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Parisianismes
Ce soir à la télé, il y avait Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. Eloge du rêve sous le pinceau coloré de Jeunet, Paris magnifique des marchés, critique implacable de l’esclavage humain face à la déesse habitude... J’avais refusé d’aller voir ce film à sa sortie, pour les mêmes raisons que j’évite prudemment d’écouter Jacques Brel : appréhension d’y trouver des choses tellement vraies qu’elles ne peuvent que vous infliger une dose, mortelle pour le moral, de cafard. Ce fut mon amour parisienne, Ptit Lu, qui m’y traîna malgré moi, persuadée comme tant de mes amis que ce film m’irait comme un gant, raison même de mon refus de le visionner. Et pourtant, je fus séduit, j’y rêvai comme se doit, et ce ne fut qu’à ses baisers à la fin de la séance (l’hotesse dût nous faire sortir, avec un sourire bienveillant, car la séance suivante allait commencer) que je dus de ne pas sortir bouleversé de la salle. Car quelle leçon pour les rêveurs, les timides ! Tempus fugit, carpe diem, et caetera. Saisissez la chance lorsqu’elle est à votre portée ; et que de trains je laissais ainsi s’en aller, agitant mon mouchoir, manquant par trop d’audace pour oser y monter, quand mon coeur ne désirait rien plus ardamment. Tant d’amours abstraits pour des filles auxquelles jamais je n’eus le courage de déclarer ma flamme. Mais, même si je n’y crois pas, j’essaie de me convaincre que c’est mieux ainsi, que sans doute mes amours seraient sorties ternies de la confrontation au réel. Et pourtant, ce sont peut-être de belles histoires que je congédiai ainsi par manque d’audace. Agir sur le réel pour éviter que ce soit le réel qui agisse sur nous, à grands coups de regrets.

J’ai toujours cette fierté, un peu puérile, d’être capable, chaque fois que Paris passe à la télé, d’en reconnaître pratiquement tous les coins, moi qui ai parcouru cette ville dans bien des sens, marchant des après-midi entières pour tuer le temps. J’étais alors naïf, pensant que l’amour poussait dans les châtaigners à chaque coin de rue, et qu’il suffirait de lever le bras pour en cueillir les fruits. Tant d’heures je passai, tournant tantôt à droite, tantôt à gauche, me souciant peu de me perdre puisque jamais loin d’une bouche de métro qui saurait me ramener en terrain connu. J’appris bien des choses, à marcher ainsi. Marcher est une activité qui favorise le rêve et la réflexion. Parfois, il m’arrivait (il m’arrive encore, d’ailleurs) de heurter quelque passant qu’absorbé dans mes « rêveries de promeneur solitaire » je n’avais pris en compte. Brusquement rejeté à la réalité de la rue, je me fendai de quelque excuse, et reprenai mon chemin, celui de mes pas, celui de mes pensées. Je découvris sur Paris plusieurs réalités. D’une part que les rues des grandes villes, en dépit du nombre colossal de passants qu’elles charient, et que je croyais alors autant de potentielles rencontres, sont au final plus désertes que celles des petits villages silencieux. La foule, le nombre, rend anonyme. Les gens de Paris, vivant côte à côte avec des millions d’autres parisiens, ont depuis longtemps cessé de les voir. L’importance de l’individu est inversement proportionnelle au nombre de ses semblables. Marchant dans Paris, vous n’êtes pas, comme vous le seriez dans un village, une nouvelle connaissance à apprivoiser ; vous n’êtes qu’un passant, et on ne demande rien à un passant, sinon qu’il passe. Je passai ainsi de longues heures à regarder couler la Seine, assis sur les quais, rêvant d’un amour qui naîtrait comme par magie du charme romantique de la ville. Mais, plus encore qu’ailleurs, le rêve est à Paris confiné hors des limites du réel, dans lequel les gens passent sans même vous apercevoir. Et pourtant, je parvenais parfois à cueillir, sur le visage d’une fille, un sourire, un regard, qui m’offraient un peu de chaleur et suffisait à maintenir mon espoir en vie. Assis sur les bancs dans les parcs, dévorant d’un livre les pages que le vent s’amusait à tourner avant que j’aie fini de les lire, pour me taquiner, j’espérais voir surgir une ombre qui me demanderait ce que je pouvais bien lire. Cela n’arriva jamais, sinon en rêve. Et sans doute en va-t-il ainsi de toute une catégorie de belles histoires qui ne sont pas faites pour être vécues autrement que dans nos têtes. J’appris aussi, conséquence de la perte d’importance de l’individu face au nombre, qu’entouré de milliers d’inconnus, on est plus seul encore que lorsque personne ne passe dans notre champ de vision. Un inconnu qui ne s’arrête pas est pire que son absence, car l’absent permet l’hypothèse que s’il était présent, il s’arrêterait.

