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Ch.
Il y a bien longtemps que je parle d’elle sans jamais l’avoir présentée, je masque son prénom avec soin, j’entretiens volontairement un brouillard mystérieux autour d’elle, et ce pour plusieurs raisons. Il y a le fait que je couche dans mon journal des choses qui souvent disparaîtront de ma mémoire au bout d’un certain temps ; Chiara, sans doute, finira par ne plus être pour moi qu’un vague sentiment d’insaisissable douceur sur laquelle j’aurai bientôt cessé de pouvoir coller un visage. Ch., elle, n’appartient pas aux choses qui s’effaceront : pour l’oublier elle, il faudrait que je m’oublie moi. Si je parle avec aisance de Chiara, et non de Ch., c’est aussi sans doute parce que Chiara n’est à mes yeux qu’une petite amie, une fille parmi d’autres, et que ce que je pourrai vous dire d’elle, vous le comprendrez sans peine. Des Chiara, il y en aura encore dans ma vie ; des Ch., il n’y en aura pas d’autre.

J’ai essayé d’écrire ce que j’ai vécu avec elle. Je ne parviens pas à dépasser trois lignes, au terme desquelles je me noie dans le flot d’images qui me reviennent ; ma mémoire devient un ruisseau qui se trouble comme si quelque gamin facétieux en grattait le fond avec une brindille, faisant remonter toutes ces choses qui ont mit si longtemps à se poser au fond, à rendre l’eau sa clarté originale. Lorsque j’essaie d’écrire sur Ch., c’est très simple, j’ai immédiatement le sentiment de trahir quelque chose de sacré. Quoi ? J’ai du mal à le savoir : elle, moi, peut-être plus, c’est assez confus. Mais je me sens coupable. La seule chose que je puis dire sur Ch., c’est que je la rencontrai à 11 ans, et qu’à 14, alors que l’adolescence était devenue un labyrinthe dans lequel j’étais depuis longtemps égaré, alors que mes parents avaient construit leurs tranchées et miné le terrain qui les séparaient, celui justement où les enfants grandissent avec une innocence qu’ils perdent (trop) vite, à 14 ans, alors que tout se cassait la gueule, à l’intérieur de moi comme à l’extérieur, la gamine aux yeux noirs qu’elle était prit la main du gamin que j’étais, et le mena à l’homme que je suis devenu. A bien des égards, c’est ma vie que je lui dois, cette vie dont elle changea définitivement le cours. Je ne pourrais pas parler d’elle sans en ternir l’image. Si je vous en parlais sincèrement, vous me diriez menteur, aussi je m’en abstiendrai. Dîtes-vous simplement qu’il ne lui manquait de l’ange que les ailes.

Ch. ne fut pas une petite amie. Elle fut une amie, une amies d’enfance avec laquelle on grandit, avec laquelle on rit, on se fâche, on se réconcilie en riant à nouveau, la seule personne qui sache tout sur nous et sur laquelle on sache tout nous aussi. Une petite amie est une personne avec laquelle on se comporte trop bien pour être naturel, prisonnier dans un rôle qui n’est pas nous. Nous n’étions pas ainsi. Nous étions deux faux jumeaux, sans cesse fourrés ensemble, incapables de trouver un sujet sur lequel nos opinions fussent réellement éloignées. Ce que nous partageâmes, seuls deux gamins des champs comme nous pouvaient le partager.

Ch. était amoureuse de moi à 11 ans, elle dût attendre trois ans avant de voir son rêve réalisé. Nous essayâmes à trois reprises. En 91, j’étais trop jeune pour vraiment désirer la compagnie d’une fille. Nous essayâmes bien quelque chose, mais mes sentiments étaient si confus pour moi que je finis par lui avouer que je ne l’aimais pas. Ce n’était pas le cas, je l’aimais, mais d’un coeur qui était comme le reste à l’époque : en plein développement, non encore prêt pour éprouver les sentiments qu’il abriterait quelques années plus tard, bref, je l’aimais de sentiments non finis.

