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Compléments divers.
[ En réponse au commentaire de Songe au post précédent. ]

Origines de ma réflexion et réflexions sur la science
Songe soulève la question du « piège de la réthorique ». Avant répondre à cette question, je voudrais aborder quelques notions sur la réflexion, qui j’espère permettront d’éclairer mon point de vue. Les réflexions que je mène ont en général pour moteur la curiosité, l’envie de comprendre. Elles se basent sur l’étude de l’être humain, ou tout au moins sur celle de l’être humain que je suis. Appelons cela une introspection, puisque l’observateur et le sujet observé ne font qu’un.
La première question que l’on pourrait me poser est : pourquoi cette réflexion ? Et dans le mot « pourquoi », il faut distinguer les deux sens : cause, origine (qu’est-ce qui me pousse à réfléchir de la sorte) et but, objectif recherché (quelle destination j’essaie d’atteindre). La cause est, je l’ai dit, le besoin de comprendre l’homme que je suis. De tous temps, l’homme s’est trouvé face à des événements qu’il a eu à coeur de comprendre. Observant que le soleil se lève le matin et se couche le soir, l’homme s’est lancée dans l’astronomie ; observant qu’une pierre lancée à la main décrit une parabole, l’homme s’est lancée dans la mécanique ; réalisant qu’une tige de bois plongée dans l’eau apparaît brisée, l’homme s’est lancée dans l’optique, etc. Toujours, partant de l’observation de faits, d’une réalité perçue par ses sens, l’homme en a cherché les causes. Et pour cela, il a mis au point des théories, qui sont des modèles simplifiés du réel, sur lesquels son intellect peut s’exercer.

On pourrait déterminer deux raisons d’être au désir de l’homme de comprendre l’environnement qui l’entoure. La première serait un simple désir de connaissance, pour le plaisir qu’elle apporte, en remplissant des vides, comblant des lacunes, mettant l’homme au dessus de l’animal qui subit son environnement sans le comprendre. La seconde raison, qui fut probablement la première historiquement, était le besoin de domestiquer le monde, d’apprivoiser l’environnement pour inverser les rôles : de l’animal esclave de son environnement, devenir le maître qui plie celui-ci à sa volonté. Le besoin de ne plus dépendre de la générosité de Dame Nature pour se nourrir a poussé l’homme à développer l’agriculture ; les limitations de la force, des capacités humaines, ont conduit à l’introduction des outils, etc.

Rapidement, avec l’introduction de la propriété, de l’échange, la nécessité de compter s’est faite connaître : savoir combien mon troupeau compte de têtes, savoir additionner et soustraire des valeurs comerciales... Cela a sans doute compté pour beaucoup dans le développement des mathématiques, dont la conséquence directe est l’abstraction. L’homme n’a pas besoin d’avoir son troupeau sous les yeux pour savoir qu’en retirant N têtes parmi du total T, il lui en restera T-N. Il lui suffit de son esprit, et d’un support : objets de taille et de valeurs différentes représentant 10, 100, 1000 unités. A partir du moment où l’homme a compris qu’il n’avait pas besoin de mettre physiquement N moutons à l’écart puis de reconter le reste pour trouver la solution, mais que des règles de calcul lui permettaient de trouver le résultat sans sortir de chez lui, la puissance de l’abstraction, de la théorie, s’imposait à ses yeux.

La « science », éthymologiquement « savoir », était née. Initialement très liée à la réalité, pour des raisons pratique, elle s’est petit à petit éloignée de celle-ci. L’exemple des mathématiques illustre bien ce propos. Initialement dédiées à nous aider dans des problèmes très concrets, les mathématiques sont rapidement devenues un monde à part entière. On a construit quelques théories assez basiques (règles de calcul, géométrie) pour ensuite bâtir sur celles-ci des couches successives de théories de plus en plus complexes, au point que certaines aujourd’hui peuvent nous sembler totalement détachées du réel, dépourvu d’implication pratique, si on les considère seules, sans toute la réflexion qui y mena, parfois étalée sur des milliers d’années. Et pourtant, j’ai tendance à penser que mêmes les nouvelles théories mathématiques naissent des besoins que nous avons, qu’elles ne restent que des outils servant d’autres sciences plus concrètes, mais qui elles aussi se sont considérablement compliquées. Le calcul différentiel aurait semblé totalement inutile aux grecs, dont la vie ne comprenait peut-être aucune application réelle de celles-ci. Ce n’est pas un hasard si ces théories se sont développées au même moment que la physique abordait l’électricité. On a développé les outils nécessaires aux théories nouvelles. Mais il est certain, que plus on progresse, plus le niveau d’abstraction dans un domaine augmente. Le réel, aujourd’hui, a cessé de se limiter à l’observable. Qu’il s’agisse de l’étude de l’univers, ou de celles de la microélectronique, nous agissons sur des choses que nos seuls sens ne nous permettent pas d’appréhender. Nous avons donc besoin de mettre, entre ces choses qui échappent à notre perception et notre intellect, des théories. L’energie nucléaire est un de ces exemples. La fission de l’atome n’est pas née de l’observation. Elle est née de la théorie. L’électricité elle-même est née de la théorie. On pouvait observer la foudre, l’électricité statique, mais pas mesurer les « particules » qui se déplaçaient, créant le courant (particules elles-même théoriques).