Mais j’appris aussi que cette solitude au milieu des hommes présents possède un remède : l’amitié des hommes du passé. De rue en rue, lisant au fur et à mesure de mes promenades l’histoire de Paris à travers ses monuments, je m’attachais à ceux qui un jour l’avaient peuplé, m’en faisant d’imaginaires amis. Je gratais, du bout des doigts, les murmures des révolutions qui résonnaient encore sur la surface ridée des vieux murs. J’observais le Roi se promener au Jardin des Tuileries ; je ralentissais le pas dans cette petite rue derrière l’église Saint-Eustache où habita Rousseau, et où on aperçoit aujourd’hui une boutique d’ustensiles de cuisine, et j’imaginais derrière une des fenêtres qui dominent le pavé le brave homme copiant sa musique ; j’imaginais Napoléon marchant à mon côté, sur ces mêmes Champs-Elysées que ses pas foulèrent longtemps avant les miens ; passant devant le lycée Saint-Louis, je m’attendais à voir sortir Zola, cartable à la main, et plus encore que lui, non loin de là, devant le lycée Louis Legrand, mon père, que j’aurais aimé rencontrer, terminant ses classes préparatoires, car de tous ces hommes celui que je connaîs le moins et sans doute admire le plus.

Ah, amour, amour après lequel je courais alors, la tête pleine de doux rêves, amour qui courait tellement plus vite que moi, riant d’un rire de petite fille aux yeux noirs où brillait l’excitation du jeu, me tirant la langue à chaque coin de rue, et lorsque j’y parvenais hors d’haleine, c’était pour l’apercevoir au coin suivant, malicieuse, tellement adroite que jamais je ne parvins à l’attraper. Je courais, sans me lasser, pris au jeu moi aussi, croyant chaque fois que j’allais saisir le vêtement de la douce insolente, l’emprisonner dans mes bras, et poser mes lèvres sur sa gorge riante. C’est amusant, je ne garde pas un mauvais souvenir de ces après-midi que pourtant je passais dans la plus absolue solitude. J’étais triste de voir le jeu se terminer avec la nuit, de remonter dans un train de banlieue qui me ramènerait chez moi, de devoir dire au revoir à ma compagne de jeu. Et chaque week-end, je reprenais, le coeur léger, le train inverse qui m’emmenait à Paris où le jeu reprenait. J’aime Paris comme on aime une bonne amie, lorsqu’on est enfant, à cet âge où l’on ne perçoit des réalités de l’amour qu’une image douce, sans désir pour venir ternir par les frustrations qu’il engendre le bonheur du jeu. Et c’est sans doute la raison pour laquelle il me tarde de trouver un job dans cette ville dont la vue m’enchante toujours, où je me sens comme un gamin qui va passer le week-end à la campagne et retrouve son amie, cet endroit familier et chéri qui lui sert de terrain de jeu, ce monde où chaque arbre est une maison, chaque ruisseau un fleuve, ce monde qui échappe au regard des adultes chez qui l’habitude et les réalités de la vie n’ont laissé qu’une vision matérielle, utilitaire, plate, des choses. J’aime Paris, je l’aime pour m’avoir entouré de ses rues, pour s’être livré à moi, pour m’avoir conté son histoire et avoir écouté la mienne. Aurais-je trouvé l’amour dans cette ville, j’aurais cessé de la voir pour ne plus voir que mon aimée, aussi je ne suis pas mécontent de la tournure que prirent les choses.

