Session
Articles par rubrique
Discussions actives
Réflexions sur l'amour (suite)
(6)
Cours de séduction (8) L'odeur de la nuit, l'été (1) Tu tenais le monde dans tes bras (5) Le salaud de ces dames (5)
Autres projets
Ailleurs
hlepage1:
Jardiner avec la Lune en 2025
zakath-nath: We Three Queens campanita: Legend of Zelda : Echoes of Wisdom castor: L'arme ultime contre les morts vivants parmakoma: Les Boréales 2024 ultraball: 2168-11 : le résumé bangg: Not all men art-orange-2012: Val me manque
Blogs favoris
Recherche
Tribune
|
Orage et coeur brisé.
22/10/03 - Les gens sensibles sont voués à prendre les choses tellement à coeur que leur effet sur eux n'est pas négligeable. L'homme sensible ne se contente pas de vivre dans une monde où les événements dont il est l'objet se contenteraient de lui passer dessus sans laisser trace, comme le ferait la pluie sur un pare-brise. Au contraire, l'homme sensible est voué, sinon à exister pleinement, tout au moins à avoir de la vie une perception très accrue, qui a un impact tout à fait considérable sur son histoire. Ainsi, la vie d'un homme sensible n'est pas un tout qui se construit petit à petit, c'est un tout qui se détruit et se reconstruit d'une autre manière, qu'on espère meilleure que la précédente. Lorsqu'on est sensible, on ne modifie pas, on détruit et on recommence. Les effets de la vie sont trop puissants pour laisser quoique ce soit sur leur passage. Chaque nouvelle épreuve entraîne la destruction de la personne et, par conséquent, sa reconstruction. Ce n'est pas une seule vie qu'on adapte au fur et à mesure qu'on souffre, mais autant de vies que d'épreuves ; ce n'est pas une ville dont on se contenterait de changer la couleur des murs, mais bien une ville que l'on reconstruit chaque fois sur les ruines de la précédente.
Et me voilà justement assis au milieu de mon champ de ruines intérieur, avec devant moi toute une ville, toute une vie, à reconstruire. Assis sur mon caillou encore fumant d'un bombardement qui s'achève juste, je désespère d'avoir tout à refaire, tout à recommencer. Le courage me manque, et plutôt que de remonter mes manches et de me mettre à la tâche, je reste là, ajoutant à la fumée des ruines celle de mes cigarettes. Mais racontons depuis le commencement. Je suis retourné mardi dernier (1er octobre) en Angleterre, pour passer mon examen oral de fin de thèse. Chiara, mon ex-petite amie devait m'héberger, et j'arrivai donc chez elle mardi soir. La porte s'ouvrit sur mon hôtesse, en plein coup de fil avec allez savoir qui. Mandy, notre amie chinoise et ex-bien (mal) aimée de Cowboy, était là, étant hébergée par Chiara le temps qu'elle trouve une chambre à Birmingham. Je découvris deux choses en arrivant chez Chiara. La première, qu'elle et Mandy étaient devenue très copines, et tout garçon qui s'est retrouvé coincé entre deux nanas qui s'entendent super bien saura que ce n'est pas la situation la plus agréable qui soit. On est forcément un peu exclu, les blagues volent et on n'en comprend que celles dont on est l'objet et qu'elles ne prennent pas même la peine de déguiser. La seconde chose que je découvris, c'est que mon coeur, que je pensais guéri de l'après Chiara, était loin de l'être. Il était facile de ne plus penser à elle lorsqu'elle n'était plus qu'un souvenir, mais sa présence en chair et en os suffit à rouvrir toutes les plaies de mon pauvre organe vital. J'étais amoureux, à ma grande surprise, bien amoureux. La première soirée fut pénible, et je n'en garde qu'un souvenir gris. Chiara et Mandy s'amusaient comme des folles, partageant désormais des références qui m'échappaient totalement. Chiara me raconta combien elle s'était amusée avec Mandy et Vagelis (qui créchait aussi chez elle en attendant son exam, mais était à Londres pour quelques jours). On peut imaginer que cela ne