Notre éducation nous permet, par l’assimilation progressive des savoirs, de retracer le chemin qui a mené aux sciences actuelles. Il est certain que, si l’on considère l’état actuel du savoir sans connaître les étapes intérmédiaires, il nous apparaît comme une totale abstraction, et bien que les centrales nucléaires nous prouvent que la physique nucléaire offre de l’atome une représentation suffisamment exacte pour qu’on puisse obtenir les résultats attendus, nous sommes forcés de reconnaître que cela nous semble malgré tout un peu « magique ».

Chercher est un plaisir
La quantité de savoir que possède notre monde fait qu’il y a suffisamment de choses à apprendre pour ne rien faire d’autre que cela. A partir de là, la science est un monde où l’esprit en quête de connaissance se promène, découvre, apprécie d’augmenter son savoir sans autre but que le plaisir qu’il en retire. Si la recherche, quelle qu’elle soit, ne générait pas en elle-même un certain plaisir, je doute que le progrès ait connu de tels avancement. Le chercheur est un individu dont l’intérêt premier n’est pas de trouver, mais comme son nom l’indique, de chercher. Il est certain, pour ma part, que je ne passerais pas tant de temps à me poser toutes ces questions si cela ne m’apportait aucun plaisir plaisir.

Trouver est un accident
L’histoire scientifique regorge de découvertes qui furent en réalité des accidents. Pasteur découvrit la pénicilline parce qu’il laissa involontairement moisir certaines préparations. La radioactivité fut découverte (par les Curie ?) parce qu’un morceau de métal radioactif laissé à proximité de papier photographique imprima celui-ci. Il ne faut pas croire que celui qui cherche sait ce qu’il va trouver. Le plus souvent, il l’ignore. Il est tel un explorateur qui avance au hasard en terrain inconnu. Il serait bien incapable de dire si dans cent mètres il va déboucher sur une clairière, ou un fleuve, ou une ville peupée d’autochtones. Il avance, mais sans connaître ce qui l’attend.

Ma méthode
Ma méthode n’est pas différente de la méthode scientifique. J’observe des faits, une réalité, et j’essaie d’en mettre à jour les rouages. Bien souvent, une grande partie de ceux-ci m’échappent ; j’établis alors des théories, à partir de ce que je sais, et je les étends à ce que j’ignore. Tant que l’expérience confirme la théorie, celle-ci est valide. Sitôt qu’un élément l’infirme, elle est à revoir. Il n’y a pas de vérité en sciences. Il n’y a que des théories, qui sont justes tant qu’aucune expérience ou autre théorie toute aussi juste ne vient les contredire. De même, ce que je dis sur l’amour n’est pas « la vérité », mais simplement une théorie, que je considère valide tant que nul ne me rapporte un fait ou une autre théorie qui va à l’encontre de ce que je dis.

D’autre part, comme tout chercheur, j’ignore ce que je vais trouver. Et cela répondra à une de tes questions, Songe : jamais, à aucun moment, je n’ai connaissance de ce sur quoi je vais tomber. Je me contente d’appliquer des règles le plus souvent logiques, à partir des choses que je perçois, pour faire avancer ma réflexion. Je n’ai jamais cherché à démontrer que l’amour était une illusion. Celui qui fixe le but et essaie ensuite de trouver une façon de le justifier fait preuve de mauvaise foi ; il trouve avant de chercher. Je ne pense pas agir ainsi. Je ne tairai pas que je ne porte pas le sentiment amour dans mon coeur. Mais, ce n’est pas parce que la figure du cercle m’est détestable que je ne peux pas pour autant résoudre un problème de géométrie à propos du cercle. Que j’aime ou non le cercle, puisque je suis contraint de me plier aux règles de la géométrie pour résoudre mon problème, il est facile de valider ou non mon raisonnement. Ce qui fait la validité d’un raisonnement, c’est la démarche. Si mon résultat est valide, cela n’a rien à voir avec le fait que j’ai une dent contre l’amour. Il est valide parce que j’y applique des règles valides, avec rigueur ; il est invalide si je dévie, que je transgresse ces règles. J’offre mes réflexions à la lecture de tous ceux qui veulent s’y arrêter, et donc le moyen de les invalider.

J’avoue aussi que j’ai pu exposer cette théorie de l’amour de manière très informelle, sans démontrer chaque chose, clairement, ce qui ne rend pas sa compréhension, ni son invalidation, très aisées. Je l’écrirai plus soigneusement lorsque je l’aurai mieux dégrossie, promis.

