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Mort et amour
03:15 - Il faut s'y forcer. L'acte n'est pas (plus) naturel ; mais c'est peut-être un bon signe.

Ecrire. A cause de ce que d'autres ont écrit. A cause de l'amour. A cause de la mort. Des bougies suffiront, la lumière de la lampe est trop crue à cette heure.

La mort. C'est la raison première. La mort, et l'angoisse qu'elle engendre, là, aux petites heures du matin. La mort, dont la silhouette indifférente surgit soudain sur le chemin du sommeil, et l'on n'a d'autre choix que de rebrousser chemin. Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas vieillir, et laisser derrière moi un temps, le temps de l'accomplissement. Accomplir quoi ? Je l'ignore. Exister. Mais exister de quelle manière ? Aux yeux de qui ? Cela n'est pas bien clair non plus. Tout juste une pensée, une image : moi, ce même moi, deux yeux et une âme, au terme d'une vie. L'idée me terrorise. Ce moi, ce moi continu, entier et indivisible dans le temps, ce "moi" qui me désigne quel que soit le repère sur la ligne des ans. C'était "moi". C'est "moi". Ce sera "moi". La mort, pour le vivant, est une légende. Il y a dans cette continuité du moi quelque chose de fondamentalement logique, indestructible. "Je ne peux pas cesser d'être". Parce que j'étais il y a deux secondes, il est normal que je sois, et que je devienne. Sans doute, si je lâchais une bille de verre d'un point suffisament élevé pour que sa chute dure quelques soixante-dix années, cette chute, état mécanique instable, finirait pourtant par avoir un goût de stabilité, de par sa durée. La vie d'un homme n'est-elle qu'une longue chute, une anomalie, une instabilité dont la mort rétablit l'équilibre ?

Je réalise que le désir de création (artistique, littéraire...) semble se forger au croisement des angoisses, d'une part, et des désirs, d'autre part. Créér, c'est exister. C'est être moi, en ce que l'objet dont j'accouche, sur le papier, par les mots, la photographie, les notes, est unique et personnel. C'est moi, c'est ma sensibilité, ma vision du monde. Je réalise que toutes ces choses belles, ces instants que l'on collectionne, qu'ils soient nôtres (lettres d'amour, écrits, dessins) ou ceux d'autres que nous mais dans lesquels on trouve un écho à nous-même (livres, poèmes, reproduction d'art, photos découpées dans les magazines), ne sont pas les ors, les joyaux et les marbres desquels on décore nos palais de vivants, mais bien ceux avec lesquels on bâtit nos mausolées de futur morts. Les photos que l'on prend, on les range dans des albums, qui dorment sagement sur des étagères. Les consulte-t-on jamais ? Jamais de notre propre initiative. Ces photos, ces instants, ne nous sont pas destinés. Ils sont notre mémoire offerte aux générations à venir. Nos enfants. Nos petits enfants. Les photos des vivants n'ont que peu d'intérêt ; ce sont les photos des morts qui nous parlent.

Pourquoi, donc, amasser ces trésors ? Simplement pour se dire. Les livres que je conserve sont les romans que j'aurais aimé écrire. Les tableaux dont je refuse de me séparer sont ceux que j'aurais aimé avoir peints. Il s'agit de laisser un message à ceux qui viendront après nous. Un message, ou plus exactement un secret : celui que j'étais, mon âme, celui de l'intérieur, que personne n'a jamais réussi à saisir, et que j'ai tellement peur d'emporter avec moi dans le néant. A travers mes choix de lecture, mes goûts esthétiques, c'est ma sensibilité que j'exprime. On ne peut pas mesurer la sensibilité toute subjective d'un individu, mais à travers les livres de sa bibliothèque, les tableaux sur ses murs, on s'en forme petit à petit une image. L'angoisse de mourir, c'est au fond l'angoisse d'une subjectivité enfermée dans son enveloppe charnelle, d'une âme observant le monde à travers deux yeux qui sont des miroirs sans tain, et qui ne parvient pas à briser cette muraille. C'est le moi, le moi prisonnier de lui-même, ce moi qui échappe à tout autre que moi. C'est la conscience de soi. Je crois que s'il y avait une personne, une seule, qui parvienne à appréhender mon histoire, à la vivre telle que je l'ai vécue, à partager mes souvenirs alors je mourrais heureux. Une unique personne, qui puisse aimer comme j'ai aimé, souffrir comme j'ai souffert, rire comme j'ai ri, puisse voir tout cela tel que je l'ai vu de mes yeux, le ressentir tel que je l'ai ressenti, de l'intérieur. Une personne qui puisse, au fond, au moins un instant, être moi.

La mort fait de l'acte créatif une urgence. Chaque mot que je n'écris pas, c'est un mot qui mourra avec moi. Des visages, des instants, que le temps emporte à jamais. Alors, il faut écrire. Ecrire pour la postérité. Non pour la gloire, non pour le nombre. Il suffit d'une personne. Un unique arrière, arrière, arrère petit enfant quelque part sur une branche lointaine de l'arbre de famille, fouillant dans de vieilles lettres, et la mort de l'ancêtre est vaincue.

