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Chiaraventures : fin.
Fin des Chiaraventures et réflexions sur l'acte de tomber amoureux.
Ainsi, c'en est fini de mes Chiaraventures. Cette italienne autrefois mienne a repris ses droits et m'a rendu les miens. C'était de toute évidence la seule fin possible à une histoire qui ne restera pas parmi les plus belles à mon souvenir. Trop longue pour avoir eu le goût tragique de l'éphémère, mais trop courte pour avoir marqué mon coeur à jamais, cette relation aura été bâtarde sous bien des aspects. Parce que dés le début nous avions tous deux compris que nous étions trop différents pour construire du sérieux, parce que nos sentiments dépassaient l'amitié sans pour autant entrer dans l'amour, parce que nous n'avions pas la même nationalité et que cela rendait le dialogue maladroit, autant de raison qui font que de cette relation qui ne parvint à atteindre aucun statut clair et défini gardera pour moi l'étiquette "bâtarde".

Le mail de Chiara, m'annonçant qu'elle préférait que l'on repose les pieds sur terre, cherchait hélas une justification, qu'elle ne parvint qu'à trouver dans le reproche. Il aurait suffi qu'elle me dise "il est temps que l'on arrête", et j'aurais compris qu'elle qu’on arrête maintenant, sans pour autant ajouter que c'était à cause de ceci et de cela, des ceci et des cela qui ne manquaient pas de viser ma différence, bientôt ressentie comme un défaut. Chiara me reprocha, et elle n'avait pas tort, de ne pas avoir assez parlé avec elle. Mais l'exemple qu'elle choisit me fit beaucoup de peine, car elle me reprocha, citant ce jour maudit où elle me mit à sa porte, de ne pas avoir cherché le dialogue, ce qui je pense est faux. Je l’ai cherché, ce jour-là précisément. Je ne l'ai pas cherché immédiatement parce que j'étais dépassé par les événements (et il me semble être juste en affirmant qu'il n'est pas dans le comportement féminin habituel de jeter au petit matin celui avec lequel on a passé la nuit, à moins qu'il se soit rendu coupable de quelque faute grave, évidemment), mais je l'ai cherché dés que j'eus repris mes esprits, lui envoyant plusieurs SMS, frappant à sa porte, me rendant à son bureau, là encore plusieurs fois dans la journée, lui indiquant ou me trouver et soulignant mon désir de parler avec elle et de comprendre son changement d'attitude soudain. Elle ne vint pas me trouver, elle m'ignora quand je frappai à sa porte, et il me semble que cette fois-là, justement, je ne fus pas celui qui fuit le dialogue. C'est pourquoi son reproche me fit de la peine. Non, je n'ai pas ignoré ses problèmes, et si, j'y ai accordé de l'importance. Combien, s'étant faits mettre à la porte, s'en seraient simplement allés pour de bon ? Combien l'auraient jugée folle ou indigne de leurs sentiments, et l'auraient claquée eux-même, cette porte ?