fit qu'améliorer mon moral. Retrouver mon ex petite amie, pour laquelle je découvrais avoir encore des sentiments, et l'entendre me raconter à quel point elle s'était amusée depuis mon départ, cela n'était pas exactement ce que j'aurais aimé entendre ce soir-là. Nous allâmes au pub, et ma joie de retrouver l'ambiance des pubs anglais ne suffit pas à me sortir de mon silence. Une amie de Mandy nous rejoignit, chinoise de son état. Je discutai avec elle plus joyeusement, et m'étonnai du fait qu'elle ait fait sa fac dans la ville même où mon frangin avait séjourné en Chine. Le monde est petit, n'est-ce pas. Nous rentrâmes ensuite nous coucher, et j'enfouis la tête dans mon duvet pour cacher mes larmes : Chiara en pyjama me rappelait trop de (bons) souvenirs. Le lendemain, je me levai assez tôt pour préparer mon exam du lendemain. Je ne vis pas Chiara de la journée. Mais je retrouvai mon ami Fred, qui fut mon seul rayon de soleil de la journée. Assis a une table dans la grisaille anglaise, nous parlâmes un moment, je lui parlai de mes amours perdues, il me parla des siennes qui se portaient bien, et tenta du mieux qu'il put de me remonter le moral. Lui parlant de mes désirs de me faire écrivain, il fit cette remarque que je trouve assez vraie : "Il me semble que, pour écrire, il faille être seul et malheureux". Il est vrai que l'inspiration est plus souvent au rendez-vous les jours noirs que les jours blancs, mon expérience personnelle me le confirme. Peut-être est-ce simplement parce que le bonheur se vit et ne s'écrit pas, et que le temps d'écrire, on ne l'a guère que lorsque l'on est seul. La journée se passa tant bien que mal, et je travaillai du mieux que je pus. Le soir, je retrouvai Chiara et Mandy, et m'absorbai dans mes révisions pour ne pas avoir à parler avec celle qui fut ma petite amie, et dont la simple vision me déchirait le coeur. Elle semblait prendre tout ça avec une telle facilité, avec une telle légèreté qu'au fond de moi, je ne pouvais que lui en vouloir. Le lendemain, je passai mon exam avec succès. J'avais promis à Chiara de lui en donner le résultat, mais trouvai son nouveau bureau désert, comme la veille quand j'étais venu la voir (son nouveau bureau en était en réalité un autre, je m'étais trompé, elle ne manqua pas de m'en vouloir). La journée se passa plutôt bien. Les nouveaux français avaient commencé leur année, et comme ils étaient à peu près tous de bons copains de l'école, il était agréable de les trouver là. Benoît aussi était de retour, pour son exam le lendemain. Toutefois, depuis mon arrivée en Angleterre, je n'avais fait qu'enchaîner des heures mornes et tristes. Mon coeur battait pour Chiara, mais je ne voulais pas l'ennuyer avec ça, aussi je gardai le silence. Je ne mangeais pas non plus. J'entamais ce qu'on appellerait sans doute une bonne déprime. Une chance que Ben fut là, car lui aussi se faisait héberger par Chiara, et je n'étais plus le seul garçon sur place, c'était déjà ça. Le soir, nous sortîmes au "Postgraduate Bar" (bar de la fac pour les étudiants d'après le "grade" anglais), Ben, Mandy, Chiara et moi, et retrouvâmes Fred, Jane et Charlotte (une copine de Jane, qui, Fred me l'apprit, était pendant mon absence tombée amoureuse de moi, sans que je comprenne le pourquoi du comment, mais l'amour est un grand mystère, pas vrai). Nous passâmes une bonne soirée, et je discutai longuement avec Charlotte, dont j'appréciai l'esprit. Je continuais à ignorer Chiara du mieux que je pouvais, et elle me le rendait bien. Nous rentrâmes ensuite nous coucher, sans Mandy qui dormait chez une amie. Comme les deux nuits précédentes, je mis des heures à trouver le sommeil, allongé dans le noir à écouter la respiration d'une fille qui ne m'aimait plus, et dut dormir en tout et pour tout trois ou quatre heures. Le lendemain, vendredi, Ben