Et puis j’ai, à Paris, une tante du côté de mon père, dont la famille m’est chère. J’aime ma tante, femme qui a hérité de l’immense gentillesse de ma grand-mère paternelle ; j’aime mon oncle, bibliothèque vivante et grand mélomane ; j’aime mon cousin, gamin paisible qui dévore la vie sans se laisser impressionner par elle, à l’esprit vif pour son âge ; j’adore enfin ma cousine, jeune femme dont il m’arrive de regretter qu’elle appartienne à ma famille, tant elle m’est chère, douce confidente que mes amours maladroits amusent, elle qui fit quelques fois briller sur mes promenades solitaires un soleil de printemps, et avec laquelle j’eus bien des conversations métaphysiques qui menèrent nos rires jusqu’au petit matin. J’aime ces gens, généreux, intelligents, de ce sérieux qui ne suinte pas l’ennui, mais respire la bonne humeur. Ils furent ma famille parisienne, ma famille telle que j’aurais aimé qu’elle soit. Evidemment, jamais ma famille n’aurait pu être ainsi : il y aura toujours entre parents et enfants, entre frères et sœurs, des murs infranchissables, que justement le fait d’être cousin ou neveu balaie, et c’est ce qui rend la compagnie si agréable. On peut se confier à une tante comme on n’oserait pas le faire à une mère, bavarder avec un oncle autour d’un whisky comme jamais on n’aurait la liberté de le faire avec un père, parler à une cousine de sujets qu’on ne pourrait aborder avec une soeur. Le tout en conservant les libertés qu’un fils n’aura jamais chez lui. Vivant à Paris, je pourrai visiter souvent ces gens que j’aime.

Certes, Paris est grand, et je n’y ai qu’une poignée d’amis, aussi certainement les premiers temps seront difficiles, mais j’ai confiance, confiance en le temps, confiance en le fait qu’une ville de plusieurs millions d’habitants comptera certainement des gens qui me seront semblables, et ce sont là des rencontres sur lesquelles je compte beaucoup. Et puis Paris, n’est-ce pas le seul endroit que je connaisse en France où les dimanches ne sont pas mornes et gris, où on peut à chaque heure du jour, y compris celui du Seigneur, prendre un bain de foule, un bain de vie, où les parcs ne sont jamais déserts et où un murmure parcourt toujours les avenues ? Cela je pense me suffira pour que je ne m’y sente pas trop seul. Et si jamais c’est le cas, il doit y avoir dans cette ville suffisamment de bibliothèques où passer des heures entières à apprendre de nouvelles choses. Reste l’amour, et je ne crois pas que Paris le facilite. Mais au fond, ce n’est pas ce qui me manque le plus pour l’instant. Je veux avant d’aimer à nouveau goûter une liberté que l’amour, bien qu’il offre des choses à côté, aliène considérablement. Aimer, c’est un peu rendre quelqu’un maître de son temps, chose que je ne souhaite pas encore. Quand on aime, on a parfois l’impression qu’on ne fait plus rien d’autre qu’aimer. Non que cela soit désagréable, si on le fait c’est bien parce qu’on le désire plus que tout, mais c’est justement ce désir qui me gêne. Enfin, on parle souvent de l’amitié tendre garçon/fille comme solution à cela, mais c’est une chose qui me laisse méfiant. Comment ne pas s’attacher à une fille avec laquelle on échange de la tendresse ? Chiara avait l’habitude de dormir dans le lit de son meilleur ami, et, jalousie à part, j’avoue que la chose me repousse plus dans ses inconvénients qu’elle ne m’attire dans ses avantages. J’ai du mal à ne pas voir dans une amitié qui accepte le lit une certaine lâcheté, lâcheté de ceux qui veulent les avantages de l’amour sans en prendre les risques. Chiara était le genre de fille à sortir avec vous, partager votre lit, sans pour autant vous reconnaître le statut de petit ami. La curieuse impression de quelque chose de pas franc dans un tel comportement m’a suffisamment déplu pour que je ne me mette pas à agir de la même façon. Nous nous passerons donc momentanément de tendresse. A moins que l’amour manque de vigilance et ne se laisse attraper au coin de la rue, auquel cas, tant pis pour la liberté. Je me connais assez pour savoir que je n’hésiterai jamais à troquer ma liberté pour une cellule de prison, si la gardienne a un rire d’enfant et deux yeux pétillants de malice. :)

Ecrit par Barjac, le Vendredi 19 Décembre 2003, 10:27.
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Commentaires
Alezia -
Le 19/12/03 à 17:15

C'est très beau, et bien écrit. J'adore la fin. Paris te fait tout ça ? C'est vrai qu'on a beau critiquer cette ville en parlant de sa froideur etc. Mais elle offre en échange tellement d'avantages, que tu cites ici. Chaque jour est différent, chaque endroit aussi, les promenades, les monuments... l'activité! les concerts, le théâtre, tout ! lol
Je ne voudrais pas m'en éloigner, je m'ennuirais trop. Par contre, je n'ai pas aimé "le fabuleux destin..." :)

Bisous à toi

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Le 20/12/03 à 12:36
Et oui, Paris est une ville que j'aime :) C'est un de ces endroits où je me sens bien, suffisamment vaste pour qu'on puisse marcher des heures sans passer deux fois au même endroit !
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