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L'amour inutile (2) - Un regret ? Quelles raisons
Un regret ?
J’avais dans un de mes derniers posts parlé d’amour, de cet amour jugé inutile, et me voilà en train d’y penser de nouveau. Etrange sentiment que celui qu’inspire une chose dont on n’éprouve pas le besoin. J’éprouve vis à vis de cela une gène, une gène qui m’a tourné autour pendant un certain temps sans que je parvienne à trouver le mot juste pour l’exprimer. Ce soir, j’ai trouvé les mots, et je suis à même de mieux comprendre les raisons de cette gène. Je n’ai pas le sentiment de passer à côté de quelque chose en disant que l’amour n’est pas conçu pour un homme tel que moi. Pour cela, il faudrait que j’aie un désir et que je sache que jamais il ne se réalisera. Hors je n’ai pas ce désir. L’amour m’apparaît comme une chose étrangère, digne d’intérêt pour l’observateur que je suis, mais uniquement à titre d’étude. J’ai sans doute un peu maltraité ce sentiment après lequel tant d’êtres humains courent, ce rêve merveilleux que je ne peux plus admirer que chez les autres. Je ne suis nullement malheureux de ne pas manquer d’amour ; l’absence de manque est justement la définition que je donne du bonheur. Et pourtant, cette absence me gène. Lorsque je regarde à la télé deux amants s’embrasser, je n’ai plus cette envie soudaine d’être à la place de l’acteur, dans les bras de la belle, trouvant dans ses bras un réconfort semblable à celui qu’elle trouverait dans les miens. Je me sens étranger à tout cela. Mais cela me gène, cela me gène parce que je sais, par expérience, que l’amour est une chose formidable, une force positive inégalable parmi celles qui agissent sur l’humain. Mais je n’expliquerai pas mieux ma gène que par l’image suivante. Je suis semblable à un homme qu’on inviterait dans le meilleur restaurant du monde, avec la possibilité de se composer le meilleur repas qui soit, et devant décliner l’offre pour la simple raison qu’il n’a tout simplement pas faim. Je suis conscient que tous ces plats finement préparés représentent un plaisir rare, mais mon organisme étant rassasié, je n’éprouve aucun attrait pour eux. Voilà donc toute ma gène : je suis conscient qu’il y a dans l’amour des choses fantastiques, mais dont je n’ai hélas pas besoin dans l’état présent. Je ne suis pas malheureux : est malheureux celui qui a faim et ne peux se payer l’entrée dans le restaurant évoqué plus haut. Mais moi, n’ayant pas faim, je ne suis en proie à aucune peine. Je regrette simplement de n’avoir pas besoin de ces choses que la vie m’offre, car je sais qu’elles pourraient être une source de plaisir si simplement j’éprouvais pour elles un désir. Aussi, oui, je regrette de rejeter l’amour, pour ce qu’il contient de bonheur que je n’éprouverai pas. Ce n’est pas un regret amer, cependant. Il se résume à un haussement d’épaule. « Désolé, en d’autres circonstances, j’eus été le plus heureux des hommes d’accepter, mais désormais, cela ne répond plus à aucun désir de ma part. » Voilà un peu mon état. Je ne suis pas malheureux, puisque rien ne me manque. Je n’envie pas ceux qui aiment, je suis heureux d’une autre manière. Je ne me plains donc nullement, loin de là. Je suis mieux avec un amour qui ne me sert à rien que je l’étais sans amour lorsqu’il m’aurait été utile. Mieux même que si j’avais dans mes mains cet amour qui me manquait alors, et dont aujourd’hui je ne saurais pas quoi faire. J’essaie de me souvenir de mes rêves amoureux, et comme j’aimais le moment où les lumières du cinéma se rallumaient, moment où l’on a un pied dans le réel et l’autre encore dans l’imaginaire, et qui donne aux baisers une saveur si particulière. Mais pour apprécier la saveur d’un