passa son exam avec succès, et nous célébrâmes, Fred, lui et moi, notre passage avec gâteaux et boissons au lab. Cowboy et Vagelis rentrèrent de Londres le soir, et Vagelis vint s'ajouter à la liste des hôtes de Chiara. Je passai la journée avec mon pote (Fred). Le soir, j'étais invité à aller manger avec Fred, Jane, et Charlotte. Cela me débarrassait d'un repas chez Chiara en présence de laquelle je me sentais réellement mal à l'aise. Noue dînâmes bien, et partîmes pour Risa, la boîte sur Broadstreet. Nous retrouvâmes là-bas des amies de Jane, des hollandaises immenses, dont l'une (source officielle: Jane Reuters) en pinçait pour moi. Décidément, j'avais bien du succès depuis mon retour. Un succès qui m'importait peu, car mon coeur tout entier ne pensait qu'à une seule fille, mais une fille qui s'en foutait éperdument. Cette dernière nous rejoignit plus tard, avec tout le reste de la bande. Je passais bien du temps à discuter avec Ben et Charlotte, puis allai faire le zouave sur le dance floor, puis retournai m'asseoir. Vinrent deux heures du mat, et plein d'ennui, je rentrai avec Chiara, Ben et Vag. Chiara essaya de me parler, cherchant à comprendre pourquoi je tirai la tronche depuis que j'étais arrivé. Je restai muet, je ne voulais pas lui ramener mes problèmes. Elle me dit à quel point elle était déçue, elle pensait que nous nous amuserions tous ensemble, et ne comprenait pas que je ne prenne pas du bon temps. Je me contentai de bouder, n'ayant pas envie de parler avec une nana qui me brisait le coeur. Et pourtant, j'étais heureux, fichtrement heureux, de partager avec elle ce retour de Risa. J'étais aussi malheureux, bien sûr, mais cela me fit plaisir de passer un peu de temps avec elle, même si je fus d'une froideur assez rare. Nous nous couchâmes et vint samedi. Le samedi fut une journée maussade. Nous nous levâmes tard, et je quittai les autres lorsqu'ils allaient manger, sous prétexte de retrouver Fred à qui j'avais confié mon porte-feuilles la veille. Le lab était fermé, aussi je me retrouvai sans nulle part où aller, et Fred n'était pas dans le coin. Je me décidai pour le centre ville, où mes pas me conduisirent à Saint Paul Square. J'avais le coeur dans les talons, tout était gris, je m'isolais parce que j'étais conscient de faire chier tout le monde avec mon comportement asocial, et où que j'aille, la tristesse me collait aux semelles, poisseuse, épaisse. Je décidai d'entrer dans l'église qui trône au milieu du square, et je restai là un moment, à essayer de trouver dans le calme de mon environnement de quoi apaiser mon coeur malheureux. J'assistai à une messe, bien que non catholique. Je fus ému par les chants grégoriens, et laissai le temps passer. Enfin, je m'en revins et retrouvai les autres chez Chiara. L'heure était à préparer la soirée. Pas moyen de joindre les uns ou les autres, cela s'annonçait plutôt mal. Fred nous rejoint, et nous allâmes prendre un pot à Einsteins, le bar de la fac. Puis nous rentrâmes sans savoir comment occuper notre soirée. Fred s'alla coucher, si j'ose dire, Cowboy et les nouveaux Français nous rejoignirent, et on ne réussit pas à se mettre d'accord sur un endroit où passer la soirée. Aussi, les nouveaux arrivants partirent pour Einsteins, imités plus tard par Ben et moi, tandis que Vag et Chiara partaient sur Broadstreet. Nous jouâmes au billard, descendîmes quelques pintes, dansâmes un peu. J'essayais, l'alcool aidant, de m'amuser un peu avec les potes. Il se passa une chose terrible dans cette soirée. Tandis que nous dansions, une très jolie brune traversa le dance floor, et vint se planter devant moi pour me demander si j'étais célibataire. Je passai rapidement les faits suivants dans ma tête : je pars après-demain, j'aime Chiara, et j'ai la trouille de cette beauté sortie de nulle part (j'ai toujours