Ayant réfléchi sur la question, je me suis souvenu d'une chose que j’avais remarquée au tout début de notre relation, lorsqu'elle m'avait reproché, au bord de la colère, de vouloir la faire à mon image au lieu de l'accepter telle qu’elle était. J'avais alors senti en elle une deuxième force (la première étant celle qui m'appréciait, et que j'avais crue seule jusqu'alors), une force toute opposée à moi. Une force qui me repoussait (peut-être parce qu'elle me craignait, car l'expérience m'a prouvé qu'aversion, colère, et peur ne voyagent jamais très loin les unes des autres), une force qui ne me respectait pas même (car je crois que mettre quelqu'un à la porte sans la moindre explication est un acte irrespectueux, que l'on se fâche, d'accord, que l'on explique pourquoi on ne veut plus le voir, soit, mais lui indiquer la sortie sans aucun commentaire m'apparaît à moi comme contraire aux règles les plus élémentaires du respect de la personne, surtout soit dit en passant lorsque cette personne partage notre lit la nuit). Maintenant, je me rends compte que tout ce temps, j'ai accepté cette force antipathique parce que j'aimais l'autre, celle qui était tendre, douce. Il y aura eu deux Chiara, l'une que j'aurais pu aimer, l'autre qui aura fait tout son possible pour m'en empêcher. La question que je me pose étant alors de savoir si cette force ennemie essayait de priver sa soeur de mon amour, ou si elle essayait de me priver, moi, du sien. Le premier cas, celui en lequel j'ai longtemps cru, me poussait à m'accrocher à elle, car que m'importait la méchanceté de la mauvaise part, je savais que la bonne part me ferait justice ensuite. Rien de tout ce que la mauvaise Chiara eut pu me faire n'aurait su m'empêcher d'aimer la douce Chiara, et j'oubliais bien vite le mal causé dans les bras de cette dernière. Mais maintenant, je me demande si justement, cette part jugée mauvaise n'essayait pas, par ses piques et ses rejets, de me ramener à la raison, de m'éviter de m'attacher trop à l'autre, afin que, le jour des séparations venues, je ne me retrouve pas avec entre les mains mon coeur brisé. C'est cette hypothèse que je privilégie désormais, bien qu'elle ne changea rien à l'affaire. Car Chiara n'aurait pu, même me repoussant de toutes ses forces, m'empêcher de l'aimer. Il eut fallut pour cela qu'elle soit capable de faire taire sa belle part, et je doute que quiconque en soit vraiment capable. Toutes ses sautes de comportements, qui certes me causèrent bien des troubles, n'auraient pu cependant ôter de mon esprit la douce part avec laquelle j'avais partagé tant de belles choses, et qui était pour moi une source fraîche que l'aridité du désert alentour ne me faisait désirer que plus ardemment. Elle pouvait bien me foutre à la porte, elle pouvait bien empiler les reproches comme des assiettes et me les jeter au visage, il était trop tard. J'avais découvert son côté tendre, et j'y étais attaché. Quoiqu'elle eut fait, elle n'aurait pu me faire oublier qu'il y avait du bon en elle, du bon que tout en moi me poussait à aimer.

Je ne lui ai pas donné mon point de vue, celui que j'expose plus haut, sur ce triste événement que fut ma mise à la porte (ni sur la journée d'angoisse qui s'ensuivit). D'abord parce qu'elle se méprendrait, et ne manquerait pas de voir ça comme une de ces attaques que l'ont fait parfois lorsque notre amour n'est plus accepté, attaques elles aussi pleines de reproches visant à toucher la culpabilité de la personne perdue. Il ne s'agirait pas de ça. Je respecte encore la part d'elle que j'aimais, et je ne veux pas lui faire du mal. Non que je craigne la guerre, je me suis déjà distinguée pour ce qui est que de crier à la traîtrise et de faire tonner tous les canons du bâtiment (cf. mon mail idiot au tout début de notre histoire). Mais j'estime que cela ne servirait à rien. Je n’aurais pu lui ouvrir les yeux, lui montrer que parce qu'elle avait attendu quelque chose de moi (que je le lui parle immédiatement, alors qu'elle me foutait à la porte), elle n'avait vu que son attente non satisfaite et avait manqué des efforts qui, même s'ils ne correspondaient pas à ce qu'elle attendait, avaient été bien réels (mes tentatives multiples de lui parler, toute la journée qui suivit). Je pense qu'elle est de ces personnes qui cherchent d'abord la faute chez leur partenaire. Il est trop tard pour que je le lui fasse remarquer, mon statut d'ex-petit ami ne pouvant que l'entraîner dans la confusion ; elle y verrait à coup sûr une tentative belliqueuse.