met, il faut avoir faim. La gourmandise n’existe pas, en amour. On ne peut pas aimer si le coeur n’est pas vide. On s’ennuie, et les baisers ont le goût de ce chocolat qu’on engloutit carreau après carreau les week-ends gris où l’on s’ennuie. Le goût fade d’une chose qui pourrait être agréable si simplement on ne mangeait pas simplement pour passer le temps, si simplement on avait un peu faim. Voilà mon état par rapport à l’amour. Il ne me déplaît pas. Il fut un temps où je croyais que chaque fille que j’apercevais dans la rue était une promesse d’amour, où j’étais malheureux de ce manque terrible, de ce désir incontrôlable d’aimer, encore et encore, comme une solution à la vie. Je ne regarde même plus les jolies filles dans la rue, je ne vois plus en elles que des gens qui passent parmi d’autres. Je suis heureux quand il y a un peu de vent, quand j’ai le temps de m’asseoir sur un banc, de m’immobiliser au milieu du flot des passants, n’appartenant pas à leur monde, étranger à leurs désirs. Je souris lorsque je croise des amoureux ; je suis heureux pour eux, heureux qu’ils aient faim et de quoi se nourrir. A moi qui n’ai pas faim, toute nourriture serait un gaspillage. Raisons à mon évolution J’aimerais savoir comment un garçon qui passait ses week-ends dans la rue, accrochant ses yeux à chaque chevelure, priant pour que l’une d’elles m’offre sa douceur ne serait-ce que le temps d’un regard, a pu devenir un garçon sur lequel ces regards tant convoités autrefois n’ont plus le moindre effet. Je suis passé d’un extrême à l’autre, ce qui est sans doute bien moins surprenant qu’il n’y paraît : il est fréquent de basculer d’un extrême à un autre. Après avoir été l’homme qui tombait amoureux vingt fois par jour, pour qui la vie n’était au final que la recherche de l’être aimé, me voilà devenu l’homme pour qui l’amour n’est plus qu’une antiquité au musée de mes souvenirs. Comme si l’amour, au final, n’avait été qu’une de ces choses qui ont un rôle à jouer dans un temps de la vie, mais doivent quitter la scène lorsqu’elles ont joué ce rôle. Un mot dans la liste des choses qu’on veut faire dans sa vie, et qu’on raie de son calepin une fois qu’on l’a terminé. Et si les gens autour de moi passent leur temps à répéter les histoires d’amour, j’ose croire que c’est parce qu’ils ne l’ont pas encore trouvé. Moi, je l’ai trouvé, je l’ai vécu, et je le laisse derrière moi avec les autres étapes de mon parcours. Que l’on me compare à un puceau qui, ayant perdu son pucelage, tire un trait sur le chapitre « Sexe ». On me dira peut-être fou, à cause de ce que je perds, ou chanceux à cause de ce que je gagne. Il y a peut-être deux types de vies : celles où l’on tourne en rond, et celles où l’on avance. Les deux sont également bonnes, car l’important est de se maintenir en mouvement. Ensuite, il y a des gens qui préfèrent avancer selon un itinéraire en boucle, repasser mille fois par les mêmes endroits, parce qu’ils les aiment, les trouvent agréable, ont sans cesse envie d’y revenir. Et puis il y a des gens qui préfèrent avancer selon un itinéraire tout droit, sans repasser deux fois par le même endroit, avec pour objectif de voir le maximum de paysages possibles. Je suis peut-être simplement de ceux-là ; le souvenir que j’ai d’un endroit me suffit, je n’ai pas besoin d’y remettre les pieds, je préfère aller voir à quoi cela ressemble toujours un peu plus loin. Peut-être aussi que j’ai connu l’amour d’une façon curieuse, non pas comme une source qui abreuve sur le moment mais à laquelle il faut constamment revenir puisque la soif renaît sans cesse, mais bien comme une source qui abreuve une fois pour toute, à l’image par exemple d’un savoir qu’on acquiert une fois pour toute (comme