Je suis amoureux d'elle. Elle est amoureuse de moi. Nous avons passé l'après-midi à marcher au bord du canal, en amoureux. Je l'ai embrassé mille fois, elle m'a rendu la pareille. Puis on est allés se réchauffer dans un café. Je lui ai demandé comment elle envisageait le futur. Elle a hoché la tete. Elle a dit qu'elle ne savait pas, qu'elle ne voulait pas y penser. Que son ex venait la voir la semaine prochaine. Puis je lui pose des questions, et c'est tout un chapitre à la Ch., à la Chiara. Elle est heureuse, elle voudrait ne jamais rentrer chez elle, rester avec moi. Mais. Le Mais de l'indécision. Le bonheur est là, à portée de main, et tout ça ne sera bientot plus que des souvenirs, simplement parce qu'elle non plus n'aura pas le courage d'apporter du changement dans sa vie.

C'est encore pire que Ch. qui avait un petit ami. Elle n'en a pas, juste un ex. Dont elle n'est plus amoureuse. Je ne sais plus quoi penser, ou dire, ou faire. Il y a un truc qui cloche complètement avec les filles. Elle est heureuse, on marche dans la rue joue contre joue, et elle a un sourire jusqu'aux oreilles ; elle m'arrete pour m'embrasser, elle voudrait rester toujours avec moi. Mais dans sa tete, demain soir, tout est fini. A cause d'un ex. Je comprends qu'on dise non à quelqu'un qu'on n'aime pas vraiment. Elle a demandé à me revoir demain matin, elle me regarde avec des yeux que j'en ai l'impression d'etre un Leonidas, elle EST amoureuse. D'un garçon qui éprouve les memes sentiments, qui habite à deux heures de train de chez elle, est pret à faire le voyage chaque week-end. Et tout ça, son bonheur, le mien, le notre, les baisers sur le pont, tout ça va finir en boules de papier au fond d'une corbeille, simplement par indécision. Je ne peux pas comprendre qu'on puisse etre amoureux et ne pas foncer ; pire : y renoncer. Alors que tout est là pour que ça marche. Les filles ont-elles vraiment un coeur, un organe qui bat, et surtout qui SOUFFRE ?

Elle a flashé la première fois qu'elle m'a vu, il y a quelques mois. Elle croyait que j'étais avec Sophie. J'appréhende pour le diner de ce soir. Entre les clins d'oeils que l'on va s'envoyer à droite et à gauche, les interrogations (Ils ne sont pas ensemble ? Ils sont ensemble ? - on a décidé de la jouer "juste copains" ce soir, à cause de Sophie), le fait que je vais etre là à discuter avec tout le monde, et elle de son coté à faire de meme, alors qu'on voudrait etre ensemble... Je sens que tout ca va m'enerver. Ca plus le fait que chaque minute nous rapproche de l'écheance. C'est quand meme fou, qu'une fille puisse etre amoureuse de vous, se conduire comme votre petite amie pendant deux jours, et ensuite... Elle a dit qu'elle réfléchirait. Ecoute ton coeur, c'est déjà assez confus dans ta tete ! C'est la pire des choses qu'elle puisse faire. Mais je ne sais plus quoi dire, c'est complètement absurde. Si j'aime quelqu'un, je ne vais pas lui dire non pour des raisons que je ne suis meme pas capable de m'expliquer a moi-meme ! Elle ne se rend pas compte de la chance qu'on a. On se parle comme si on se connaissait depuis toujours ; je n'ai appris son prénom qu'hier. Et je voudrais la revoir chaque week-end, continuer sur notre lancée, puisque cela nous rend tous deux heureux. Je vais finir par penser que j'ai la poisse. Je n'ai pas été amoureux comme ça depuis Ch. Au fond, je crois qu'on n'oublie un(e) ex que lorsqu'on décide que maintenant, ça a assez duré, il faut tourner la page. D'ici quelques jours, je serais juste un souvenir, quelques jolies photos d'un garçon et d'une fille sur un pont, et elle se remettra avec son ex. Non par amour, juste par habitude. Ce sont ses propres mots. On n'efface pas comme ça deux ans d'habitude (ça, je peux le comprendre).

Je devrais lui dire non pour demain, lui dire d'aller au diable, qu'on ne joue pas avec les sentiments. Que si elle ne sait pas ce qu'elle veut, moi je le sais, et ce n'est pas un truc à la Chiara. Qu'embrasser un garçon c'EST etre sa petite amie. Et que si elle ne le veut pas, alors qu'elle ne donne rien. Mais je sais que je dirai oui, et qu'elle ne sera pas la quand je pleurerai dans ma chambre demain. Une chance, je serai occupé toute l'après-midi : préparation d'un TP de psycho avec Regina, préparation du concert, concert. Je devrais fuire, fuire avant qu'il ne soit trop tard. Mais il est trop tard. Je suis en train de me mettre le coeur à feu et à sang. La fille en vaut la peine, c'est tout ce que je trouve à me dire pour me consoler. J'étais avec elle il y a dix minutes, et j'ai déjà mal de son absence. Que sera-ce demain ? Que sera-ce quand elle m'écrira un mail succinct du type : "voila les photos de ce week-end. Porte-toi bien. M." ? Qu'elle sera à nouveau avec son ex ? Fous le camp, mon vieux, fous le camp d'ici.

Peut-etre est-ce juste que je n'ai pas de chance. Ou peut-etre les filles sont-elles reellement cinglées. Et, de la meme manière que j'écrase cent millions d'accariens à chaque pas, incapables de réaliser que leur grand flou artistique sème la douleur dans le coeur de ceux qui les aiment. Face à un coeur de fille, ni psychologie, ni science de quelque sorte ne sont d'aucun secours. C'est le domaine de l'inappréhendable. Il ne reste que la foi, prier pour que ça ne fasse pas trop mal trop longtemps. Je t'aime vraiment, tu sais, mais je ne préfère qu'on ne se revoie pas. Je préfère les carottes, donne-moi donc des tomates. J'en rirais si je n'avais pas son parfum sur mon col et l'envie de la serrer dans mes bras, encore, encore, encore. Pourquoi avez-vous besoin de tout ruiner avec un comportement totalement illogique ? Je comprends qu'on puisse se foutre du bonheur d'un autre, mais du sien...

Fumer une clope. Affronter la soirée en homme brave et maitre de son navire. Boire mais pas trop. Discuter avec les uns et les autres, déverser des litres de superficiel quand on pourrait s'offrir d'intenses minutes d'authenticité. Ne penser à rien, faire le vide. Non, penser au concert de demain. Encore une inconnue qui s'en ira comme elle est venue. Encore du scotch partout autour du coeur. Je finirai par hair les femmes.