J'ai donc répondu à son mail que nous savions tous deux que cette histoire se terminerait ainsi, que j'avais été un triste mais que tout allait mieux, et cela la rassura. En vérité, je n'allais pas mieux du tout lorsque j'envoyai ce mail. La nouvelle de la fin de notre histoire me causa une grande peine, même si je la savais inévitable. De savoir que le dénouement sera triste ne le rend pas plus gai. Tout juste peut-on s'y préparer, ce que j'avais fait en ne mettant pas tout mon coeur dans cette histoire, mais quand bien même, perdre une petite amie, fut-elle la plus pénible de toutes au final, n'en reste pas moins chose à vous coller le bleu pour quelques jours. Je passai ainsi des jours mornes, de ces jours d'un gris presque blanc, où l'ennui nous habite tout entier, et où rien ne nous intéresse plus que le souvenir de l'être que vous venez de perdre. Deuil d'une aventure, avec son lot de souvenirs qui remontent de nulle part, images tendres, rires au creux de la nuit, promenades main dans la main, qui semblent ne surgir que pour donner aux larmes la pichenette qui leur manque pour dévaler la falaise et s'écraser en gros sanglots sur l'oreiller. Et le soir, surtout, quand le soleil se couche, quand vient l'heure où la solitude va boire au fleuve, l'heure où l'obscurité nous rend soudain faible et l'on mesure pleinement l'étendue de notre abandon, le temps devient dur à supporter. "Elle ne sera plus jamais là pour moi", et "tu me manqueras" deviennent alors nos deux meilleurs ennemis, avec lesquels il faut partager ce lit désormais trop grand, où on a beau tendre le bras, le tendre encore et encore, le tendre tellement qu'on finit par ressembler à un de ces personnages caoutchouteux de Salvador Dali, on ne rencontre rien, rien que du lit, et du lit encore. Point de présence dont la respiration rassurante vient briser le silence pesant, point de présence solide, concrète, que l'on peut serrer dans ses bras en s'étonnant chaque fois de la douceur de sa peau et de la tiédeur maternelle qu'elle dégage, point d'épaules autour desquelles passer notre bras, ni de cheveux sentant l'amour contre notre joue, plus d'être endormi à notre côté que l'on prend dans ses bras pour faire passer un cauchemar (le nôtre ou le sien, ça n'a pas d'importance), plus de sensation que le temps est parti en vacances. Autant de choses desquelles il va falloir apprendre à se passer. Et me voilà à nouveau dans un état que j'avais fui. J'avais fini par me convaincre qu'on était bien plus tranquille tout seul, loin des tourments de l'amour, et voilà qu'une fille, une qui ne me correspondait pas même m'aura tendu un piège dans lequel je ne serai pas tombé, mais me serai plus exactement jeté, de ma pleine volonté.



Tomber amoureux, une vaste illusion ?

[La réflexion qui suit est une esquisse. Il me faudra la restructurer et la réécrire, mais j’en livre déjà cette première approche qui sera je l’espère source de commentaires.]

Il est une question qu'au crépuscule de mon alliance franco-italienne, je me pose à nouveau : l'amour existe-t-il réellement ? Non que je doute qu'il y ait un tel sentiment, il suffit d'allumer la radio ou d'ouvrir un bouquin pour se rendre compte que l'amour est partout, mais je me demande cependant si ce qu'on appelle amour, celui dont la définition est depuis longtemps présente dans l'inconscient collectif, est vraiment ce que l'on croit qu'il est. Quand on nous parle d'amour, aussitôt se forme en notre esprit une image qui englobe tout ce que nous attribuons à ce sentiment, de notre vécu propre qui démarre avec l'amour maternel puis s'étend à la famille et enfin se porte sur l'autre sexe (ou le même, selon les personnalités), à ses diverses manifestations dans l'imaginaire (romans, films, chansons...), tout un ensemble de choses se réunissent en un tout qui est notre propre définition de l'amour. On trouvera mille citations, mille travaux dont il est le sujet central. L'amour occupe (et/ou tracasse) l'homme de sa naissance à sa mort. Et il est une chose sur laquelle on s'entendra sans doute, c'est pour dire que l'amour se vit à deux, qu'il est relationnel, qu'il est social, qu'il est partage, communion. Hors c'est justement cela dont je doute une fois de plus.