apprendre à faire du vélo ou à nager). J’ai aimé, en effet, j’ai aimé comme j’ose croire peu de gens ont jamais aimé autrement qu’en rêve. D’une part à cause de la façon dont j’aime, que je ne pense pas être la norme (je pense avoir tout à fait le genre de coeur qu’ont les types capables de se flinguer pour une fille — heureusement que la nature m’a donné avec un surplus de raison suffisant pour m’éviter de faire ce genre d’erreurs, sans quoi j’aurais probablement été rejoindre certains de mes malheureux ancêtres au cimetière de ceux que le coeur a consumés de l’intérieur), et d’autre part parce que quand bien même on a tendance à la surchauffe amoureuse, il faut encore pouvoir la vivre, c’est-à-dire rencontrer une personne aussi cinglée que nous en amour, et par ailleurs complémentaire sans quoi tout cela ne peut pas durer bien longtemps. J’ai eu cette chance, et je la crois d’autant plus rare que j’ai un peu parcouru le monde maintenant, et que je n’ai jamais retrouvé d’histoires, ni dans mon cas ni dans ceux des autres, qui fut aussi poussée que celle que j’ai connue (ce qui n’est pas un mal, au fond, car il faut bien un minimum de stabilité dans ce monde pour qu’il reste debout). J’ai vécu mon rêve d’amour, je l’ai vécu pleinement avec celle que la vie a mis sur mon chemin, parce que ma folie d’aimer trouvait un écho dans la sienne. Et bien voilà, j’ai connu l’amour, le grand, celui qui fait passer les images du passage des tornades sur la Floride pour des maquettes en papier renversées au sèche-cheveux. J’ai connu toutes ces choses ; il ne m’aura manqué que d’être père (la suite logique des choses si je n’avais retiré mes cartes du jeu « à temps » — je m’interroge encore sur les raisons de mon acte, et Dieu sait qu’il signifiait bien plus que simplement jeter une petite amie). Me voilà donc, avec ma vie qui ne repasse pas par les mêmes endroits, et cet amour qui m’est inutile. Je changerai peut-être d’avis un jour, même si j’en doute. On me répondra que j’ai pourtant aimé Chiara, que j’ai été malade de la perdre. C’est exact, je l’ai aimée, et je regrette qu’il n’y ait qu’un mot pour désigner les sentiments que j’ai pu éprouver pour elles et ceux que j’ai pu éprouver pour Ch., tant ils sont incomparables. J’aimais Chiara d’une manière toute différente de celle dont j’aimais Ch. Ch. était pour moi une amie, avant d’être une compagne ; Chiara n’a jamais été une amie, c’est une fille que je n’ai jamais comprise, qui ne m’a jamais compris non plus. Il y a toujours eu entre elle et moi un mur d’incompréhension. Cela n’empêche pas d’aimer, mais cela empêche d’aimer durablement. Je suis content que notre histoire ait été forcée de se terminer, cela lui a donné un côté tragique, sauvant le peu de romantisme qu’il avait pu y avoir. Dés la première nuit passée avec elle, j’ai bien vu qu’il n’y aurait jamais rien de durable. Nous étions trop différents. La sécurité de savoir que cela ne marcherait pas, augmentée par le fait qu’il nous faudrait de toute façon mettre un terme à tout cela pour des raisons géographiques, était suffisante pour que je me jette corps et âme dans cette histoire. J’aurais du mal à expliquer comment on peut se laisser aller à aimer une fille lorsqu’on sait que la relation ne durera pas, et pourquoi cela est justement une raison suffisante. Je crois qu’il y a chez certaines personnes une sorte de besoin de vivre des choses théâtrales, des amours déchirantes, et rien ne s’y prêt mieux qu’un amour mort d’avance avec une fille qui nous est aussi proche qu’une vénusienne. On peut alors jouer le jeu de l’amour malheureux, qui n’est pas sans un certain charme, même s’il est douloureux, voire dangereux si on pousse la représentation un peu trop