La subjectivité du sentiment
Il est une différence fondamentale entre les mathématiques, la physique, et l’étude de l’homme, qui tient en ce mot : subjectivité. En effet, mathématiques et physique sont d’une part indépendantes de la volonté de l’homme (l’homme aurait beau vouloir que l’objet lâché monte, il n’en restera pas moins qu’il descendra), d’autre part mesurables par n’importe quel physicien. Les sentiments humains, à l’inverse, sont liés à la personne qui les éprouve : d’une part, elle peut agir sur eux (au moins dans une certaine mesure), d’autre part, elle n’est mesurable que par le sujet concerné. L’amour dont je parle ne sera jamais que l’amour tel que je le ressens. Je ne pourrai jamais prétendre que votre définition de l’amour est identique à la mienne. En réalité, il y a autant de définitions de l’amour qu’il n’y a de personnes aimantes. Car à la différence du fait qu’un objet lâché chute, fait que plusieurs hommes peuvent observer simultanément, l’amour n’est jamais ressenti que par une seule personne à la fois. Personne ne peux ressentir l’amour de son voisin.

Toutefois, le fait que l’on soit capable de parler d’amour, en se comprenant, prouve bien qu’il existe dans ce sentiment une base générale commune à ceux qui en parlent. Le fait qu’une histoire d’amour nous émeuve de manière relativement similaire est une autre preuve que nous avons de l’amour des conceptions qui se chevauchent.

Certainement, lorsque j’écris « amour », je mets dans le mot ma définition de la chose. Mais lorsque vous, vous lisez ce mot, ce n’est pas cette définition là que vous appliquez, mais bien la vôtre. Elle en est proche, c’est certain, sans y être totalement identique. Cela pourrait être une source de malentendu, mais comme je l’ai dit quelques lignes plus haut, nous avons suffisamment de preuves que nos définitions de l’amour sont proches pour ne pas sombrer dans le scepticisme absolu et dire : nos définitions ne pouvant être égales, aucune discussion n’est possible. Nous savons très bien que la discussion est possible, mais qu’elle ne concerne que la partie commune de notre définition de l’amour.

Le problème, avec la subjectivité du sentiment, n’est pas tellement que les définitions risquent de diverger. C’est surtout que l’on ne puisse pas mesurer réellement la chose dont on nous parle. Lorsque je parle d’amour, vous me répondez en faisant l’hypothèse que votre amour est similaire au mien. Vous n’avez hélas pas les moyens de mesurer réellement le mien, d’y brancher vos sens, afin de ressentir les choses exactement telles que je les ressens. Cela implique donc que la validité d’un raisonnement sur le sentiment est très liée à la bonne foi de celui qui l’étudie. Lorsque je dis l’amour est ceci, l’amour est cela, personne ne peut vérifier que mes mots correspondent véritablement à mon ressenti. Il y a donc nécessairement une question de confiance. N’importe qui pourrait me reprocher de mentir, je ne pourrais ni prouver que j’ai raison, ni lui prouver qu’il n’a pas tort. Je n’ai pas le moyen d’étaler mes sentiments au regard d’autrui ; il doit donc me faire confiance, et croire que lorsque je dis blanc, c’est blanc que je ressens, pas noir.

Le piège réthorique
Cependant, je n’ai toujours pas répondu à ta première question, Songe. Me serais-je fourvoyé dans un piège réthorique ? Autrement dit, si j’ai bien saisi ta pensée, n’aurais-je pas fini par substituer ma pensée au sentiment que j’étudiais ? J’ai dû, pour pouvoir travailler sur le sentiment, commencer par l’enfermer dans des mots. Ce que tu me demandes, c’est si mon travail ne se serait pas fait avant tout sur ces mots, et non sur le sentiment lui-même. A vrai dire, je pense qu’il y a là une contrainte de la science. Toute la physique travaille sur des modèles, des représentations du réel. L’atome est une abstraction, l’électron en est une autre, les forces elles-mêmes sont une abstraction. L’homme ne peut travailler directement sur le fait lui-même. Qui saurait additionner deux sentiments, multiplier un troupeaux par deux ? Nous travaillons systématiquement sur des représentations du réel. L’addition n’existe pas en elle-même ; elle n’est qu’une façon de représenter le fait que, lorsque j’achète un mouton à mon voisin, il y a ensuite un mouton de plus dans mon enclos. Sitôt que je possède beaucoup de moutons, je ne peux pas mesurer réellement l’augmentation de mon troupeau ; je ne connais pas chaque tête de bétail individuellement. J’ai besoin des chiffres pour mesurer que ma propriété a augmenté. De même, pour étudier le sentiment, je suis bien forcé de mettre entre lui et ma réflexion une représentation qui me permette de le travailler. Je ne peux pas tripoter l’amour comme cela. Je ne peux pas même l’éprouver sur commande. Je suis donc forcé de passer par une représentation du sentiment, constante, tirée de mon vécu, et de travailler sur celle-ci.

