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Marianna
Elle s'appelle Marianna. J'ai déjà parlé d'elle dans un de mes précédents posts. C'est la copine d'Anna qui danse si bien. Ca commence dans la cuisine, je rigole avec Anna et elle, on mime le flirt outrancier, on s'envoie clins d'oeils et bisous, et l'on rit de notre bêtise. Puis on va en boîte. Je danse avec Marianna. Je danse avec la plus jolie fille de la bande, et j'aime la regarder danser, sentir la peau de ses mains, de ses bras, de ses épaules, le souffle de ses cheveux. Et puis, on se retrouve seuls dans un coin, alors plus on danse ensemble, et plus on rigole, et plus on rigole, plus en s'enhardit. Et je finis, ou bien c'est elle, par refermer mes bras autour d'elle et elle les siens autour de moi. Alors, on ne se décolle plus. On rit, parce qu'on est heureux. On se fait des regards désapprobateurs, des regards innocents, des regards brûlants, et on rit encore. Et puis de joue contre joue, on glisse, et bientôt je l'embrasse, et je la serre contre moi de toutes mes forces, et elle fait de même. Et on rit encore. On rit de savoir qu'on se comprend, on rit d'avoir confiance, on rit d'aimer. Bientôt, la bande met les voiles, alors on y va. Nous marchons dix mètres derrière tout le monde, incapable de nous décoller l'un de l'autre, sans cesse joue contre joue, main dans la main, cheveux dans les yeux. Souvent, je l'arrête, pour l'embrasser, et elle s'y prête avec joie. Déjà, on ne voit plus les autres. Tous les dix mètres, je l'embrasse, et l'embrasse encore. On se parle, un peu. Je comprends qu'elle n'habite pas ici, lui demande si elle veut plus que l'affaire d'une nuit. Elle me répond qu'on ne peut pas vraiment faire autrement, qu'elle habite trop loin, qu'elle a un ex qui lui court après, et qu'elle ne veut pas se compliquer la vie. Je ne dis rien. La vie, c'est avec des formules comme celle-là qu'on se la complique. Je lui dis que je lui donnerai mon numéro, qu'elle ne l'utilisera pas si elle ne veut pas, mais que si elle veut, il y a des trains entre Birmingham et Leeds, et que je suis prêt à les prendre. J'essaie de la convaincre de venir chez moi. Je lui explique qu'elle peut avoir confiance, que je ne vais pas essayer de lui sauter dessus. On passe peut-être une demi heure sous un porche, à s'embrasser, encore et encore, et j'aime refermer mes bras autour d'elle, si fine, si belle, j'aime son visage contre mon épaule, la façon dont elle ferme les yeux, le parfum dans son cou. Et puis, Anna m'appelle. Je rejette le premier appel, mais Marianna me demande de répondre au second, donc je le fais. Anna parle à Marianna, on rentre. Devant la grille, elle fait signe à Anna d'attendre, vient vers moi, m'embrasse. Je dis merci, elle dit merci aussi. Elle me fascine autant que je la fascine, je m'en rends compte. Puis elle me dit à demain, et disparaît. Le bonheur, ai-je dit, on ne le croise pas tous les jours sur son chemin. Alors quand on le croise, il faut le saisir. Elle a souri.

J'ai aimé, ce soir. J'ai aimé de toute ma force, étreint dans mes bras le corps d'une fille, embrassé ses lèvres, humble devant sa beauté, heureux quand elle jouait avec mes cheveux, me mordait dans le cou, laissé mes yeux plonger dans les siens, laissé mes doigts caresser ses joues, écarter ses cheveux, dessiner ses lèvres. Et puis voilà. Même chambre, même homme. Je la revois demain, et comment sera demain ? Je me sentais honteux devant les copains, comme si j'avais trahi Anna, Niels et Mario en aimant Marianna. Pourquoi, pourquoi faut-il qu'elle habite à l'autre bout de l'Angleterre ? Combien de temps depuis la dernière fois où j'ai aimé une fille et où elle m'a aimé pareillement ? Incapable de nous arrêter de nous embrasser, comme si soudain, nous étions devenus l'un à l'autre indispensables. Plus d'amis, plus de boulot (je devais me lever tot demain ; on est déjà tot demain...), plus rien qu'elle et moi, et nos regards qui s'accrochent, nos sourires qui se font rires, que l'on étouffe dans le col de l'autre. Voilà, je la reverrai demain. J'ignore comment ça sera. Je lui ai dit que c'était vraiment un chouette fille, et que je l'aimais beaucoup. Par retenue. Pour ne pas dire : je t'aime, comme ça, au premier soir. Et pourtant, c'est bien de ça qu'il s'agit. Et j'ai d'autant plus mal que pour la première fois depuis des lustres, c'était réciproque. Comme un couple ayant tant désiré un enfant, et qui le jour où il parvient à en avoir un, apprent qu'il n'est pas viable, mourra avant demain. Et demain, que vais-je lui dire, moi ? Au milieu de tous ces amis qui nous ont vus nous embrasser, ça va être tendu. Au début, je croyais qu'elle était de Birmingham, et je me voyais déjà dire à Steve que ça y était, que j'avais trouvé une fille fantastique, et que les sentiments étaient réciproques. Je me souviens, la première fois que je l'ai vue, il y a déjà un moment. Je l'avais trouvé vraiment jolie. Définitivement trop jolie pour un gars comme moi. Et pourtant, ce soir, c'est moi qu'elle veut, moi, moi, rien que moi. Je suis amoureux. J'ai tant écrit sur cette saloperie, pour y retomber sans une hésitation. Et maintenant, devant une fenêtre vide, dans une chambre vide, je ne pleure même pas. Il est des situations où les larmes ne serviraient à rien. Je l'aime. Je l'aime. Elle embrassait comme Ch. Elle était belle comme Ch. Peut-être même plus belle encore. Elle était drôle, elle était inquiète pour Anna qui devait l'attendre dans le froid, mais elle ne m'empêchait pas de la retenir. Elle m'embrassait encore. C'est comme de monter dans la plus belle voiture du monde, et de foncer droit sur un mur. Et s'il est un Dieu, là-haut, qu'il me permette de lui dire que donner tant de bonheur à deux personnes qui seraient prêtes à s'aimer, sans leur donner les moyens de vivre cet amour, ce n'est pas fair play.

Marianna, je ne te connais pas bien. Mais je sais que dans tes yeux, il y avait la même chose que les dans les miens. Que dans tes bras, je me sentais comme toi dans les miens : entier, heureux. Que l'amour, ça ne se croise pas à tous les coins de rue. Il est douloureux d'être rejeté par une fille, mais il l'est plus encore d'entendre une fille dont le coeur dit oui, mille fois oui, vous dire non par raison, parce que ce serait trop compliqué. Et vous embrasser à nouveau. J'angoisse pour demain, j'angoisse pour les jours qui viennent, et qui vont être maintenant tellement vides. Pourquoi ne puis-je aimer sans que toujours cela tourne à la tragédie ? Pourquoi quand une fille me dit oui, faut-il qu'elle s'en aille le lendemain ? Je hais Dieu, je hais la vie, je hais tout ce qui n'est pas elle, elle, elle. Marianna.

Ecrit par Barjac, le Samedi 26 Février 2005, 06:39.
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