loin. Je me souviens de la première impression que Chiara m’avais faite le jour de son arrivée dans le département. Je l’avais trouvé « jolie mais un peu légère ». Si on m’avait dit qu’il y aurait entre cette fille et moi la moindre chose, j’aurais ri. Elle était trop jolie pour ne pas le savoir (et elle le savait), et j’étais moi trop prudent pour m’intéresser à une fille qui ne m’attirerait que des ennuis : soit en me tournant la tête, ce qui avec ma timidité m’aurait conduit à souffrir en silence, soit à m’encombrer d’une fille qui n’était définitivement pas « mon type » (et quand je qu’une fille n’est pas mon type, je ne dis pas qu’elle ne m’attire pas, mais que sa personnalité telle que je la ressens ne pourrait pas coller avec la mienne). Je crois cependant que cette histoire, peut-être masochiste, peut-être idiote au départ, m’a permis de tirer beaucoup de leçon, et achevé un processus débuté plus tôt en Angleterre, et qui est probablement la raison majeure de ma distance à l’amour : la démystification de l’alter féminin. Depuis que mon coeur a compris que les filles ne grandissaient pas tout à fait de la même manière que les garçons, qu’il leur poussait des rondeurs et des comportements que nous n’avions pas, et jusqu’à mon année en Angleterre, je n’ai pu mettre derrière le mot « femme » que ce que mon esprit fertile pouvait en imaginer. Ce produit de mon imagination était comme on l’imagine totalement exagéré, sorte de figure majestueuse et vénérable d’une altérité qui m’échappait totalement. La femme était pour moi rien de moins que Dieu sur Terre, Vénus sortie de sa coquille Saint-Jacques, l’Amie, la Mère, enfin tout un mélange d’abstractions quasi religieuses devant lesquelles je me prosternais à genoux. Et parce que mes déesses imaginaires étaient inévitablement belles, je faisais de la beauté le gage même de la divinité. Plus une fille était jolie, plus l’amour qu’elle était en mesure d’offrir était grand. Assomption naïve (et très erronée), je le reconnais, mais qui a la vie dure chez un grand nombre de garçons (pour ne pas dire la plupart). Je ne ferai pas ici un exposé sur la manière (enfin, telle que je la perçois dans mon cas particulier) dont l’élément sexuel se mélange à l’élément imaginaire pour façonner l’amour masculin, ce n’est pas mon sujet du jour. Mais je tâcherai d’y revenir dans un autre article, pourquoi pas. Ainsi, donc, pour en revenir à nos moutons, j’en étais au stade où je déifiais la femme, cette entité magnifique type Arwen, en robe blanche sous laquelle on a planqué un projecteur, avec ventilateur de face et chants grégoriens runiques. Il ne s’écoulait jamais plus d’un mois sans que je ne tombe amoureux. Et alors, cet amour me durait en général le restant de l’année, à moins que je ne l’aie troqué en route pour un autre encore plus intéressant, et tout aussi irréalisable. Car on aura compris qu’avec l’image de la femme que j’avais, il m’était impossible de me mettre sur un pied d’égalité. J’étais le mortel face à l’immortelle, l’imparfait face à la perfection, l’homme face à la déesse. Mes relations aux femmes étaient donc aussi abstraites que celles du prêtre à son Dieu. Je tombais constamment amoureux, puis j’étais malheureux de ne jamais oser l’avouer, espérant que la déesse condescendrait à m’envoyer sa grâce. Ce rempart était tout entier psychique. J’ignore si c’est d’avoir placé la femme sur un piédestal qui m’empêchait de trouver toute assurance pour aller vers elle, ou si c’est au contraire mon manque d’assurance qui me fit la placer sur un piédestral. Je suppose que les deux ont joué, s’alimentant de surcroît l’un l’autre. Toujours est-il que je tombais amoureux aussi facilement qu’il m’était ensuite