eu peur des femmes). Aussi, je répondis que je n'étais pas intéressé, m'attirant le respect (idiot) de mes collègues. Cette étrange incident me mina le moral encore un peu plus. En toute autre circonstance, j'aurais rêvé qu'une telle fille vienne me demander une chose pareille. Ca n'arrive jamais, d'ordinaire. On court après des nanas qui s'en foutent, et jamais les jolies filles ne viennent nous adresser la parole, surtout en des termes aussi peu équivoques. Hélas, il fallait que cela m'arrive en pleine déprime amoureuse, à un moment de ma vie où mon coeur souffrait pour une fille, une seule, et une qui s'en tamponnait le coquillard, évidemment. Ce soir-là, je pris la décision de parler à Chiara. J'avais fait l'ours la veille, mais c'était assez, je n'avais plus qu'un jour pour lui avouer que je l'aimais encore. Nous rentrâmes, Ben et moi, et attendîmes un bon moment dans le froid que Chiara et Vag rentrent. Il était trois heures du mat lorsque, glacés, nous décidâmes d'aller pioncer au lab. Inutile de dire que je dormis tout au plus une ou deux heures. J'étais démoli. J'avais enfin trouvé le courage d'aller lui parler, et elle refusait de rentrer. Je pleurai amèrement, longtemps, tandis que Ben dormait. J'avais mal, réellement mal. Je ne me souviens pas avoir souffert pareillement d'amour. Vint un moment où, la douleur devenant tellement mauvaise, je réfléchis aux moyens de me foutre en l'air. Certes, cela mettrait un terme à la douleur (et à quoi bon vivre de toutes façons sans cette fille que j'aimais), seulement personne ne comprendrait. Il y avait en moi tant de choses, et jamais elle ne saurait combien je l'aimais. Non, il valait mieux que j'attende. Au moins le temps de coucher tout ça par écrit. On aviserait ensuite. Le lendemain, je déjeunai avec Ben de trucs que nous allâmes acheter en ville. Puis je me mis en quête de Chiara. Un coup d'oeil par sa boîte au lettres m'informa qu'elle, Vagelis et Mandy dormaient encore. J'allai attendre au bord du lac. Là, je pleurai encore, et encore, et encore. Enfin, je retournai chez elle, et ses éclats de rire témoignèrent de son réveil, mais me coupèrent l'envie d'aller frapper. Je m'assis un moment sur les escaliers en ciment devant chez elle et attendis. Puis je frappai. Elle m'ouvrit, de bonne humeur, et je n'eus plus envie de lui parler. Comment pouvait-elle être si heureuse tandis que je traînais mon coeur à l'agonie ? La douleur rend égoïste, je ne le découvre pas. Je rejoignis les autres devant la télé, que nous regardâmes comme des idiots jusqu'au milieu de l'après-midi. Nous allâmes ensuite manger un bout, puis rentrâmes, et ma dernière soirée anglaise s'annonçait sous le signe du silence à nouveau. Comment lui parler devant tout le monde ? Je n'osais pas. Enfin, je finis par sortir fumer, et en réalité, je m'accoudai au petit muret devant sa porte, et me prenant la tête dans les mains, j'éclatai encore en sanglots. La porte s'ouvrit, et Chiara vint s'accouder à côté de moi. Nous restâmes silencieux un moment, puis elle prit ma main, et je pleurai de plus belle. Elle me parla, me dit qu'elle avait passé une semaine pourrie par ma faute, qu'elle était vraiment déçue. Je lui expliquai que mon coeur battait encore pour elle. Elle me répliqua que je lui avais fait passer des moments pénibles, qu'elle ne pouvait pas aimer un garçon qui ne parlait pas, et que si elle me laissait tomber, c'était parce que je n'avais pas été capable de gagner sa confiance. Ajoutant à mon désespoir la culpabilité, elle fit de mes sanglots un torrent, que rien ne semblait pouvoir arrêter. J'étais en cet instant si malheureux, de la savoir juste à côté de moi, et de mesurer que c'était la dernière fois, la dernière de toute ma vie, et j'aurais tant aimé la prendre dans mes bras, l'embrasser, et l'entendre me dire que je