La réflexion comme substitut au vécu ?
Je comprends ta mise en garde, Songe. Tu penses que l’amour est fait pour être vécu, non pour être disséqué dans le laboratoire de mes pensées. Mais irait-on reprocher à un physicien de couvrir le tableau de calcul pour découvrir la trajectoire d’une chute libre, plutôt que d’aller prendre un caillou et de le lâcher ? Cela n’aurait pas vraiment de sens. Le but du physicien est de modéliser, de comprendre, pas de ressentir la chute libre. Il la connaît, il en a fait l’expérience plusieurs fois. Maintenant, il décide de l’étudier. C’est une activité totalement différente. Il ne faut pas opposer le vécu et la réflexion. Etudier quelque chose et le vivre sont deux choses totalement différentes, et qui ne s’opposent pas. Pourquoi me reprocherait-on de réfléchir sur un sujet plutôt que de le vivre ? C’est là une chose qui mérite réflexion.

Me faut-il croire que ceux qui opposent la réflexion au vécu voient dans la réflexion un refus de vivre ? Et qu’alors, puisque dans leur conception l’amour est soit vécu, soit réfléchi, il est préférable, à choisir, de le vivre plutôt que de perdre son temps à le réfléchir ? Il y a sans doute beaucoup de cela. Mais que je rassure ceux qui me lisent : ma réflexion sur l’amour est un exercice qui n’a rien à voir avec mon vécu amoureux (sinon qu’elle en tire ses observations). « Réfléchir sur l’amour », ce n’est pas « ne pas vivre l’amour ». Autant dire que « calculer la trajectoire d’une chute » pour un physicien c’est « ne pas tomber ». Autrement dit, que le physicien choisit de calculer plutôt que de vivre la chute !

Il se peut, par contre, que ma réflexion ait des implications sur mon vécu. De même que le physicien calcule une trajectoire qui lui permettra de mettre au point ou d’améliorer tel outil de jet, si ma réflexion m’apporte des enseignements valables ou des moyens de perfectionner mon vécu amoureux, je ne manquerai pas d’essayer de les appliquer.

Maintenant, il m’arrive comme dans mon précédent article de pleurer sur ma naïveté perdue, et de regretter que ma réflexion m’ait mené ou elle m’a mené. Mais c’est ainsi. Bien des hommes ont dû pleurer de devoir accepter que la Terre n’était pas le centre de l’univers ; ils n’en ont pas définitivement perdu le bonheur pour autant.

J’aurais de la peine que tu penses que j’utilise ma réflexion pour justifier une impuissance. Je ne dis pas que cela n’est pas le cas, je dis que si cela est, c’est alors un acte inconscient. Je n’ai pas la volonté de détruire l’amour, je n’ai que celle de l’expliquer. Il ne s’agit pas de me prouver que je peux m’en passer, et que j’ai raison, ce qui serait un acte d’impuissance, mais plutôt d’essayer de comprendre ce sentiment qui me cause tant de tracas. J’aimerai encore, de ça au moins je ne doute pas. :)

Des difficultés à analyser l’amour
Il y a une chose qui me frappe, à propos de l’amour, c’est l’attitude que nous avons par rapport à lui. L’homme a cherché à expliquer tout ce qui l’entoure, absolument tout, mais l’amour semble avoir échappé à son besoin de comprendre. On a cherché à expliquer les angoisses, la timidité, l’aggressivité, mais l’amour, curieusement, pas trop. Je pense que cela tient pour beaucoup au fait que l’amour est une chose qui nous apparaît évidente. Depuis le premier cri où l’amour se rencontre sur le sein d’une mère, jusqu’à la jeune fille qu’on embrasse en cachette, puis la femme qu’on épouse, et les enfants qu’elle nous donne, l’amour est là. Il est là du début, à la fin. Il est là comme une évidence.

Hors, il n’y a rien dont je ne méfie plus que l’évidence. Etre évident, cela signifie posséder le provilège d’échapper à notre sens critique. Est évident ce qu’on n’éprouve pas le besoin de réfléchir. L’amour est évident, il me semble aussi familier que l’eau que je bois ou l’air que je respire. Il a toujours été là, il sera toujours là. Plus encore, il est une chose que j’ai tellement envie de vivre que j’en oublie de le réfléchir. Sitôt que je pense « amour », je pense à le vivre, je rêvasse, je murmure : « ah, l’amour »... Je ne me dis pas : « tiens, qu’est-ce que c’est que ce sentiment, par quoi se manifeste-t-il, quelles pourraient en être les causes ». Imaginez qu’un extra-terrestre débarque et vous pose la question : qu’est-ce que l’amour ? Vous verrez qu’il n’est pas si simple de fournir une réponse, et que bien souvent celle-ci est très intuitive.

