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A l'Amour, à la Mort, dérives.
Flash. Encore un. J’ai beaucoup pensé il y a quelques nuits. Il y a des nuits, comme ça, pas moyen de trouver le sommeil, et des pensées en générale pénibles qui s’enchaînent en cascades, chacune en amenant une autre, jusqu’au larmes. Ensuite, de nouveau, pensées, mais plus calmes, cette fois, qui s’achèvent avec l’arrivée du marchand de sable. Je maudis ainsi successivement mes parents, Dieu, moi-même, les intellectuels qui se prétendent au-dessus des masses pour ne pas s’avouer à côté, enchaînant sur la mort qui rend inutile toute action humaine à l’échelle individuelle (à quoi bon faire quoi que ce soit puisque dans 100 ans, mes actes n’existeront plus à mes yeux ? Evidemment, il y a leur effet à long terme et sur d’autres que moi, et alors seuls les vrais altruistes, s’ils existent, peuvent trouver un sens à leur vie. Mais il suffirait alors de pousser non plus jusqu’à la mort de l’individu mais jusqu’à celle de l’espèce pour retrouver un constat similaire à l’échelle supérieure), puis de la mort à la vieillesse, qui des jeunes femmes belles et fières d’aujourd’hui fera de vieilles pommes ridées que les hommes qu’elles dédaignaient ne regarderont plus, sans doute encore occupés à rêver des belles jeunettes qui pas plus qu’auparavant ne seront à leur portée, mais l’homme est un grand rêveur gris, que voulez-vous, et à quel point j’ai du mal à concilier mon père d’aujourd’hui, sévère et fatigué, avec le jeune homme frais et souriant des albums photos, moi qui aurai bientôt son âge à ma naissance, à quoi ressemblerai-je, moi, usé par la vie, et merde, ce que le temps passe, dîtes-donc, et soudain je me sens comme la nuit précédant mon départ d’Angleterre, paniqué, parce qu’il me reste encore huit heures à vivre, et ces huit heures en font déjà sept, et je ne veux pas dormir, rester là dans le noir, prier pour que le soleil ne vienne pas, parce que demain je rentre et je sais que de toute ma vie, je ne la reverrai jamais, jamais, jamais plus sa main sous mon T-shirt sa tête endormie contre moi ses baisers sur un banc son nombril contre le mien doux oh si doux tellement doux tellement peur et je sais qu’elle sait qu’elle s’en fout, mais moi, je vois devant moi un chemin immense, et toujours dans un coin de ma tête, elle, et que devient-elle Seigneur fais qu’elle vive heureuse et longtemps où qu’elle soit c’est une fille bien tu sais et ne pas penser que demain arrive déjà et adieu adieu Chiara adieu l’Angleterre adieu partie de moi dont je disperse les cendres aux quatre vents va rejoindre les autres en attendant le jour où ce sera le reste du bonhomme qu’on dispersera à son tour. Terrible, cette peur de l’inévitable séparation. Maladie contractée avec Ch. que tant de trains m’ont arrachée dans tant de gares grises où papiers sales et oiseaux dans un sens puis dans un autre, spectateurs inattentifs d’un drame dont ils n’ont pas conscience ? Ou maladie contractée bien avant, rentrée des classes de maternelle, et plus de mère, et tous ces visages autour qui rient, boudent, dorment, compagnons forçats aux traits grossiers mais quelle est ma faute, il y a erreur, j’ai pas ma place ici, il y a erreur il y a erreur, R.-E.-R, erre heure, hère heurt, air Eure !