lui avais manqué, qu'elle voulait rester à mes côtés, être encore l'élue de mon coeur... Je rêvai ainsi, sous un ciel sans étoile, à côté d'une fille qui regardait devant elle, le visage vide de toute émotion, pas même de compassion. J'aurais aimé, à défaut de trouver une amante, trouver en elle une amie, quelqu'un que ma douleur n'eut pas laissé de marbre, une fille qui m'eut au moins dit "je comprends ta douleur, même si je n'y peux rien", et m'aurait pris dans ses bras en amie. Hélas, rien. J'étais face à un mur, et ma solitude n'en était que plus atroce. Cette nuit-là, la dernière, je pleurai beaucoup, en silence pour ne pas réveiller les autres. Puis vint le lendemain, et je sortis, mes sacs sur l'épaule. Sur le seuil de la porte, Chiara me prit dans ses bras avec un sourire, et je garderai de cette dernière étreinte un souvenir aussi pur que déchirant. C'était tiède, c'était doux, c'était ma petite Chiara, avec ses cheuveux détachés et son pyjama blanc et vert. Je l'embrassai sur la joue, et partis sans me retourner, avec l'envie de me jeter sous le premier camion qui passerait. Je pleurai ce jour-là encore plus que je n'avais pleuré les jours précédents. Je remplis de larmes deux avions et un aéroport. J'écrivis à Chiara, de mon arrivée à l'aéroport de Birmingham jusqu'à celle à celui de Marseille, où je retrouvai ma mère. Je pleurai encore dans la voiture, et dans les bras de cette femme à qui je dois la vie, je trouvai un peu de calme, mais si peu. "Je n'ai jamais su leur parler", fut tout ce que je parvins à fournir comme explication, entre deux sanglots. Maman me dit qu'alors, il me fallait leur écrire. Même si ça n'était pas aussi bien, c'était mieux que rien, au moins pour moi. Elle a sans doute raison. C'était lundi. Nous sommes mercredi. Je n'ai pas repleuré depuis. J'ai écrit à Chiara. Je lui ai écrit pour la remercier de m'avoir convaincu que tout était de ma faute, que notre couple s'était cassé la gueule uniquement parce que j'étais incapable de lui parler, que j'étais le seul responsable. Car, un peu calmé, je constatai en repassant mes souvenirs en boucle que, durant toute notre relation, je n'avais entendu Chiara s'excuser de quelque chose qu'une seule fois. C'était vendredi soir, quand après cinq jours de déprimes elle me confia qu'elle était désolée si sa conduite me causait de la paine. J'avais haussé les épaules. Dés que quelque chose merdait, c'était à moi qu'en incombait la faute. J'avais eu le malheur de lui dire que parler m'était difficile. Et chaque fois, elle ne manquait pas de me rappeler que tout venait de mon incapacité à me confier à elle. Mais je crois qu'elle avait tort. Je crois que le seul et unique problème, c'était qu'elle ne m'aimait pas. Quelqu'un a écrit "les femmes ne voient jamais ce que l'on fait pour elles, elle ne voient que ce qu'on ne fait pas". Avec Chiara, je crois que c'était un peu ça. J'ai fait des efforts, pourtant, je lui ai parlé plus que je n'ai jamais parlé à une fille en si peu de temps, je l'aimais avec sincérité, je croyais en ce couple, aussi impossible fut-il. J'ai souffert pour elle, j'ai accepté ses reproches, j'ai reconnu mes erreurs, et je m'en suis excusé. Jamais elle n'a laissé entendre que peut-être elle aussi n'avait pas fait ce qu'il fallait. Jamais. Elle avait toujours raison, elle ne parlait que de son bonheur que j'étais incapable de faire. Elle ne me disait pas même quand je m'excusais que ce n'était pas si grave. Elle s'est toujours placée en position de reine. Intouchable, parfaite. Une reine qui ne cherchait pas un roi, mais un sujet. Aujourd'hui, j'en veux à cette fille. Je crois que jamais elle n'a rien fait pour ce couple dont elle n'avait que faire. Elle avait trouvé quelqu'un pour meubler sa solitude, lui donner l'impression qu'elle était la plus belle, la plus tout, un