Mais, assez pour la mort. Qu'en va-t-il de l'amour ? Je ne sais plus très bien. J'avais l'habitude de dire, mais sans y croire, que le vrai amour n'existait que dans les romans. Désormais que j'en suis convaincu, je ne le dis plus guère. A quoi bon ? Il faut que le monde tourne. La Femme telle que l'homme la rêve, n'existe pas. La réciproque est possiblement vraie ; je ne puis toutefois la saisir. Des contes de fées. C'est pour cela que l'amour vécu est si beau au début, si proche de l'amour rêvé : la femme que l'on étreint, et que l'on ne connaît pas, peut encore être la divinité que notre âme demande. On apprend ensuite à la connaître, et on découvre qu'elle n'a rien de divin. Une fois cela compris, les relations se stabilisent. Marianna n'est pas une déesse. C'est une fille, tout simplement. Mais, en tant que fille, c'est une sacrément chouette fille, pas de doute. Et quand bien même, pas plus que je ne suis prince, elle n'est princesse, pour ce qui est de la vie de tous les jours, elle est un soleil rayonnant. Seul un sot reprocherait à un excellent tournevis d'être un piètre marteau.

J'éprouve pourtant encore l'appel des nuits de mon adolescence. L'appel du sentier sinueux, loin de son cousin le "droit" chemin. S'arracher à une existence routinère dans laquelle il n'est de place pour l'aventure. Si ma journée comporte 24 heures ayant toutes une tâche attribuée, il n'est plus de place pour l'inopportun, l'inattendu. Hors nous savons tous que l'aventure surgit justement là où un peu d'imprévu parvient à se glisser, entre deux lames du parquet de l'habitude, à ouvrir une brêche. Je voudrais emmener Marianna quelque part à la campagne et y passer la nuit, juste pour regarder la lune et les étoiles. Ne rien prévoir, juste prendre un train au hasard, et puis un bus, descendre au milieu de nulle part, et attendre que la nuit tombe. Elle risque de trouver l'idée farfelue. Bien sûr, tout en nous grogne à l'idée de ne pas rentrer à la maison, retrouver nos meubles, nos pantoufles, notre confort -- ennemi juré de l'aventure. Par aventure, je n'entends pas nécessairement le fait de se retrouver embarquer dans quelque rocambolesque escapade au bout du monde, mais plus simplement toute occasion ou situation qui, de par son caractère inattendu, arrache l'homme à un étatordinaire où tout est contrôlé par l'anticipation, où l'on sait avant de découvrir, et donc ne découvre plus. J'ai tendance à croire qu'en arrachant l'homme à toutes ces habitudes, on le force à réfléchir et, surtout, ressentir. En terrain connu, nous agissons par réflexes pour répondre à nos besoins, avec une conscience très limitée de nos actes. En terrain inconnu, les réflexes ne sont plus d'aucune aide, et ce que l'habitude perd en contrôle profite au ressenti, accroît notre conscience de l'instant. Dans quelle mesure le monde dans lequel nous vivons permet de telles échappées, je l'ignore. Il m'a toujours semblé que même au milieu d'une ville, on pouvait trouver des choses intéressantes et inhabituelles à faire. L'enfant, une fois encore, peut fournir le point de départ de la réflexion. L'enfant vit une constante aventure. Certes, l'homme, possédant du monde une connaissance plus complète, aura aussi plus de mal à trouver aux choses des usages ou fonctions inhabituels. Mais c'est justement là le but de l'exercice : parvenir à se débarasser, momentanément, d'une vision qui ne voit dans l'objet que l'usage, dans la personne que le rôle.

OK, il me faudrait classer un peu ces pensées en vrac. Mais l'heure ne s'y prête plus trop. Je vous souhaite donc bonne nuit (bonne journée, car il en est sûrement qui se lèvent déjà).

Ecrit par Barjac, le Jeudi 21 Juillet 2005, 14:27.
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Commentaires
Le 21/07/05 à 19:16
Monsieur,

Je suis jeune, dynamique et motivée - par conséquent, je suis en pleine cogitation sur le bonheur (je ne vous le cacherai pas, c'est aux concours). Je vous épargne mes différentes péripéties intellectuelles pour en arriver à un des points qui m'ennuient : la mort.
Comme je me suis lancée dans la gloutonnerie littéraire (j'entends vos railleries d'ici. Mais je lis toujours des bédés), je suis tombée sur Caligula.
En lisant Sénèque, j'apprends qu'il faut la liberté (laissons ce détail de côté) pour être heureux. Or, Caligula explique que ceux qui n'ont pas conscience de la mort ne sont pas libres, sans doute à cause des compromis qu'ils doivent faire (ma mémoire est du gruyère. donc, plus j'ai de mémoire, moi j'en ai)(et je ne parle pas de mon problème entre la vertu (et ses définitions que j'espère dissonantes à travers les âges) et les compromis/la résignation). Mais lui qui en a conscience et qui a un pouvoir immense, avoue qu'il s'est trompé de liberté - ici j'ai supposé que c'était parce qu'il faisait tout ce que bon lui semblait, donc qu'il devenait esclave de ses désirs.
Entre la non-conscience et l'échec de Caligula, j'en ai conclu que le juste milieu devait être d'en avoir conscience sans non plus faire n'importe quoi.
La question suivante qui se soulève donc ici : quelle attitude adoptée face à cela?

Ou, parce que ce commentaire vous est sans intérêt si je suis la seule à en profiter (excusez, je n'ai pas de prof de français sous la main) : ne seriez-vous pas mégalo à votre échelle?
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