Au début de 95, nous réessayâmes à nouveau. C’était très curieux, nous nous étions perdus de vue, étions redevenus presque deux inconnus. Je lui avais écrit pendant l’hiver, du Massif Central où je passais des vacances à la neige. J’étais tombé amoureux, elle l’était encore. Nous échangâmes quelques lettres, sans oser nous rencontrer bien que nous nous voyions chaque jour de loin au collège. Nous finîmes quand même par nous retrouver nez à nez, et ce fut le début d’une histoire qui dura une petite semaine. J’étais tout simplement terrifié par ce qu’il m’arrivait. Je l’aimais, impossible d’en douter, mais ma peur fut rapidement telle qu’un beau matin elle surpassa mon amour. Je l’évitai, et ce fut la fin du chapitre deux. Elle n’osa pas me demander ce que j’avais, elle comprit que j’étais mal à l’aise et, avec la peine qu’on imagine, que l’histoire était terminée.

Il fallut attendre juin de la même année pour qu’elle célèbre son anniversaire avec une « party » à laquelle je fus invité. La date en fut largement avancée ( car elle était en réalité de 15 jours mon aînée), afin de tomber avant la fin de l’année scolaire, qui signifiait aussi la fin du collège. Je ne raconterai pas ce qu’il se passa ce 16 juin-là ; ce sont là des souvenirs qu’on met dans un coffre-fort, parce qu’ils sont ce qu’on possède de plus précieux, mais aussi parce qu’on tient à mettre entre eux et nous une infranchissable couche de blindage. Il me suffira de dire que ce soir-là, je retrouvai mon amie, sans peur cette fois, et qu’elle entrait dans mon coeur pour une période qui nous mènerait jusqu’au 3 mars 2001, date à laquelle pour diverses raisons, je répondis « non » à une question qu’elle m’avait pourtant déjà posée des milliers de fois. J’aurais dû me souvenir de la bonne réponse, pourtant. Trois lettres, c’est pourtant peu, n’est-ce pas. Penser que toute une vie tient dans trois lettres me fait le même effet que lorsque je regarde les étoiles. Je me sens réellement minuscule.

Nous nous étions fiancés, sans avoir besoin de rien nous promettre : tout nous semblait évident. Nous nous connaissions depuis presque toujours, nous avions grandi ensemble, nous ne vivions que dans l’attente de construire ensemble notre château. J’étais un fils pour ses parents, elle était une fille pour les miens ; elle voulait des blondinets aux yeux bleus, je parlais de brunettes aux yeux noirs.

Et maintenant ? Maintenant, je rêve de Ch. entre une et trois fois par semaines. Le dernier rêve en remonte à la nuit passée. J’ai eu d’autres petites amies depuis, leur souvenir a glissé sur ma mémoire comme quelque chose de doux, sans laisser de trace profonde ; celui de Ch., lui, demeure aussi vif que si je l’avais tout juste quittée, une fois encore, sur le quai d’une gare. J’ai contracté la peur du lit, qui me pousse à penser à elle, alors je repousse l’heure du sommeil jusqu’à ce que je sois épuisé. Il n’est pas un jour où je m’endorme avant deux heures du matin, parfois je suis encore éveillée à quatre.

A propos de cette histoire, qui est la mienne, et que je me garde bien de raconter plus en détail, j’ai pourtant une double certitude : celle que mon « non » était juste, et celle que ce « non » s’adressait à la seule fille qui aurait pu devenir ma femme. Je ne pourrais pas expliquer ces certitudes ; ce sont simplement des choses que je sais. Aussi, j’ai fait ce que j’avais à faire, j’ai répété ce que mon coeur me soufflait, et je n’ai qu’un regret aujourd’hui, c’est que mon destin ait été de connaître le vrai amour sans pouvoir le garder. Et bien, c’est ainsi. Je n’aimerai jamais une fille comme j’ai aimé Ch., pour qui tout au fond de moi, mon coeur battra sans doute jusqu’à ma mort. Je doute que je me marie jamais, ni même que je prenne une compagne. Rares sont les occasions où je me laisse encore tenter, et jamais, je ne les vis sans une arrière pensée. Le nombre de fois où j’ai pensé, en regardant Chiara dans le noir : « c’est elle », suffit à m’en convaincre.