type suffisamment naïf pour revenir lorsqu'elle le foutait à la porte. M'eut-elle aimé ne serait-ce qu'un peu, elle n'aurait pas été si sûre d'elle. Elle aurait pesé ses mots, n'aurait pas aligné les reproches les uns après les autres. Et qui plus est, je crois que lorsqu'une fille éprouve quelque chose pour un garçon, quand bien même aurait-il du mal à se confier (en même temps, un moi, pour se donner, n'est-ce pas un peu court ?), plutôt que de le mettre face à ses reproches en lui disant qu'il est incapable de faire son bonheur, elle se placerait au contraire en amie, l'aidant au lieu de lui enfoncer la tête sous l'eau. J'ignore si c'est une mesure défensive ou le fait que mes yeux s'ouvrent maintenant que je ne peux plus l'aimer, mais aujourd'hui, je suis persuadé qu'elle s'est foutu de moi depuis le début. Certes, elle a peut-être été un peu amoureuse pendant un moment, mais très rapidement, notre relation a été typiquement une relation où l'un est amoureux et l'autre s'en fout. Chiara n'a jamais été une amie, et qui plus est, si je ne me suis pas donné à elle, c'est peut-être simplement que je n'ai jamais réussi à me sentir en confiance avec elle. Une fille qui vous fout à la porte, une fille qui ne parle que d'elle, jamais de "nous", une fille qui prend plaisir à vous répéter qu'elle n'est pas votre petite amie, une fille qui vous oublie en dix jours, une fille qui vous fait plus de reproches que de compliments, une fille qui vous dit "si tu n'es pas content, tu peux t'en aller", ça ne peut pas être une fille qui vous aime. Quand on aime, on n'est pas sûr de soi, on a toujours un peu peur que l'être aimé ne se vexe ou ne s'en aille, non ? J'ai aussi appris de Fred, confirmé par Cowboy, que pendant mon absence, Chiara avait tenté une relation avec Vagelis. Ce dernier, à qui j'avais parlé de mes déboires avec elle, a eu la prudence de décliner l'offre. Mais j'avoue que ça me fait de la peine. Qu'elle aille chercher si vite ailleurs me prouve qu'elle n'accordait pas vraiment d'importance à notre histoire. Et peut-être qu'au fond, c'est un peu de sa faute si ça n'a pas marché. Parce que j'aurais pu me débattre autant que je pouvais, me mettre en quatre pour elle, à partir du moment où elle n'avait pas envie de m'aimer, ça n'aurait jamais été assez. Me voilà donc, avec un coeur qui cicatrise doucement, à enchaîner les cigarettes et les jours vides, à m'ennuyer, et à penser avec tristesse à cette fille que j'ai perdue. Pas à Chiara, car quand bien même elle changerait brusquement d'avis et voudrait recommencer, je n'en aurais pas la moindre envie. Non, l'autre fille, celle que j'aime tant, celle que j'avais cru trouver dans ses bras, celle que je retrouve chaque fois que j'embrasse une fille en fermant les yeux. Celle-là, la vraie, l'âme soeur, celle-là me manque. Et si je pleure encore, ce n'est pas d'avoir perdu Chiara, c'est de ne pas avoir trouvé l'Autre. Et puis, il est si dur de réapprendre à vivre pour soi lorsqu'on a appris à vivre pour quelqu'un d'autre... [ Je m'interromps juste pour dire que l'orage est tombé deux fois juste à côté. Les murs ont tremblé, les plombs ont sauté me plongeant dans le noir (il est deux heures du mat), et je dois avouer que je me suis senti tout petit. C'est impressionnant, l'orage. Ca me fait penser à quelque chose d'immense qui se fâche. J'adore l'orage, avec sa pluie battante, et ses grondements terribles, et ses éclairs tordus. C'est une des rares choses que j'aime autant. Quand il y a de l'orage, je rouvre mes volets, je regarde et j'écoute. Je me sens bien. Le ciel se défoule, et ça rend les hommes insignifiants. Et puis c'est apaisant, le bruit de la pluie, le vent, même les grondements, en un sens. C'est comme un père qui gronde, un père tellement fort que c'est rassurant, même s'il se fâche. Tiens, en parlant