difficile de l’avouer. Je cherchais constamment un indice, je voulais voir dans un sourire, un regard, la certitude qu’elle aussi m’aimait sans oser l’avouer, mais à peine convaincu, voilà qu’elle souriait à un autre, me replongeant dans mes doutes. Chaque soir, je me convainquais que demain serait le grand jour, que je prendrais mon courage (quel courage ? Maman, t’as lavé mon courage ? Non, le bleu. Ah zut, j’en ai besoin pour demain, j’ai un match !) à deux mains, puis le jour venu, je m’autorisais un jour de plus, pour être encore plus sûr, c’est-à-dire en fait encore un peu mois qu’elle m’aimait mais si mais non mais si. Mais non. Ce qui fait qu’au final, je ne faisais rien du tout. Tantôt la belle s’éprenait de quelque grande brute en blouson cuir (et alors, moi aussi j’ai un cartable tout en cuir), ou bien je cédais, je finissais par envoyer une lettre, j’avais une réponse niaise qui me disait que « c’est gentil de m’écrire, tu peux m’écrire encore, ça me fait plaisir » avec juste avant la signature un « gros bisous », de ces bisous qu’on achète par boîte de 850 au rayon maquillage et Labello goût pomme à paillettes, qui ne valent pas un clou, et que les filles prennent toujours un malin plaisir à semer à tout va. Je note d’ailleurs que cela ne change pas avec l’âge : les filles continuent à terminer lettres et messages par ces mêmes « bisous » dont je me suis toujours demandé si leur auteur s’imaginait vraiment en train de m’embrasser lorsqu’elle écrivait ça. J’ai toujours trouvé dans ces bisous un je ne sais quoi de cruel, façon féminine : cruauté qui le plus souvent s’ignore (et qui au fond naît peut-être toute entière dans la tête de celui qui veut voir dans un bisou autre chose que n’importe quoi d’autre qu’un bisou — c’est-à-dire justement un bisou). Sans parler du fait que je suis encore toujours aussi embarrassé (mais pas embrassé pour autant) pour répondre à cela. C’est vrai, que répondre à un « bisous » ? La même chose ? Non, ça fait garçon-coiffeur. « Grosse poignée de main » ? Là ça fait garçon camionneur. « Moi aussi je t’embrasse follement partout », en prenant le risque d’une mauvaise interprétation ? « Grosses bises à toi aussi », version je-réponds-à-la-carte-de-ma-mamie ? Les jeunes filles n’ont pas idée à quel point ces bisous peuvent troubler l’épistolaire en herbe. Mais qu’importe, je m’égare une fois de plus. Tout ça pour en revenir à la dure réalité : mes amours finissaient toujours dans des lettres où j’aurais aimé les voir commencer. Et pourtant, et pourtant, un jour de décembre où j’étais coincé dans un chalet enneigé au milieu de plus rien du tout, j’écrivis une lettre à une ancienne connaissance après deux ans de silence, parce que j’en pinçais pour elle. Cette ancienne connaissance s’appelait Ch. et n’aurais-je pas écrit cette lettre, j’aurais fait la plus grosse erreur de toute ma vie (et je mesure mes mots, car il y a des choses qui n’arrivent qu’une fois, et si on les saisit au bon moment, en particulier le fait qu’on n’aime plus à vingt ans comme on aurait pu aimer à quinze), car elle allait déboucher sur l’histoire que l’on sait. Je n’ai pas cessé d’écrire des lettres pour déclarer ma flamme. La dernière remonte à quelques mois (Chiara), la précédente fut écrite à une anglaise croisée plusieurs fois à des soirées de la fac, une très jolie fille avec laquelle j’eus la chance de parler 10 minutes (parce que Fred me poussa dans ses pattes, comme quoi il faut se méfier même de ses meilleurs amis — surtout de ses meilleurs amis, quand ils se mettent en tête de nous aider ;)) devant un baffle de quelques millions de watts. J’appris malgré la sono qu’elle jouait du Saxophone, aimait particulièrement son petit frère, qu’il