Chaque soir, j’adresse au vent une prière : qu’elle ait une vie heureuse. Je me donne l’impression de réparer le mal, de participer encore un peu à son bonheur. Je sais au fond de moi qu’elle sera plus heureuse avec son nouveau Jules qu’elle ne l’aurait été avec moi. Avec l’héritage que j’ai, l’indifférence sarcastique de mon père et l’hystérie de ma mère, j’aurais sans doute fini par lui attirer plus de peine que de joie. Triste certitude que celle-ci, mais je sais à qui je dois mon sang, et c’est de tout un patrimoine que j’hérite, croyez-moi.

Souvent, je voudrais lui écrire. Cette fille qui fut plus qu’une soeur pendant si longtemps, qui partagea tous mes secrest, à qui je dois de n’avoir pas sombré dans quelque folie alors que tout tombait en morceaux autour de moi, avec qui je pris le chemin de l’amour, de l’alpha jusqu’à pas loin de l’oméga, était aussi une confidente. Une ou deux fois par an, nous échangeons quelques mots, tout emplis de gêne et de maladresse. Je sais que de temps à autres elle aussi rêve de moi, elle me l’a dit ; je n’aime pas la façon qu’elle a de me rappeler sans cesse qu’elle est heureuse avec l’autre, au point que je finis par me demander si c’est moi qu’elle essaie de convaincre ou bien elle ; j’ai souffert la fois où elle m’a dit qu’elle aimerait me revoir, un jour, lorsque nous aurions chacun des enfants. Je suppose qu’elle aurait peur de me revoir avant, peur de rechuter. Mais c’est justement la raison pour laquelle je ne la reverrai pas avant qu’elle soit casée
(ni après, évidemment, ce serait aller frapper directement à une porte qui peut mener très loin sur la route, pas bien longue au demeurant, des désespérés). Même si il m’arrive de rêver de retrouvailles, je me refuserai toujours à lui avouer qu’au fond de moi, je ne l’ai pas effacée. C’est ce qu’on appelle une question d’honneur. Il serait trop facile de revenir, de la reprendre après l’avoir jetée d’une façon dont j’ai honte, de l’arracher à un type qui la mérite, qui l’a aidée à remonter la pente sur laquelle je l’avais lancée sans le moindre égard. Non, on ne me verra pas partir à la recherche de cet amour. Et j’espère que si malgré tout j’en faisais la bêtise, elle saurait m’éconduire comme se doit. Je porterai sans doute le poids de cet amour perdu toute ma vie, mais si le bonheur implique de perdre son honneur, je crois qu’un homme a plus chaud dans un malheur digne que dans un bonheur immérité.

Elle me manque, et je la pleure avec plus de douleur qu’un mort, car les vivants appellent l’espoir, et l’espoir entretient la peine. Ch., tu n’auras pas de petits garçons blonds, et j’en suis désolé. Tu les oublieras dans de beaux petits garçons bruns ; mais moi, je ne les oublierai pas. Tu m’oublieras, parce que j’ai brisé ton coeur, et que la souffrance que je t’ai infligée aura aidé à tuer ton amour pour moi, mais moi qui n’ait aucun grief contre toi, aucune haine à laquelle me raccrocher, je ne t’oublierai pas.

C’est curieux, c’est lorsqu’on a perdu les gens qu’on se rend compte qu’on avait encore plein de choses importantes à leur dire. J’aimerais pouvoir dire à Ch. pourquoi je l’ai quittée, et tout ce qui en moi est encore lié à elle. Mais c’est ça, la mort, que ce soit celle d’un homme ou d’un amour : c’est l’impossibilité de lui dire ce qu’on n’a pas pris le temps de lui dire avant, ce sont ces secrets qu’on se retrouve seul à porter et dont le poids nous écrase, ces rires, ces pleurs, ces souvenirs qu’on ne pourra plus jamais partager, assis ensemble sur un banc en rêvant au bon vieux temps. C’est une partie de nous qui s’efface du monde et n’existe plus qu’en nous-même. Ce sont deux mots dans lesquels est concentrée l’accablante froideur de l’irrévocable, juste deux mots : « trop tard ».

Ch., tu ne liras jamais ces lignes, et tu n’aurais pas à les lire. Mais au vent, je fais une promesse, et celle-là, j’ai bien peur d’arriver à la tenir jusqu’au bout : je n’aimerai jamais plus comme je t’ai aimée, et jusqu’à ma mort, tu seras celle que je cherche dans les parfums de femme, celle que j’aperçois au coin des rues, celle que je cherche en vain dans les yeux et les bras des autres, celle que j’essaie d’attraper, allongé dans l’herbe l’été, passant la main sous mon T-shirt pour croire l’espace d’une seconde que cette main est la tienne.