de père, j'ai trouvé le mien à poil devant le disjoncteur, la seconde fois que je suis allé le réenclencher. Ca me fait sourire. A choisir, je le préfère comme ça que dans son costard d'homme d'affaires. Plus humain, moins imposant. Enfin, l'orage, c'est une des rares choses qui me fait oublier l'absence d'une fille à serrer dans mes bras. L'orage, ça me rend comme un gamin qui s'émerveille, et je suis tout entier plongé dans cette manifestation des éléments qui réduit l'homme à un insecte. J'aime l'orage. Mais ça ne remplace pas Chiara, cela dit. ] Devant cet amour perdu, je me sens comme devant un champ de ruines. J'avais construit un amour, et je le croyais solide, mais voilà qu'il s'est effondré. Alors il faut tout reconstruire, tout recommencer. Cela m'effraie. Les filles, je n'en rencontre pas si souvent. Mais j'essaie de penser que Là-Haut on fera bien les choses, et qu'un jour enfin, je la rencontrerai, et que ce sera bien, enfin. Elle sera si belle, et m'aimera si fort, et moi je prendrai soin d'elle, et je lui parlerai, et elle comprendra. Elle sera jolie, jolie comme Chiara, mais elle ne sera pas que ça. Elle sera un peu seule, elle rêvera beaucoup, elle sera amusante, elle sera patiente, on fera l'amour doucement, et on s'endormira serrés comme deux enfants, et le matin, quand elle se réveillera, je lui ferai un câlin avec mille caresses, je serai son marin, elle sera ma déesse, et je prendrai soin d'elle, comme on prend soin d'une fleur, la mettant au soleil, l'arrosant mais pas trop, la regardant souvent et la trouvant plus belle que toutes les autres fleurs. Et sa main dans la mienne, on marchera dans la rue, et je serai si fier d'être celui de son coeur, alors je l'embrasserai, là, au milieu des gens, et ça la fera rire, on sera plus un plus un, on sera même plus deux, on sera un tout court, et quand le monde s'écroulera, je serai là pour elle. Et puis je l'emmènerai, dans ces coins que je dessine, au bord des champs de blés, là où il ne passe pas de voitures, et où le soleil brille entre les feuilles des arbres, et allongés dans l'herbe, je lui dirai je t'aime, et y aura dans ses yeux la mer qu'on voit danser, et y aura dans mes bras son petit corps fragile, et au creux de son cou comme un papillon bleu, je poserai un baiser, et peut-être je pleurerai et elle trouvera pas ça con, elle, et dans ses bras, j'aurai plus peur de rien, elle me protégera, on sera plus vraiment là, on sera un peu ailleurs, et on rira des gens, même si c'est pas sympa, et on mangera des glaces, je lui cueillerai des chansons, je lui chanterai des bouquets, et même si je parle pas, elle comprendra quand même, elle saura écouter comme il faut, avec le coeur. Et y aura entre nous des choses qu'ils verront pas, et qu'ils comprendront pas, et qui nous feront sourire, parce qu'on les partagera, qu'on les leur donnera pas, ça sera notre monde à nous, à nous et rien qu'à nous. Et puis peut-être un jour, on fera une bêtise, une petite bêtise blonde, ou bien une bêtise brune, et on pourra se dire qu'on a fait quelque chose, pas grand chose, mais pas rien. Et même si c'est pas vrai, ça fait toujours rêver, et même si c'est pas vrai, y'aura toujours des bancs en bois et des orages qui font sauter les plombs, et des kleenex pour essuyer les larmes, et des cigarettes pour faire comme les cowboys, les vrais, ceux qui ont besoin de personne, mais ça c'est des conneries, parce que si les cowboys, tout à la fin du film, on les voit s'en aller de dos sur leur cheval, c'est parce qu'en fait, ils pleurent. Et s'ils pleurent, c'est parce qu'ils pensent, eux aussi, à une femme. Ecrit par Barjac, le Samedi 25 Octobre 2003, 15:27.
Laisser un commentaire
Commentaires
|
||
Wolf head and Victorian couple are the property of their original authors.
Any other content © 2003-2008, Barjac. |