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Attente
Alors, à huit heures, on s’est retrouvés chez Jane, comme prévu. Jane, Sophie, Yves, Andreas, et moi. C’était un peu froid au début, comme toujours, mais après quelques verres, on était tous gais et enthousiastes. Alors, d’un pas mal assuré, on a rejoint la Guilde, où il y avait une soirée étudiante, et on a continué à boire. C’était bien. Lorsque la musique est trop forte, les filles vous parlent joue contre joue, vous tiennent par le bras. Jane et Sophie me répétant qu’il me suffirait de choisir une fille au hasard dans la salle, qu’elle dirait oui, inévitablement. Je suis si beau garçon. Agréable, même si l’on en doute toujours. Et puis Steve, mon ancien pote anglais, on a longuement parlé. On va remonter un groupe. Ce sera fantastique. The drummer gets the girl, ah ah. Pourtant, quelques minutes après, il y a eu cette fille, qui est venue me parler. Dernière année de psycho. Ca a démarré avec une histoire de briquet, et puis on a discuté un moment, joue contre joue, et j’étais heureux, de ce bonheur d’homme ivre, quand plus rien n’a tellement d’importance. Et puis, on est allés s’asseoir dans un canapé, on a parlé, encore, elle m’a embrassé. Et puis sa copine a débarqué : il faut qu’on rentre. Alors ce fut : ravie de t’avoir rencontré. Moi de même. Et encore un baiser sur la joue, un mot doux. Et puis, j’ai rejoint les autres. Les filles rigolaient, les garçons tiraient la tronche. Peut-être Jane et Sophie ont raison, après tout. Je peux ne pas y croire, mais les faits me le prouvent. Et puis, tout s’est mis à tourner, alors j’ai été m’isoler sur une chaise, et puis je suis sorti, j’ai fait trois pas, et j’ai vomi mon dîner. Et puis je n’ai pas pu retourner à l’intérieur, à cause de la sécurité, alors j’ai attendu dehors. Les filles sont sorties, un quart d’heure plus tard, et on a été boire un thé. Les autres gars nous ont rejoints, accompagnés de deux autres filles (françaises) et un autre gars (allemand). On a discuté un moment, et tout ce petit monde est rentré. Puis, Jane a parlé de son doctorat. Puis il y a eu une araignée, et elle a fait une crise de phobie. Puis j’ai fini par y aller, Jane m’a raccompagné jusqu’à ma porte. Elle était ivre. Et me voilà ici, avec une douleur à la place du foie, et l’impression curieuse que la vie est une chose triste. Une attente, sans cesse déçue. Mais attente de quoi ? Si seulement je le savais, je pourrais faire quelque chose. Du contact d’une joue féminine, du sourire d’une fille ? Non. Si c’était cela, je le saurais. D’une mère, peut-être. Ou quelqu’un pour me prendre par la main et me dire : viens, on s’en va, on fout le camp. C’est pas ton monde ici, je te ramène chez toi. Chez moi ? C’est où chez moi ? Une attente sans cesse déçue. J’ai vraiment mal au foie. Il est cinq heures et demie.
Ecrit par Barjac, le Samedi 9 Octobre 2004, 05:15.
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