Pourquoi, me demandera-t-on ? (Et même si on ne me le demande pas, je vais quand même l'expliquer, car c'est mon journal, et j'en fais ce que je veux, et un jour je saurai mettre du monde - pour faire un Queneauisme, à moins qu'on appelle ça une Quenelle, je ne sais pas.) Et bien tout d'abord parce que je constate une inquiétante similarité entre tous mes amours, réalisés (se comptent sur les doigts d'une main de Mickey Mouse amputé du pouce) ou non (là par contre, prévoir d'utiliser tous les doigts de tous les personnages de Disney, peut-être même ceux des pieds). Cela est un premier indice qui me laisse penser que l'amour, celui après lequel on court, et bien on pourrait aussi bien s'arrêter de courir, parce que c'est une part de nous, et pas de l'autre. Maintenant, si j'ajoute à mon constat que pour des filles de nature très différente, j'ai eu des amours similaires, j'affaiblis le rôle de la compagne dans la nature de cet amour. Qui plus est, comme ce fut le cas (et pour la première fois, d'où l'avancement dans ma réflexion) avec Chiara, je constate qu'une même relation peut présenter deux visages tout à fait différents selon la personne qui la vit. Ainsi, j'ai eu pour Chiara des sentiments poussés, tandis qu'elle n'a eu que pour moi des sentiments tendres, certes, mais plutôt tièdes. Deux constats, donc, le premier qu'il semblerait y avoir une "façon d'aimer" fortement liée à la personnalité de celui qui aime, d'autre part que dans une relation amoureuse, il n'y a pas un seul et unique amour sur lequel les deux parties s'accordent et qu'elles partagent, mais plutôt deux amours personnelles qu'elles s'échangent.

Prenons l'exemple de tomber amoureux. J'ai dans ma promo une fille ravissante que je ne connais pas, et petit à petit, à force de me focaliser sur elle, de la regarder pendant les cours, je finis par rêver d'elle la nuit et ne plus penser qu'à une chose, cette relation formidable qui nous attend elle et moi. Et puis un beau jour, je fais sa connaissance, je m'aperçois qu'elle a le génie d'un pigeon et que ses angoisses métaphysiques sont intimement liées à la qualité de son bronzage et au confort de son petit chien adoré. Alors, devant la vision d'une vie passée à m'entretenir de teint de peau et de pedigree canin avec une demoiselle dont la beauté de vingt ans ne tardera pas à faner (et ni le solarium ni les jappements flagorneurs du cabot n'y changeront rien), j'envisage de prolonger encore un peu ma solitude dans l'attente d'une compagne présentant un peu plus de profondeur. Devant cet exemple plus ou moins tiré de l'expérience, une chose m'étonne. Comment peut-on en effet tomber amoureux (et il m'est arrivé de tomber amoureux, vraiment amoureux, d'idiotes ou sans aller jusque-là, même, de filles avec lesquelles il m'aurait suffi d'avoir gardé un peu de jugeote pour réaliser qu'elles ne m'apporteraient rien et que je ne pourrais pas faire leur bonheur non plus) de gens qu'on ne connaît pas, et qui de surcroît s'avèrent parfois aux antipodes de ce qu'on pensait être. Et bien tout est là, dans le "pensaient être".

Tomber amoureux, c'est toujours tomber amoureux d'une inconnue. Car quand bien même on connaît bien une fille, et apprécie sa personnalité, rien ne nous garantit qu'en amour elle est similaire, et je crois que l'amour est un domaine dans lequel notre comportement peut varier de beaucoup. Certes, connaître la personne réduit les chances d'avoir une mauvaise surprise ; il n'empêche, la personnalité amoureuse de l'être pour lequel on a le béguin nous échappe toujours. Ce n'est pas de passer ses journées avec une bonne amie dans les cafés qui vous apprendra si elle embrasse en penchant la tête à gauche ou à droite (ce n’est qu’une illustration). Tout ça pour dire que tomber amoureux d'une personne, c'est toujours tomber amoureux de ce qu'on la "pense être", c'est-à-dire qu'on laisse notre coeur s'éprendre d'une demoiselle (dans mon cas, mais adaptez si besoin est) dont on ignore la personnalité amoureuse. Et pourtant, lorsqu'on rêve d'elle, elle en a bien une, de personnalité amoureuse. D'où la tire-t-elle, alors ? Et bien oui, elle la tire de notre propre personnalité. Du moins de cette partie de nous que j'appellerais "l'idéal amoureux" (ou l'âme soeur, si vous voulez). Par idéal amoureux, j'entends la qualité qu'aurait un être qui nous plairait à cent pour cent (du moins tel qu'on pense nous plaire à cent pour cent, car parfois ce que l'on pense faire notre bonheur n'y parvient pas forcément). Certains rêvent de femmes douces et effacées, d'autres de femmes de caractère, chacun à son image de la femme "parfaite" qu'il chérit en son sein. Et c'est cette femme parfaite que l'on donne comme personnalité amoureuse à la personne dont l'on s'éprend. Il est évident que ça facilite les choses. Comme je m'en étais déjà fait la remarque, tomber amoureux est un acte solitaire (si, si). Moi qui suis tombé amoureux de bien des filles auxquelles je n'ai pas eu la chance d'adresser la parole (mais à la lumière de mes conclusions, on verra que ce n'a pas d'importance, en fait), je puis certifier que tomber amoureux, c'est simplement laisser pousser une graine en soi. Ca prend du temps, et c'est personnel. C'est une chose que l'on arrose un peu chaque nuit (parfois de larmes, mais pas systématiquement non plus), et qui grandit au fur et à mesure que dans notre imaginaire, on développe des films à n'en plus finir dans lesquels on met en scène l'être aimé. Cet être, dont nous avons dit qu'il avait pour personnalité amoureuse celle, idéale, qu'on lui donnait, ne peut que nous être attirant (c'est notre idéal !). Ainsi, plus le temps passe, plus notre filmothèque s’agrandit, et plus la graine pousse. Si bien qu'on finit par arriver dans un état que l’on appelle "amoureux".