Notez aussi que l’amour est un des rares sujets sur lequel tout le monde semble d’accord : l’amour est bon, l’amour est souhaitable, ceux qui ne l’ont pas en rêvent, ceux qui l’ont font tout pour le conserver. Le fait qu’il n’y ait pas d’opposition à cette théorie-là me pousse à m’en méfier. Sur toute vérité, les avis divergent. Mais là où tous les avis convergent n’est pas nécessairement la vérité. Pourtant, il est des points sur lesquels l’homme est uni, et qui ne sont pas pour autant discutables. Si je me pose la question : « sur quels éléments l’homme est-il unanimenent d’accord ? », je trouve la réponse suivante : ses besoins. Il n’y aura pas sur terre un seul homme pour nier qu’il rêve d’eau fraîche quand la soif le tiraille, ou qu’un repas lui apparaisse désirable quand il a le ventre vide. (Et je n’irai pas prétendre que justement, il faut douter que la soif et la faim existent. Leur existence m’apparaît indéniable, mais ce sont des mécanismes beaucoup plus simples que l’amour, et qui ne sortent pas de la partie « animale » de l’homme. L’amour, lui, n’est certainement pas une manifestation purement « animale ».) On a donc envie de se demander si l’amour est un besoin, de la même manière que se nourrir ou dormir. Serait-il en réalité une contrainte biologique, à laquelle je ne peux me soustraire ?

Cela pourrait être le cas si mon hypothèse était vérifiée. J’affirme que tout le monde « semble » d’accord sur le fait que l’amour est nécessaire à l’homme. Hors ce n’est pas le cas : moi-même, déjà, je ne partage pas cet avis. Mais, divergeant de l’opinion commune, je suis fasciné par le fait que je n’ai encore rencontré personne qui put mener une réflexion rigoureuse sur l’amour. Je l’ai dit à plusieurs endroits : l’homme est face à l’amour comme un fervent chrétien face à son Dieu. Il croit si fort en lui qu’il ne lui vient pas à l’esprit de se poser certaines questions à son sujet, de rester critique. Je me souviens la réaction d’Abyssia à un post où j’expliquai ma théorie de « l’amour comme illusion ». Quelle ferveur, quel enthousiasme pour me dire que si, si, l’amour existe, qu’il est grand et magnifique ! C’était un témoignage de foi que je n’ai pu qu’admirer. Que ce en quoi l’homme croit existe ou non, sa foi n’en est pas moins belle à mes yeux. Simplement, j’aurais aimé un commentaire cherchant les failles dans ma réflexion. Des réactions qui viennent de la raison, non du coeur.

Il semble, justement, qu’il soit difficile à l’homme de prendre le recul suffisant pour analyser l’amour. Comme je l’ai dit ailleurs, parlez d’amour à un homme, et le voilà qui aime. L’homme a beaucoup de mal à analyser l’amour indépendamment de lui, comme une donnée extérieure. Il a par ailleurs le sentiment qu’il sait ce que l’amour est, de manière certaine. Avant même que d’aimer la première femme de ma vie, je savais déjà comment je l’aimerais. Cela n’est-il pas troublant ? L’amour serait-il une qualité innée, une chose inscrite en nous, serait-il contenu dans ce qu’on appelle l’instinct ? Ce qui est ennuyeux, avec ça, c’est que puisque l’homme pense savoir ce qu’est l’amour, il ne remet pas en question la définition qu’il en a. Il sait. Pour s’interroger, il faut avoir conscience de son ignorance, c’est-à- dire conscience d’un vide qui est déséquilibre, qu’il faut combler. L’amour est un plein. On n’a aucune raison de le réfléchir, puisqu’il nous apparaît pleinement défini, comme une vérité indiscutable.

Faut-il voir dans cela une sorte de protection contre la réflexion ? Rien n’est mieux protégé contre la critique et l’exercice de la raison que ce qui relève de l’évidence. Les premiers hommes voyaient la terre plate, donc elle était plate. Pourquoi réfléchir cela, tant c’était évident ? Certains indices ont pourtant contribué à montrer qu’elle était ronde. Mais peut-être que s’il y a la barrière de l’évidence, c’est que l’amour ne doit pas être trop creusé. Que se passerait-il si l’on découvrait sur l’amour des choses qui venaient à nous en détourner ? Nos désirs, sans doute, suffiraient à assurer la continuité de l’espèce, comme chez les animaux. Mais nos sociétés, dont la famille a toujours été le matériau premier, cimenté par l’amour, en pnrendraient un coup. Cela n’est certainement pas souhaitable. Bon, ce n’est qu’une interprétation, évidemment. Loin de moi de sonner le glas, de prédire l’apocalypse et tout le toutim.

Cela dit, je ne crois pas que l’amour puisse réellement être mis en danger : quand bien même on parviendrait à démontrer à un chrétien que son dieu n’existe pas, je ne pense pas qu’il cesserait d’y croire pour autant. C’est une chose qui relève du ressenti, non du réfléchi. Exactement comme l’amour. Nous le sentons, nous le connaissons depuis notre naissance, et notre réflexion ne pourra jamais nous convaincre qu’il n’existe pas. (Je pourrais même pousser encore un peu : est-ce qu’il faut chercher l’existence de Dieu ailleurs que dans la foi de l’homme ? Autrement dit, Dieu existerait parce que l’homme y croit, et cesserait d’exister le jour où le dernier croyant s’éteindrait. De même pour l’amour.)

