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Interrogations diverses
Assis sur le toit, sous la lune blanche, je regarde monter la fumée de ma cigarette. Je suis resté scotché devant la télé jusqu'à tard. Des âneries, sur Arte. Juste ce qu'il faut pour réaliser, en me regardant dans le miroir, qu'il y a de plus en plus de gens qui ont mon âge ou moins, et que le reflet qui s'offre à mes yeux n'est plus celui de l'enfant à l'intérieur, mais bien d'un homme. Fut un temps, la vie était toute à venir. Ce qu'on serait, ce qu'on réaliserait, tout restait à écrire. Et je m'aperçois que je continue à me considérer comme la graine qui un jour, un jour bien sûr, donnera un grand arbre. Mais à l'heure où l'essentiel des gens de mon âge ont acquis une situation stable, gagnent leur vie, sont, sinon ce qu'il rêvaient d'être, du moins quelque chose, je ne suis, moi, encore qu'un « à venir ». Je ne sais plus quel écrivain a écrit que si on désirait avoir fait quelque chose avant de mourir, il ne fallait pas attendre le lendemain pour s'y mettre. Et je suis forcé d'admettre qu'il a raison. Mais s'accomplir, lorsqu'on met haut la barre, devient une épreuve. Plus de continuité vécue sans y réfléchir ; un saut, vers lequel je vais à reculons. Un jour je serai un aigle, un aigle immense avec des ailes si larges qu'elles feront de l'ombre jusque sur le sol. Un jour, mais pas aujourd'hui. Prendre de l'élan, pour mieux sauter. Ou pour ne pas sauter du tout, car plus on recule, plus la falaise s'éloigne, et à ce rythme-là, je serai bientôt loin dans les terres.
Je pense à Jangs et à son rêve d'acteur, au mien de musicien. Je voudrais être riche, être grand, être admiré. Ce ne sont là que les usuels rêves de timides, pour qui la gloire n'est que la réponse à un manque de confiance en soi, dont les femmes sont le centre. On voudrait être un géant, un parti en or, pour justement ne pas avoir à connaître les angoisses de l'homme aimant sans oser le dire. Etre suffisamment grand pour que ce soit à elles de venir à nous et non l'inverse. Se vouloir l'amant des plus belles, simplement parce que même devant la moins jolie on perd tous nos moyens. J'ai aimé, dans les yeux de Claudia, cet éclat d'admiration naïve. Il est si bon de se sentir quelqu'un dans le regard d'une fille, quelle qu'elle soit. Je n'ai pas répondu à son mail, celui qui disait : « hélas, tu es en France maintenant ». Je ne la trouve pas jolie, et je suis tout simplement incapable d'aimer une personne que je ne désire pas. Mais je ne suis pas non plus capable d'aimer une fille que j'admire, sinon en le lui taisant. Ch. dirait qu'il me faut lui laisser une chance. Qu'il me faut me laisser une chance. Mais c'est tout bonnement impossible. Autrefois, oui, car tout me fascinait chez les filles. Aujourd'hui, je cherche une raison, une seule, de m'encombrer d'une partenaire dont je ne vois que les désavantages. Seule la beauté me fascine encore, parce qu'elle suggère - ô combien faussement, mais ce qui importe est ce que l'on croit, non pas ce qui est vrai – la perfection. Parce qu'elle fascine les autres hommes, parce qu'elle est le gage du succès, un succès qui se montre, et que recherche l'homme qui s'estime trop peu. Non, l'amour ne devrait pas être la recherche d'une reconnaissance aux yeux de ses semblables, ni une petite amie le moyen de l'atteindre. Mais il ne s'agit pas ici de chercher ce qui est bon, ce qui est juste, ce qui est beau, simplement de soigner une maladie de l'esprit. Je reconnais que les filles le plus à même d'aimer, d'aimer avec intensité (c'est-à-dire, si les circonstances s'y prêtent, d'en souffrir) ne sont en général pas les plus jolies. Il faut avoir appris à désirer, avoir attendu longtemps, refusé d'y croire lorsque pourtant cela arrive, pour donner à l'amour toute son amplitude. Je doute que la beauté favorise ce genre d'attentes, cette souffrance d'un amour qui n'ose pas se dire, et dont la grandeur tient à ce qu'on l'a espéré, rêvé, y a déjà presque renoncé lorsqu'il arrive. Aimer sans l'être, ou l'être sans aimer, sont deux solitudes. Mais à choisir, je préfère la première. On éprouve du bonheur à serrer dans ses bras une fille qui n'éprouve rien pour nous ; on n'éprouve que de la gêne à en serrer une pour qui l'on n'éprouve rien. Bien sûr, ce sont les propos d'un homme qui a aimé, aimé vraiment. Et, en effet, il m'arrive de le regretter, car en ayant conservé mon idéal vierge de tout visage, de tout prénom, je serais comme tant d'autres jeunes gens seuls : dans l'attente d'un bonheur à venir, et non caressant le regret d'un bonheur perdu. Je suis presque convaincu qu'il y a, de l'écriture à l'amour impossible, une relation ténue. Saint-Exupery et Proust me le confirment. Freud aussi, à sa manière : la culture serait, selon