Ca remonte à loin, tout ça, quand même. Y a des images, comme ça, qui restent. Ca fait des flashes bing devant les yeux pendant un dixième de seconde on y est de nouveau, mais sur la chaise de Dieu, qui regarde tout ça du dessus. Comme une fenêtre qui s’ouvre — le passé — et se referme aussitôt. Persistence rétinienne de l’intérieur, de l’âme, du coeur soudain plombé. La raison pour laquelle j’ai commencé à écrire, d’ailleurs. Une fenêtre qui s’ouvre sur un murmure dans la nuit, « I like you so much », envie de prononcer l’autre, mais trop important, trop tôt, le garder pour quand on sera sûr, et dire avec le corps ce qu’on n’ose pas dire tout haut, étreinte désespérée, idiote, humaine, dans le vide où je dérive accroché à mon seul navire, elle et se referme aussitôt. Combien de temps, combien de temps vais-je continuer à avoir ce genre de flashes ? Je sais bien que c’est terminé, tout ça. Quel est l’intérêt, la signification de ces images subliminales ? Quel est le message du Tyler Durden des crânes qui débordent ? Combien de temps vais-je continuer à penser à elle me tourne le dos je passe mes bras autour d’elle et l’embrasse dans le cou et elle si surprise yeux immenses comme si c’était son premier baiser sourire de petite fille heureuse hésitante impressionnée et tellement heureuse merci elle dit et plus rien et les grands yeux on sort de la boîte « it was so... so nice what you did... » elle dit si surprise si heureuse petite fille et moi surpris aussi, mâle heureux, douceur de l’instant qui ne s’explique pas, curieuse fille qui n’a jamais été embrassée en public, gênée, et pourtant, si heureuse que ça ne compte plus et qui m’embrasse avec dans les yeux cet amour dont il était pourtant convenu qu’il devait ne durer qu’un mois ? On avait fait un enfant, on lui avait inocculé une saloperie pour qu’il ne dure qu’un mois, elle et moi, et moi, moi qui disais au début que ça n’avait pas d’importance, que bien sûr, on en souffrirait, mais qu’il fallait vivre le bonheur au présent, quand il était possible, et qu’on traiterait ensuite avec la douleur, moi qui n’y croyait pas tant que ça, moi qui d’une certaine manière ai demandé cette relation éphémère, je m’y suis attaché, à ce baby I’ll go anywhere with you, whenever you need me I’ll be there for you, ‘cause you’re the one for me, you’re my one and only bébé en instance de mort. Parce qu’il allait mourir, je me croyais assez fort pour le considérer comme déjà mort. Mais il y a une terrible différence entre un mort et un vivant condamné. Le condamné, tant qu’il n’est pas mort, il est bien vivant, comme tout autre vivant, et on s’y accroche avec la même force que s’il devait vivre toute une vie. Facile de dire on arrêtera dans un mois, on arrêtera demain. Impossible de dire on arrête aujourd’hui. Et ensuite, si dur de dire on a arrêté hier, quand tout est passé, et qu’on comprend alors seulement vraiment l’importance de ce qui s’est joué. C’est seulement banni du coeur d’une fille qu’on découvre à quel point on l’aimait, et souvent à notre propre insu, m’avait confié l’ami Fred, durant une des rares conversations que j’eus avec lui lors de ma dernière semaine à Aston. L’ami Fred, que j’oubliai de saluer en partant, tout obnubilé par une nana qui s’en moquait pas mal, et qui s’il ne m’en blâma pas, ne me tut toutefois pas sa peine. Pauvre vieux, qui m’apporta tant, et moi, moi qui courrait après les beaux yeux de Chiara. Amitié, sentiment si noble, et qu’on oublie pourtant sitôt qu’une biche passe, proclamant l’amour roi comme s’il nous libérait alors qu’il nous enchaîne. Amitié qu’on baffoue, qu’on maltraite, et qui pourtant nous reste fidèle, plus compréhensive qu’une mère. Amis que l’on oublie, ingrats que nous sommes, dans les bras de belles aux yeux menteurs, aux rires plein de jeunesse, amis que l’on oublie parce que l’amour est morphine, illusion facile, qui nous fait oublier la mort tandis que l’amitié, et plus encore la solitude, nous y préparent. Amour qui nous fait croire que l’on vit parce que l’on souffre, amour menteur, déesse qui me chante qu’il est un paradis et que j’y suis déjà, femme à la beauté éphémère comme l’instant, mais qu’en serrant contre moi je veux croire d’une contagieuse éternité, ô amour, fausse promesse que murmure le vent, fausse illusion d’arrêter le temps, il est des soirs où je te hais comme l’ivrogne sa boisson, car comme lui, je vois