Je ne t’oublierai pas, mon amie, jamais.

Ecrit par Barjac, le Lundi 29 Décembre 2003, 15:23.
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Commentaires
Alezia -
Le 31/12/03 à 01:36

C'est une belle histoire, renforcée aussi par son côté tragique, amour pour toujours mais sans être ensemble. On dit que le 1er amour marque à jamais, et que les suivants, on les vivra toujours en comparaison à ce début, cette initiation. Je crois que là, c'est vraiment ça, mais en même temps, tu es quelqu'un de tellement passionné que je suis sûre que tu aimeras (malgré ce que t'en penses actuellement) quelqu'un d'autre aussi fort un jour. Peut être que là tu comprendras ton "non" de l'époque, et le reste...

Bises

Répondre à ce commentaire
nimantic - bien d'accord
Le 06/01/04 à 13:01
salut !
en effet, tu ne pourras jamais oublier Ch., mais comme Alezia l'a déjà remarqué, le premier amour est celui qui marque pour toute la vie, on n'a pas de repères, et à mon sens, c'est ainsi que l'on vit pleinement, sans critiquer ou comparer... Elle est unique, parce qu'elle a disparu de ta vie, et comme un trésor, elle a emporté avec elle toute cette période de ta vie qui nous est si chère à tous les deux. Sa disparition a fait mourir une part de toi-même qui avait grandi, qui s'était épanouie, à ses côtés. Je me pose une question : quand tu penses à Ch., penses-tu à elle avec les mêmes sentiments que le jour où tu as répondu "non" ou bien est-ce à la lumière du présent endommagé par tant de peine inutile? Un jour, nous mourrons, sur un lit d'hopital, je penserai à mon premier amour, à l'herbe du printemps, au bruit de la fontaine du village, et toi, tu penseras à Ch. Nous mourrons de chagrin d'amour, mais dignement, nous l'acceptons.
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Le 07/01/04 à 11:13
Salut nimantic,

Tout d'abord, meilleurs voeux pour l'année nouvelle :) Ensuite, pour répondre à ta question qui n'est pas sans intérêt, je dirais que bien évidemment, je ne pense pas à Ch. avec les mêmes sentiments que lorsque j'ai dit "non". Sans quoi je n'en parlerai probablement plus du tout. Lorsque j'ai dit "non", j'en avais ma claque, j'étouffais, j'avais besoin d'air. L'erreur fut de mettre un terme à l'histoire alors qu'il m'aurait suffi de la suspendre pour quelques temps (mais aurait-ce vraiment été la même chose dans mon esprit, n'avais-je pas besoin d'un affranchissement complet que seule la rupture pouvait amener ?). Depuis, j'ai fait machine arrière. J'ai parcouru le monde, j'ai connu d'autres amours, et je puis mieux juger la valeur de ce que j'ai perdu. Mes sentiments pour Ch., si on peut parler de sentiments, sont assez confus. Je n'ai gardé d'elle que les bons souvenirs ; il est aisé d'aimer à nouveau une telle image. Une part de ma raison me dit que ce n'est pas vraiment elle que j'aime, mais à nouveau cet idéal, auquel je donne son visage parce qu'elle s'en est approchée mieux que personne. Peut-être que si je la retrouvais, je ne voudrais pas recommencer quoi que ce soit avec elle. Ca paraît idiot, mais je crois vraiment que tout est là : j'aime l'image que j'ai d'elle, l'image abstraite ; je ne suis pas sûr que j'arriverais encore à fusionner cette image avec la personne, si l'occasion m'en était donné. Mais, je crois qu'Alezia a raison. Il y aura d'autres amours, peut-être la retrouverai-je vraiment chez une autre. Je ne sais. Une part de moi est persuadée que jamais je ne retrouverai un tel amour. Mais peut-être cet amour est-il si beau justement parce qu'il est disparu, lié à un temps magique révolu. De telles considérations ne sont pas encore très claires dans mon esprit, je dois avouer...
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