Ce qui est intéressant, c'est la façon dont on relie la personne fictive qu'on s'est créée à la personne réelle. Le plus souvent, on n'est pas même conscient de la distinction (et moi-même, je ne le suis qu'à la lumière de cette réflexion). Pour nous, les deux ne forment a priori qu'une seule et unique personne. Quand j'étais amoureux de Chiara, j'appelais aussi bien Chiara la fille que je voyais le jour que celle dont je rêvais la nuit. Maintenant, je m'étonne de ne pas avoir remarqué à quel point la Chiara de mes rêves ressemblait à la petite blonde de mon précédent amour (transi, celui-là, mais c'était l'hiver, faut dire). Toutes deux (les fictives), avaient les mêmes qualités (au sens "caractéristiques", pas le contraire de "défauts") féminines, qui de surcroît étaient aussi les qualités de mon idéal féminin. Je sais maintenant que Chiara n'était pas du tout comme mon idéal (je n'entre pas dans le débat qui consiste à se demander si c'était une bonne chose ou non, ou si on rencontre jamais son idéal). Et pourtant, je suis bien tombé amoureux, toute différente en fut-elle. On aura compris où je veux en venir, depuis le temps : on tombe amoureux de son idéal, et non d'une personne réelle.

Vérité troublante s'il en est. Il y a une question que je n'ai pas abordée, c'est celle de savoir pourquoi on tombe amoureux de telle fille et pas de telle autre. Il y a évidemment les circonstances. Elles jouent beaucoup. Car il faut bien rencontrer, même de loin, une personne. Il semble en effet qu'on ne puisse tomber amoureux sans l'aide de la personne sur laquelle on projettera cet idéal. Il faut donc rencontrer cette personne. Heureusement, la vie favorise les rencontres, au point que même un individu comme moi, qui ne cherchent guère la compagnie de mes semblables (il m'arrive même parfois de la fuire !), ai rencontré suffisamment de gens pour que parmi eux se soient trouvées quelques demoiselles susceptibles de me tourner la tête. Savoir ce qui a fait que les unes aient retenu mon attention, les autres non, je crois que c'est là une part de "goût". Pourquoi je tombe plus souvent amoureux de brunes que de blondes, par exemple ? Cela est une question de goûts, d'atomes crochus. Il suffit parfois de peu, d'un simple attrait physique par exemple, où d'une profondeur dans le regard chez telle jeune fille qu'on croit provenir d'une capacité à nous comprendre, pour que s'enclenche le processus de "chute amoureuse" (si vous avez un substantif pour "tomber", je suis preneur, enfin autre que "le tomber", parce que le "tomber amoureux", ça fait un peu le "parler breton" ou le "manger creusois", très local, terroir). Ensuite, on a décrit le processus plus haut, on se retrouve avec son idéal et le temps fait les choses. A vrai dire, je crois que le fait qu'on tombe amoureux de telle fille et pas de telle autre n'est pas tellement important en soi. On pourrait probablement, au vu de la réflexion menée, admettre qu'il est possible de tomber amoureux de n'importe qui, puisque au final, c'est d'une partie de nous que l'on tombe amoureux.

