiara sur les bords du canal, là où la ville cède le pas à la campagne, où l’herbe est suffisante pour s’y allonger et regarder passer les rares péniches ; je ne l’ai jamais fait. Le pire est de me dire que j’aurais probablement été heureux de le faire. Il était hélas tellement plus facile de se disputer... C’est une chose que je regrette. Si le bonheur d’une fille était une chose difficile à obtenir, on pourrait plaider autre chose que coupable. Mais ce n’est pas le cas, et on est seul responsable de son malheur quand on s’est conduit comme un âne. Ne pas savoir être généreux quand cela ne nous coûte rien, c’est être avare. Quel dommage qu’on ait tant d’idées et d’énergie pour les réaliser lorsqu’on est loin d’elle, et qu’une fois à son côté, on n’ait plus ni l’une, ni l’autre... Je finirai par croire qu’on n’aime bien qu’à distance. Voilà, je termine ici pour aujourd’hui. Merci Lili pour ton commentaire, il était plein de justesse. Ah, que ne peut la sagesse trouver son chemin dans notre coeur lorsqu’il est épris ; combien mieux on aimerait alors... (voilà que je parle comme au dix-huitième, moi, c’est signe qu’il est temps de jeter la plume, d’ôter guêtres et chemise, et de m’aller coucher.) Ecrit par Barjac, le Mardi 24 Février 2004, 17:38.
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