Dernière chose pour aujourd’hui : que ceux qui me lisent et se sentent attaqués dans leur conception de l’amour se détrompent. Je ne cherche absolument pas à démontrer que l’amour n’existe pas. Je cherche à le définir, uniquement. Lorsque j’ai pu écrire, de manière provocante il est vrai, que l’amour n’existait pas, j’aurais dû en réalité écrire : l’amour existe, mais la définition que j’en avais n’était pas la bonne. Le sentiment existe, indubitablement. Il ne me faut pas dire « l’amour est une illusion », qui est immédiatement compris comme « l’amour n’existe pas, c’est une fausse croyance, etc. », affirmation monstrueuse, je vous l’accorde. Il me faut en réalité dire : « il existe chez l’homme un sentiment curieux, qui fait se rapprocher deux êtres, qui les attache durablement, au point de donner plus de valeur à la vie de l’autre qu’à la leur, un sentiment dont les mécanismes reposent pour beaucoup sur l’imagination, l’idéalisation, et qui s’appelle amour ». Je ne veux pas démontrer que l’amour n’existe pas, je le répète. Je veux chercher ce qu’il est, de quoi il se compose, comment il se crée, se développe, et meurt. J’ai peut-être raison quand j’affirme que ce qui me rapproche d’une fille que je ne connais pas, ou peu, est tout entier contenu en moi, que c’est mon imagination, ma conception de l’amour que je projette sur elle. Et après ? Cela gâche-t-il le sentiment ? Cela le rend-il moins « vrai » ? La valeur de l’amour ne tient pas dans l’authenticité de ses mécanismes, elle tient dans les conséquences qu’il a sur l’homme. Que j’aime une fille parce que je projette sur sa personne un idéal qui n’existe que dans ma tête, cela n’a pas d’importance. C’est quand même elle que j’embrasse, c’est quand même son bonheur que je cherche, non ?

Je conçois que cela met entre deux individus une certaine distance. Ce n’est pas « toi » que j’aime, c’est « mon idéal dont tu n’es que le support ». De quoi en fâcher plus d’une... Et après ? Je suis heureux de pouvoir serrer cette fille dans mes bras, de vénérer mon idéal à travers elle. Et elle est semblablement heureuse de vénérer le sien à travers moi. C’est un échange de bons procédés : « j’accepte d’être ton support puisque tu acceptes d’être le mien. J’aime mon idéal à travers toi, et tu aimes le tien à travers moi. » Tout est une question de point de vue. Certains préféreront dire qu’on aime l’autre, moi je préfère dire qu’on aime une partie de soi à travers l’autre. Mais ce sont les mêmes sentiments, les mêmes émotions, les mêmes gestes et les mêmes pensées que nous désignons par des théories différentes. Je n’empêcherai personne d’adapter mon point de vue pour dire que d’une certaine manière, nous ne sommes que la matière conductrice entre deux idéaux qui s’aiment. Tout ça n’est au fond qu’une question de forme.

(Et j’arrête là, parce que j’ai un doigt que je n’arrive plus à plier. Il est temps de me pencher sur les mécanismes de la crampe du médium. Comme toujours, un grand merci à ceux qui auront lu jusque au bout, ainsi qu’à ceux qui prendront le temps de me commenter :))

Ecrit par Barjac, le Lundi 22 Mars 2004, 16:54.
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Commentaires
Le 28/03/04 à 16:58

J'ai fait la lecture attentive de ta réponse fort intéressante et qui m'a interpellée sur plusieurs points. Je vais reprendre les points successifs de ton raisonnement pour répondre de façon analytique.

Concernant la science :

L'histoire des sciences que tu donnes me semble assez fidèle à la réalité et proche de la vision que j'en ai pour ma part. Je relativiserais seulement le chemin qui a amené les hommes d'une observation donnée à un domaine spécifique (le bâton brisé à l'optique). Si je regarde l'évolution des sciences, je pense que la spécialisation en domaines a eu lieu très progressivement et non pas avec la spontanéité de fonder dans l'immédiat une science correspondante à une observation et ce sans lien direct avec les sciences préexistantes; je pense justement que la science se présente au départ un peu comme un bout de bois mal dégrossi qui, au fur et à mesure de son affinement, a laissé entrevoir des formes au sulpteur gagnant en expérience là où l'ignorant demeurait et demeurera toujours parfaitement aveugle. Ce n'est qu'en connaissance des études et théories existantes, que l'esprit a cette intuition qui le pousse à traduire une observation en idée et cette idée elle-même en théorie. Si Pasteur ou les Curie ont fait des découvertes ce n'est que parce qu'ils détenaient tout un savoir élaboré avant eux. De même, si on remonte à l'antiquité, je ne pense pas qu'un esprit soit passé d'une pierre qui roule à l'idée de char sans qu'avant cela lui soit familière celle d'un paquetage trainé par un cheval sur une civière par exemple ... tout savoir n'est jamais fondé que par celui qui le précède je pense.