On peut alors se demander pourquoi il faut cependant, pour tomber amoureux, qu'une personne serve d'intermédiaire entre notre idéal et nous. Pourquoi, après tout, ne peut-on pas tomber tout simplement amoureux de notre idéal sans l'intervention d'une personne extérieure ? J'avoue que l'idée de tomber amoureux sans objet extérieur à cet amour sonne un peu absurde. Un idéal n'est pas suffisant pour qu'on en tombe amoureux. Simplement parce qu'un idéal est un concept, une chose abstraite, et que notre amour ne saurait s'exercer sur une idée, aussi belle soit-elle. Il faut que cet idéal, pour être aimable, prenne forme humaine, d'où la nécessité de la personne dont on tombe amoureux. Evidemment, cela paraît bien plus évident si l'on se souvient que le fait de tomber amoureux a pour but de nous permettre d'engager une relation amoureuse avec quelqu'un. Tomber amoureux est une sorte d'étape préalable à l'amour (qui ne débouche pas toujours sur l'amour escompté, mais cela n'en change pas l'objectif pour autant), une sorte de tremplin censé nous donner assez de vitesse pour pouvoir s'engager assez profondément sur le chemin de l'amour.

Pourquoi tombe-t-on amoureux ? J'aurais peut-être dû commencer par me poser cette question, en fait. Et même une autre avant : qu'est-ce qui fait qu'on arrive à aimer une personne, qu’on arrive à s’y accrocher dans les moments où on préférerait être sans elle ? Ce qui fait qu'on arrive à continuer à aimer une personne dans ces situations, c'est le fait qu'on a vécu avec elle des choses, que l'on possède un vécu commun qui nous attache à elle. Et tomber amoureux serait bien le passage préalable à l'amour, censé nous aveugler (du moins nous montrer notre idéal au lieu de la personne telle qu'elle est réellement) afin qu'on puisse être peu exigeant au début de la relation, et arriver à rester ensemble suffisamment longtemps pour se construire ce vécu commun qui donnera à la relation des bases solides. Voilà peut-être pourquoi une relation amoureuse est en général plus passionnelle au début, tout simplement parce qu'on passe de l'état amoureux à l'état aimant, c'est-à-dire on quitte notre idéal pour la personne. Dans cette phase, on quitte notre célibat rêveur pour une période de pré-couple. Mais l'idéal ne s'efface pas immédiatement, il reste encore présent à notre esprit un moment, suffisant pour nous permettre d'aimer pleinement la personne, de la trouver parfaite le temps d'acquérir les bases de la relation. Ensuite, l'idéal s'estompe au fur et à mesure que la vraie personnalité de l'être aimé se dévoile à nous et vient le remplacer. Souvent, on est un peu déçu. On l'avait imaginée telle ou telle, et on s'aperçoit qu'elle est différente, qu'elle ne colle pas à notre idéal à cent pour cent. Le contraire tiendrait du miracle, tant notre idéal nous est personnel. Cependant il arrive parfois qu'on trouve une petite amie qui soit très proche de celui-ci, on appelle alors communément une telle personne une "âme soeur".

Et lorsqu'on découvre la personnalité de celle que l'on aime, qu'on s'aperçoit qu'elle diffère de ce qu'on la pensait être, ce sont les premiers moments, parfaits et très intenses, qui nous aident à rester attacher à elle. On se remémore ce qu'elle était dans les premiers temps, et on se raccroche aux doux souvenirs partagés pour retrouver la complicité qui s'émousse. Toutefois, lorsqu'on se remémore ces instants magiques du début de la relation, c'est à l'être aimé qu'on attribue tout le bonheur qu'on en a retiré, alors que selon moi, c'est à notre idéal qu'on les doit. En effet, si la petite amie des premiers jours était si merveilleuse, ce n'est pas qu'elle fut très différente de ce qu'elle deviendra ensuite, c'est simplement qu'en ces temps-là on serrait encore dans nos bras une fille dont la personnalité amoureuse, encore inconnue, était toute entière remplacée pour les besoins de la cause, par notre idéal. Aisé de l'aimer, dans ces conditions !

