C'est dimanche. Au quartier chinois, on fête le nouvel an. Nous retrouvons Anatoli au coin de la rue, et filons vers Chinatown pour un après midi de festivités asiatiques.

L'Arcadian est une petite place au coeur d'un théâtre circulaire de bars modernes, restaurants colorés, cafés chics et boîtes de nuit à la mode. Le tout assis au milieu du quartier chinois où foisonnent restaurants et supermarchés orientaux (ainsi qu'un boîte de strip-tease elle typiquement locale). Il y a foule sur la place. On a dressé un chapiteau couvert, sous lequel un chinois au visage amical s'adresse dans sa langue natale à une foule massivement occidentale. Nous descendons dans l'arène ajouter au pot pourri un doigt de français, une mesure de grec et une pincée de chypriote. Le type au micro nous fait répéter des trucs en chinois, qu'on espère proches de « bonne année 2007 et vive le porc » (c'est l'année du Cochon) mais qui pourraient aussi bien signifier « nous sommes tous des idiots qui ne comprenons pas un mot de chinois », surtout que les natifs de l'assemblée ont l'air de bien se poiler. Puis le type se met à chanter tandis que la sono balance allègrement un concerto pour orchestre de supérette (musiqe essentiellement synthétisée). En attendant, dans une demi heure, la danse du dragon, nous filons nous abriter au supermarché le plus proche.

J'aime beaucoup les supermarchés chinois. On y trouve de tout et surtout du reste. Il y a d'abord tous les trucs qu'on ne trouve en général pas en occident. Des fruits bizarres aux noms exotiques (noix de coco de la mer), des bières de riz, du tofu, de la soupe d'éponge, de la sauce de Wooaa, de la racine frite, des poissons aux couleurs inquiétantes. Et puis il y a ceux qu'on connaît, mais qui sont cuisinés de façon différente. Champignons secs, poissons secs, boîte de calamars secs, poudre de rutabaga, poudre de pain, poudre de soja, thés aux parfums multiples et aux vertus non moins multiples. Mais ce qui me botte vraiment, ce sont les emballages. Ceux des nouilles, qui vantent les saveurs de bons petits plats dont ils ne contiennent guère que les arômes artificiels, ceux des biscuits, ceux des soupes. Emballages pleins de couleurs, qui donnent à la nourriture des airs de jouet. Ici ce sont des petits oursons, ici des coeurs, ici encore des fleurs, là des personnages de dessins animé. On se sent régresser au fil des rayons. Et puis surtout, il y a les réclames. Pour ça, les chinois sont imbattables. Un sachet de légumétrange vante son contenu en ces termes précis : « Conserve de légumes énergétiques pour étudiant », une boîte de thé remédie à vos insuffisances sexuelles (ou le spam du supermarché ?), un calamar vous sourit de toutes ses dents sur un carton de surgelés.

Je ressors avec de la poudre à canon (thé) et les légumes pour étudiant qui, malgré leurs vertus certaines, ont l'air aussi adaptés au plaisir gustatif que du papier de verre à son homologue tactile. C'est pourquoi je compte bien les envoyer à mon très cher frère, étudiant de son état et sinophile s'il en est. M., consciente que je poireaute dehors, décide de faire vite et de passer tout le magasin en revue. Je monte à l'étage et trompe mon ennui par la contemplation des jeunes filles qui passent sur la place. Elle ressort une demi heure plus tard avec trente sacs au bout des bras, tous pleins d'altérité culturelle. On se rentre.