lui, le résultat des barrières imposées par la société aux pulsions sexuelles, permettant de les transcender, de les exprimer par des voies détournées et plus « nobles » (par exemple l'art). Là où Freud utilise le mot sexe, j'utiliserais plutôt le mot amour, qui à mes yeux représente une force humaine. Isoler l'union charnelle n'a pas de sens ; isoler le reste n'en a pas plus. Tendresse, attachement, relation à l'autre, tout cela est sexuel. Non pas sexuel au sens usuel, mais au sens entier, complet, noble. Je ne l'illustrerai mieux qu'en reprenant cette définition de l'acte amoureux que j'avais donnée je ne sais plus trop où : faire l'amour à une fille, cela commence au restaurant, continue au cinéma, et se termine en la prenant sur nos genoux devant le café le lendemain matin. L'erreur consiste à donner à l'acte physique une position centrale, et à faire des « préliminaires » quelque chose de secondaire. Le mot « préliminaire » lui-même est on ne peut plus mal choisi, car de même qu'un apéritif n'est qu'une extension du repas, le préliminaire n'est alors qu'une extension de l'acte auquel il conduit. Faut-il alors appeler « préliminaires » les baisers qu'échangent deux amoureux dans un parc ? Certes, ils stimulent le désir, mais n'en rendent pas la concrétisation nécessaire, et se suffisent à eux-mêmes. Pourtant, ces baisers sont-ils différents de ceux qu'échangera le même couple sur son lit avant de faire l'amour ? Fi, donc, d'une dénomination où l'acte est roi et le reste sa cour. L'acte n'est pas nécessairement un but, ni un soleil autour duquel gravitent le baiser, la caresse... Ce n'est qu'une forme d'expression de l'amour, à placer sur un plan d'équité avec les autres. Autrement, on dira que dans ma vision des choses, une relation de couple n'est qu'un immense préliminaire à l'acte sexuel, ce qui est absurde. Il faut simplement remettre le sexe à sa place, soit le descendre de son piédestal, soit le sortir du caniveau. Il fait partie de la relation à l'autre sexe. Le baiser est sexuel, le fait de tenir la main de celui ou celle qu'on aime est sexuel, l'écriture d'une lettre à sa fiancée est sexuel, le fait de la prendre dans ses bras est sexuel : l'ensemble de la relation est sexuelle. Il ne s'agit pas ici de « sexuel » au sens « lié à l'acte sexuel », mais au sens « émanant de cette force invisible, de cet instinct, que je nomme, par abus de langage, sexe ». Le sexe est cette puissance inconsciente dont nos désirs, nos angoisses, nos ambitions, nos idéaux, nos relations à l'autre (et en particulier à l'autre sexe) sont différentes manifestations ; dont la créativité (littéraire, artistique), l'inventivité (capacité à trouver une solution à un problème), le langage (lien principal, mais non unique, dans la relation à l'autre - il en existe d'autres : le regard, le contact physique), l'acte sexuel, sont autant de moyens d'expression. Que l'on se représente cette force comme un flux (une rivière, par exemple) : l'obstruction d'une des ramifications (un barrage sur un des bras) fera monter le niveau dans les autres. C'est pourquoi, en effet, je pense que l'acte d'écriture, tout comme celui de composer de la musique, sont d'autant plus favorisés que la relation à l'autre sexe est difficile. Me tromperai-je de beaucoup en supposant que l'essentiel des gens qui écrivent beaucoup ici (que ce soit en fréquence ou en quantité) sont en majorité des célibataires, et éprouvent des difficultés dans leurs relations à l'autre sexe (manque de confiance, principalement) ? Une question se pose pourtant : à supposer que l'image de la rivière soit juste, l'amour vécu, qui devrait donc correspondre à une ouverture du barrage, voire même agir comme une pompe, c'est-à-dire focaliser la force précédemment évoquée dans son aspect « relation à l'autre », devrait en toute logique conduire à, sinon un assèchement, du moins une baisse du niveau dans les autres domaines. Hors, si je me base sur mon expérience personnelle, je dois avouer que je n'ai jamais autant écrit que lorsque j'aimais Ch. Soit, donc, le débit de notre rivière ne serait pas constant, et tendrait à augmenter lorsqu'on aime ; soit, on ne doit pas considérer l'écriture qui s'adresse à une personne aimée comme un acte de créativité (imposer à la définition de la créativité qu'elle ne soit pas unidirectionnelle, mais s'adresse à un public plus large ?). Comment, par ailleurs, expliquer le sursaut créatif qui intervient dans les périodes de peine ou, bien que dans une moindre mesure, de joie ? Comment interpréter le fait que la peine peut aussi exacerber le désir (d'acheter, de manger, sexuel au sens premier...) ? Nouvelles pistes de réflexions à creuser. Ecrit par Barjac, le Vendredi 31 Décembre 2004, 21:30.
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