Evidemment, devant un tel constant, j'ai envie de hurler à l'escroquerie. L'amour ne serait-il qu'un vaste mensonge ? Mon coeur se permettrait-il de me duper sur un sujet aussi grave que l'amour ? Probable, en effet. Deux objections à ce sentiment d'arnaque. La première, c'est que même s’il y a mensonge, c'est un mensonge qui me rend heureux, et pas qu'un peu. Au point que je regretterai bien souvent les premiers temps d'un amour lorsqu'il sera devenu plus compliqué. Ma seconde objection est que l'amour, le vrai, n'est pas ce qu'il semble être pendant les premiers jours. L'amour est, à mon avis, ce que devient ensuite la relation. On est souvent un peu déçu par la façon dont évolue une telle relation. Il faut bien reconnaître que, partant de la perfection, elle ne peut que stagner ou se dégrader. Stagner dans le cas de l'âme soeur idéale (le mot est choisi à dessein), se dégrader autrement. On dit en effet "se dégrader" parce que le bonheur presque trop fort du début laisse forcément une sensation de manque, de nostalgie. Mais on devrait, pour être exact, dire "évolue" ou "se transforme", plutôt que "se dégrade". L'amour et être amoureux sont deux choses bien distinctes. Etre amoureux est passionnel, aimer est tendre. Etre amoureux est épuisant, aimer est au contraire reposant. Etre amoureux est intense, aimer est calme. Etre amoureux est source de bien des tracas, aimer est serein. Je n'ai pas donné de définition de ce qu'aimer signifie. Ce serait chose ardue que de donner une définition de l'amour, tant il est chose unique. Je crois que je dirai simplement qu'aimer est une habitude, et parmi les habitudes, la plus douce qui soit. Aimer, c'est comme je l'ai mentionné, un état serein, un état dans lequel on est bien, un état dans lequel on se sent en sécurité. C'est une garantie, celle que quand bien même le monde s'écroulerait, il y aurait toujours cette personne aimée pour tenir notre main et nous donner la force d'aller de l'avant. Etre amoureux est loin d'être rassurant. Etre amoureux, c'est une question dont aimer est la réponse positive. Il est rare que, étant amoureux, je me sente proche de la personne que mon coeur a choisie. Au début, je suis heureux de vivre avec elle tous les plaisirs de l'amour, mais la réponse n'est pas encore assez claire pour que je puisse dormir sur mes deux oreilles. Seul le temps peut nous montrer s’il s'agit d'une relation sérieuse ou non. Alors, le désir d'aimer devient vraiment amour. Parallèlement, pendant ce même temps, on a appris à connaître la personne, et ce n'est plus l'idéal que l'on embrasse, mais bien elle. Du moins si l'on admet que l'idéal disparaît entièrement, ce qui pour moi reste encore une question ouverte (intuitivement, je dirais quand même qu'une part d'idéal reste pour faciliter les choses).

Limites de ma réflexion

Et elle en présente, des limites. D'abord, j'ai parlé selon ma propre expérience, qui n'est probablement pas partagée par tout le monde. J'ai entendu bien des gens me raconter qu'ils ne devenaient pas amoureux immédiatement, qu'il leur fallait du temps pour ça (Chiara entre autres). Sans doute une partie des gens a-t-elle besoin de sécurité pour enclencher les mécanismes de l'amour, ce qui expliquerait qu'elle demande du temps, des preuves, avant de s'attacher (évidemment, se cache derrière une telle attitude, fort prudente, la crainte de souffrir si l'on notre attachement est ensuite déçu). Je n'ai jamais connu une telle crainte. Je ne saurais vraiment expliquer pourquoi. Je me suis toujours lancé dans une relation amoureuse corps et âme, sans jamais y apercevoir autre chose que l'éventuel bonheur qu'elle m'apporterait. Aussi, il m'est difficile de concevoir que l'on puisse ne pas démarrer une relation en étant amoureux. Ma façon d'être n'est sans doute pas la moins naïve, je le reconnais, car elle a fait de moi tantôt un amoureux transi (cas où j'aimais à fond dés le début, pour des cahuètes), tantôt un créateur d'amours transis (cas où n'étant pas amoureux je refusai la relation). Ne j'ai jamais pu concevoir de me lancer dans une relation sans être auparavant amoureux. Si une fille venait me voir et m'offrait d'être ma petite amie, fut-elle la plus belle de toutes (non que la beauté soit seule chose importante à mes yeux, mais elle est au début tout ce que l'on peut appréhender de l'inconnue dont on fera l'objet de notre amour), je me verrais forcé de lui dire que je ne puis répondre à ses attentes, car il me faut le temps de tomber amoureux auparavant. J'ai besoin que mon coeur batte pour une fille avant de me sentir attiré par elle. Et pour que mon coeur batte, il faut que mon imaginaire mette en place tout le processus évoqué plus haut, projetant mon idéal sur la demoiselle.