fallait prendre soin des petits frère, et qu’elle était en deuxième année de psycho. Je n’ai jamais compris ce que cette fille voulait. Nous avions accroché à une soirée où dans la folie de la nuit, sa bande et la mienne s’étaient retrouvées mélangées sur le dance floor, et toute la semaine qui suivit (semaine d’intégration) j’eus droit à sourire sur sourire, coucous de la main, messes basses et regards curieux des copines, et à la dernière soirée où je la vis, elle me montra même du doigt... à son petit ami ! J’écrivis malgré tout à cette fille plusieurs lettres qui je n’ai jamais envoyées. Je me souviens d’une anecdote : un pote français venu nous voir là-bas et quelques potes l’avaient croisée en boîte. Le pote s’était arrangé pour se faire prendre en photo bras-dessus bras-dessous, et m’avait fait parvenir la photo. Ma jalousie m’avait foutu en boule ; on aurait frisé l’incident si la discussion ne s’était faite sur MSN. Je finis par oublier l’affaire, et quelques mois plus tard, tombai dans le journal de la fac, rubrique « photos de soirées » sur une photo d’elle embrassant une copine. J’eus le sentiment qu’il est des choses que même la plus forte volonté de comprendre ne peut parvenir à saisir vraiment. Et qu’il vaut mieux alors les mettre de côté et passer à la suite. Le processus de démystification était alors déjà bien lancé. Je crois que je dois à mon année en Angleterre une bonne partie de ma distance face à l’amour aujourd’hui. Je dois avouer que les anglaises ont des moeurs, disons, plutôt débridées. Je ne ferai pas ici une description détaillée des soirées étudiantes anglaises. J’ai déjà dû plus ou moins le faire du temps que j’étais là bas. Disons simplement que les filles de là bas (du moins celles qu’on croise dans les boîtes) ont une curieuse tendance à en montrer le plus possible, que la consommation d’alcool ne fait rien pour arranger. Curieusement, tout cela ne m’a pas choqué. Je veux dire par là que je fus surpris, mais pas ennuyé par leurs comportements déplacés. D’une part parce que ce n’est pour une grande majorité des filles que de la poudre aux yeux (il y a toujours un fossé entre l’allumage et le passage à l’acte que même en Angleterre on ne franchit pas si facilement que ça), ensuite parce que je dois aux anglaises de m’avoir considérablement déniaisé. En faisant tomber la femme de son piédestal, c’est un immense service qu’elles m’ont rendu. Je partais pour l’Angleterre avec des rêves fous de grand romantique, j’en revenais avec plus de rêves du tout. Je ne dirai plus jamais que la femme est une déesse. La femme est loin d’être ce que je pensais qu’elle est. Bien sûr, je n’assimile pas toutes les femmes à une poignées d’étudiantes un peu folles de leur liberté nouvelle et de leurs jeunes hormones. Mais l’impact fut suffisant à mon échelle pour que je ne vois plus dans la femme ce que j’y voyais autrefois. Il y a de toute évidence un lien entre sexualité, image de la femme, et conception de l’amour, et je pense que l’impact a profondément modifié plusieurs de ces choses-là chez moi. En pouvant désormais mettre des images derrière les mots qui ne soient pas issues de mon imagination, mais bien de la réalité, les choses ont perdu beaucoup de leur côté magnifique pour en devenir des faits terrestres, humains, palpables (si j’ose dire). Il me faudra donc poursuivre cette discussion et aborder la question de l’amour au masculin, que j’évoquais plus haut, et voir de quelle manière l’expérience de l’année dernière a modifié tout cela. Mais ce sera l’occasion d’un autre article ; je tombe de sommeil. Good night, lads. [A suivre...] Ecrit par Barjac, le Mercredi 18 Février 2004, 11:19.
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