En fait tu donnes des sciences une naissance correspondant, aux origines, à des nécessités matérielles immédiates qui ont amené à une recherche et ainsi au développement d'un savoir par la suite. Mais je crois que le processus est plus complexe et que l'objectif est souvent simultané à la cause dans un processus évolutif : en effet, si je compare à la façon dont je dessine ou j'écris, je vois que souvent j'ai une idée floue de ce que je souhaite obtenir et au fur et à mesure que je progresse je prend conscience du tracé accompli (la cause) qui précise en retour l'idée de ce que je souhaite obtenir. De l'esquisse brute du départ jusqu'au résultat final j'aurais usé d'une grande variété de techniques préexistantes puis affiné l'oeuvre avec une recherche du détail. Chaque oeuvre ainsi que chaque science est singulière et suit une évolution qui lui est propre mais elle est le mariage entre les techniques existantes et celles qui seront progressivement recherchées.

Tu évoquais l'accident mais je crois que toute science a pour origine des observations accidentelles ... l'accident se situe au niveau de l'individu, parce que la péniciline aurait très bien finir à la poubelle ou bien un quelconque savant ne pas avoir la curiosité de vouloir comprendre tel ou tel phénomène. Ce n'est que parce qu'un moment donné l'esprit est arrêté par un phénomène, qu'il amène le savant à s'y intéresser ou tout du moins l'associer dans une idée à son savoir. Le biologiste aura rarement un éclair de génie physique suite à un phénomène accidentel d'ordre physique je pense ...

Maintenant en ce qui concernant les sciences humaines comme elles sont justement appelées, il est certain que la subjectivité introduit un élément d'incertitude qui a priori semble exclure toute analyse scientifique. Je pense qu'aux deux facteurs que tu évoques, caractérisant la science (soit dont la récurrence qui permet l'établissement d'une loi à partir d'un grand nombre de répétition d'un phénomène et d'autre part la diversité des sujets observateurs qui garantit l'objectivité) il y a une chose importante qui fonde les sciences dites exactes, l'axiomatique; en effet, les théories s'appuient sur des axiomes tels que i²= -1 qu'on ne saurait démontrer et qui à eux seuls ont permis à des domaines tels que la quantique de se développer. Or en sciences humaines, peut-on donner des axiomes aussi aisément qu'on pourrait le faire des mathématiques sans qu'inévitablement les implications fassent naître des polémiques inextricables ? Je crois que ce qui rend les sciences humaines si fragiles et soumises à de constantes polémiques c'est le fait qu'elle n'est pas fondée par des axiomes mais des interprétations dérivant de l'observation. Les sciences humaines appuient essentiellement leurs lois sur la récurrence et le sens commun. Or si un phénomène physique se reproduira à l'identique un nombre de fois suffisant pour qu'une loi soit admise en relation avec l'hypothèse initiale qui a amené à ces observations, l'homme étant en l'occurence le sujet d'étude, il est difficile d'affirmer la récurrence du phénomène (qu'il soit sociologique, historique, psychologique ...) sans recourrir à une généralisation qui arrondit les coins de la singularité. En ce qui concerne le sens commun, soit donc les avis communs quant à l'observation, il est difficile de déterminer si une vision pertinente n'influence pas les interprétations des autres observateurs (comme l'avis d'un juré ne peut manquer d'emporter l'approbation de tout le jury) en tant que le psychisme humain n'est étudiable qu'au travers du comportement véritablement. Or le comportement est assez lié à la subjectivité pour qu'il soit difficile d'en tirer une étude objective, d'être bien certain qu'une dimension affective ne perturbe pas l'analyse. La seule réponse à cette difficulté a été de déterminer des structures et règles très précises d'analyse mais là on peut se demander s'il n'est pas arbitraire d'appliquer une forme d'analyse générale pour un sujet particulier. Car on peut se demander si on se sert de normes por l'étude ou si finalement on ne fait pas rentrer le sujet d'analyse dans des normes. C'est cette interrogation qui m'a amené au problème du piège rhétorique qui te faisait recourir à des outils nécessairement réducteurs ou généralisants pour une étude objective de la subjectivité elle-même.