Toute cette réflexion me ramène dans le chemin où je m'étais engagé avant que Chiara ne vienne m'en sortir (disons pour être exact avant que je ne tombe amoureux d'elle, et que ne me refusant pas cet amour, elle me laisse en sortir de ma pleine volonté). A savoir que même dans le fait de tomber amoureux, on est seul. Et tout comme lorsque ma première réflexion sur la réalité du partage m'avait amenée à conclure (partiellement) que quoiqu'il fasse l'homme reste seul, je découvre avec surprise qu'un tel constat, au lieu de me plonger dans le cafard terrible auquel je m'attendais, a l'effet contraire. Devant un tel constat, en effet, c'est un calme immense qui m'envahit. Le calme d'avoir trouvé une conclusion valide pour un temps, d'avoir progressé un peu dans l'exploration de ce que je suis, d'avoir une certitude supplémentaire, solide, sur laquelle m'appuyer. Non, cela ne m'effraie pas de découvrir que lorsque je tombe amoureux, c'est de mon idéal et non de la personne que je le fais. Evidemment, j'aurais très bien pu ne pas me poser la question. Mais de la savoir résolue, cela me réconforte. Car c'est un pas de plus vers mon ultime objectif : me comprendre (et être alors capable d'agir pour changer ce que j'estime susceptible de m'éloigner du bonheur). Un pas de plus, c'est un nouvel élan de confiance envers la possibilité d'atteindre mon but un jour (parce que tant que je n'avance pas, j'ai une certitude, c'est celle de ne pas y arriver).

De tels constats sont graves, et pourtant, ils ne sont pas si effrayant que ça. Car je me pose en observateur de ma propre expérience, et je n'agis nullement sur moi. Je me regarde, simplement, et je note ce que j'observe. C'est un rôle passif. Enfin peut-être pas si passif que ça, car il s'inscrit dans une finalité plus large, celle, une fois compris, d'améliorer ce que je suis, et donc de le changer. Du moins pour le moment, c'est un rôle passif. Il ne changera pas ma façon d'aimer, il ne changera pas le fait que je tombe amoureux six fois l'an, et il ne changera pas le fait que je me jette toujours dans de telles histoires la tête la première, sans réfléchir, pour ensuite ramasser mes débris à la petite cuiller. Ma façon d'aimer me plait, aussi "idéaliste" soit-elle. J'en tire, outre les souffrances que j'oublie toujours, un bonheur immense à la mesure de ce que je mise sur le tapis de jeu. Je ne suis pas à plaindre. Surtout, je reste convaincu que même si tomber amoureux est une chose qui nous confronte à notre idéal, il y a quand même partage avec l'être aimé. Lorsque j'embrasse une fille, je n'embrasse pas mon idéal. C'est bien elle que j'embrasse, et rien ni personne d'autre. Que l'idéal soit la raison pour laquelle je l'embrasse, ou qu'il soit ce qui me fait trouver le baiser magnifique, peut-être, mais l'idéal ne donne pas aux lèvres de l'aimée leur goût exquis. Il l'amplifie sans doute, mais il ne le crée pas. La nuance est importante.

Et puis même si tomber amoureux s'avérait n'être pas un partage, aimer, par contre, me semble en être un sans hésitation possible. Ma réflexion ne m'a pas encore amené à essayer de répondre à une telle question, mais j'y arriverai sans doute. J'espère ne pas découvrir qu'aimer aussi est une histoire entre moi et ma tête, cela me ferait de la peine (car cela ne serait rien de moins que la certitude d'être seul toute mon existence, pas terrible terrible comme conclusion). Réflexions à suivre...

Ecrit par Barjac, le Vendredi 10 Octobre 2003, 11:55.
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