l’esclage que tu as fais de moi, et comme lui encore, en dépit de ma haine, j’ai besoin de toi, toujours plus, pour oublier, pour oublier que je meurs. Oui, si dur de dire on a arrêté hier. Curieuse nature humaine qui fait qu’on ne comprend vraiment les choses que par rétrospection. Comme si l’on ne pouvait vivre et réfléchir en même temps, on vit vite, fort, mal, et ensuite on réfléchit, on analyse, on essaie de comprendre, on revit une deuxième fois, lentement parce qu’on a tout le temps dont les solitaires sont riches, et on trouve sans cesse de nouvelles explications qui viennent contredire les précédentes. On s’occupe l’esprit parce que le coeur est triste, et parce que quand on réfléchit à un amour passé, c’est un peu comme si on y était encore un peu. Mais malgré tout si loin... On déroule une fois encore le film de notre histoire, mais cette fois, c’est comme au cinéma, on regarde uniquement, on ne peut plus agir, y a un écran entre eux et nous. Dire qu’il y a un mois exactement, je quittais le pub avec elle et Mandy, et commençait une longue et pénible semaine d’indifférence, feinte de chaque côté, hélas plus et mieux du mien. J’ai l’impression que quatre années se sont écoulées depuis. J’ai perdu la notion du temps. A ne rien faire de la journée, tous les jours sont des dimanches, je ne les différencie plus, pas plus que les semaines qui se succèdent sans s’additionner parce que je n’avance à rien, je tourne, hamster dans sa roue, et je reviens toujours à mon point de départ. Enfin, je ne pense plus à elle de manière continue. Seulement, de temps en temps, ce vertige de solitude, ce parfum dans la rue que je reconnais et il me faut m’asseoir quelques secondes, le temps que son visage s’efface et que le monde reprenne forme devant mes yeux, avec ses rues bordées d’arbres dont il ne reste plus que les carcasses silencieuses couchées dans un désert de feuilles brunes ; ses passants pressés, fourmis qui se croient grandes et marchent vite, vite, pour aller ici, puis là, puis revenir, morts en devenir qui tout simplement se débattent pour mieux se croire vivants ; ses voitures bruyantes, puantes, encombrantes, corbillards emportant leur chargement vers le néant, sur la route du temps, chargement qui lui aussi s’impatiente, fulmine, voudrait aller plus vite, toujours plus vite, comme si d’aller plus vite le ferait vivre au final un peu plus. Et moi je repars, tout gris dedans parce que pendant une fraction de seconde, j’ai vu l’amour, et que l’amour est une chose trop violente sur le coup pour pouvoir être vécue autrement qu’au passé. Hommes, hâtez-vous, claquez du soulier, rugissez du klaxon, débattez-vous du mieux que vous pouvez, courez, sautez, volez si vous le pouvez, cela ne sert à rien : au rendez-vous final, ce n’est pas vous qui allez à elle, c’est elle qui vient à vous. Débattez-vous, crétins, écrivez des bouquins, faîtes des guerres à tout va, devenez des héros, dirigez le troupeau, soyez les as d’un temps, fardez, mesdames, ces paupières, poudrez ces joues, soulignez ces yeux pour les rendre félins, et ainsi chaque jour, plaisez, plaisez, soyez admirées, car à cent ans d’ici, vos orbites seront d’une noirceur et vos pommettes d’une blancheur que jamais au paravent (sic) ni mascara ni poudre n’égalèrent. Alors pressez-vous, dépéchez-vous ! Mais n’oubliez pas, vivre, ce n’est pas vivre beaucoup, c’est vivre pleinement, et si on vit vraiment les choses, on n’a guère le temps d’en vivre beaucoup. Chiara. Mon coeur te pleure encore, et sa douleur se perd là où jamais plus tu ne seras. Aimer. Amour, seul morphine qui soit à cette maladie terrible qu’est la vie... Ne pas pleurer pour Chiara. On aime pour oublier qu’on meurt, c’est peut-être ça qui est difficile lorsqu’on cesse d’aimer, on retrouve la solitude, et la vie solitaire est un long couloir qu’on traverse, à l’inverse de lorsqu’on aime, face tournée vers la destination. Car à quoi sert d’aimer, sinon à oublier la solitude, et au delà, la mort qu’elle nous fait entrevoir ? Mais aimer est une morphine, pas un remède, et quoi qu’en pensent les chrétiens, je crois que là où l’on va, on n’y va pas à deux. Non, au dernier rendez-vous, on va comme à tout autre, c’est à dire seul. L’unique différence, c’est que cette fois c’est elle qui amène les fleurs... Ecrit par Barjac, le Lundi 17 Novembre 2003, 13:27.
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