C'est un problème qui m'a toujours interessé : voir à quel point le nominalisme fonde des a prioris qui eux-même interdisent toute objectivité à l'analyse d'un sujet humain. A quel point en effet, le concept de mère est dépendant de tant de facteurs différents (culturel, éducatif, social, réligieux, affectif ... qui s'entrecoupent de façon assez complexe entre eux pour qu'il soit déjà difficile de les distinguer) que l'on ne puisse déterminer deux visions proprement identiques de ce qu'est une mère puisqu'avant tout ce concept dépendra totalement d'une mère existante ou au contraire absente ... au final je constate la naissance de conflits dont la cause est une question de définition : les qualificatifs de mauvaise mère, de mère ingrate, de mère poule ... ne sauront jamais qualifier une personne de façon absolue ou objective; et pourtant, comment établir une science sans pouvoir affirmer d'absolu à son sujet (le seul absolu qu'on peut donner est celui qu'une mère est la génitrice d'un enfant mais peut-on réduire une mère à l'aspect biologique ?). Il en est de même je crois pour l'amour qui ne constitue pas un sentiment bien défini que chacun pourrait ressentir mais l'aggrémentation complexe à la fois de sentiments et émotions très divers et surtout d'un contexte du vécu très singulier qui diversifie les situations et les circonstances de façon infinie. Autant je veux bien concevoir que tu puisses établir une science dérivant de ton expérience propre à partir du moment où tu te fais l'observateur objectif de toi-même, mais je pense que même si des visions se reconnaissent dans la tienne, je ne pourrais m'empêcher de me demander à quel point tu auras été amené à généraliser ou réduire pour parvenir à des conclusions communes; en effet, tu te dois de fonder ta science sur un absolu purement personnel à défaut de pouvoir absolument l'établir par rapport aux visions d'autrui. Donc, effectivement, comme tu le dis, ta science s'appuie sur la confiance et non la certitude. Si j'évoquais la question du nominalisme c'est parce que je repensais aux inuits qui possédaient dans leur langage une grande variété de qualificatif pour la neige, qui différencient un certain nombre de neiges différentes; comment ne pas se demander alors si l'amour n'est pas un fourre-tout pour une subtile palette de sentiments, si le fait qu'il échappe à beaucoup de tentatives de rationnalisation ne vient pas d'une insuffisance de définitions dans le vocabulaire  qui le caractérise. C'est à que j'en viens au piège rhétorique qui nous amène peut-être souvent à nous restreindre dans les analyses par une insuffisance du vocabulaire, qui nous amène parfois à nous enfermer dans des champs lexicaux donnés personnels qui orientent la réflexion par avance (c'est une réflexion que je m'étais faite à propos des philosophes dont on a publié le "vocabulaire" en petits livrets comme pour signifier que l'auteur utilisait un langage dont il fallait connaître les clés pour pouvoir comprendre, comment ne pas alors penser à une réduction langagière a priori ?).

Le piège rhétorique :

Tu dis qu'il y a une nécessaire modélisation du sujet d'observation pour pouvoir fonder la science qui l'étudie. Je suis tout a fait d'accord avec ta comparaison au physicien mais néanmoins il m'apparaît une différence essentielle entre les deux études : l'une étudie un objet, l'autre un sujet. Il est certain que ton caillou restera à sa place tandis que tu le modélisera et qu'alors tu pourras le retrouver pour vérifier ton modèle au final. Mais en ce qui te concerne, tu vas modéliser et puis au final, comment auras-tu alors la certitude de ne pas t'être laissé influencer dans ton analyse, que le vécu ne s'adapte pas alors au modèle pour lui correspondre ? Il te faudrait une objectivité complète vis à vis de toi-même pour être certain que ton analyse n'aura pas inconsciemment plié l'expérience au résultat. Autant ton modèle de la chute libre se vérifiera ou non selon que tu auras fait le calcul juste ou non, autant celui de l'amour ne sera pas fondé sur une suite logique du type Vrai ou Faux mais sur des approximations subjectives : l'un te dira c'est Vrai je m'y reconnais, l'autre te dira c'est Faux je ne m'y reconnais pas et pour peu que leurs convictions soient antinomiques, pourras-tu les marier entre elles ou tiendras-tu compte de ton expérience personnelle pour en privilégier une ? En physique il n'y a qu'un calcul qui sera bon ...

Tu te dois donc de prendre ici comme absolu et axiome pour fonder ta science l'hypothèse de ton objectivité, l'hypothèse que tu es l'observateur objectif de toi-même. Mais l'es-tu réellement même si tu procèdes à l'objectivation de ton sujet d'analyse ?

Le piège rhétorique intervient au moment où tu dois nécessairement apposer une valeur de vérité sur une analyse qui dérive de la subjectivité; or peux-tu te fier à ton jugement à compter du moment où d'un jour sur l'autre ton sentiment te fera vouer monts et merveilles et invoquer toutes les malédictions au lendemain ?

Aujourd'hui tu dis pleurer ta naïveté perdue mais n'est-ce pas le propre de l'amour, de ne se raisonner généralement que tardivement ? Penses-tu réellement vérifier ton modèle dans le vécu ou bien le refouleras-tu pour retrouver pleinement ta passion du moment ? Ne le vérifieras-tu pas à nouveau au moment où la passion sera retombée ? Et seras-tu objectif alors ou influencé affectivement dans ton jugement ?

Mais j'ai d'ores et déjà moi-même le sentiment d'être pris au piège de mon argumentation qui m'amène à donner des valeurs logiques à ce qui demeure chez moi avant tout une intuition pour laquelle je ne m'aventure pas à une définition littérale. Si je devais trouver une comparaison physique je dirais qu'on peut étudier le chaos mais non pas le fixer, l'admettre tout en renonçant au projet de le disséquer. Il est là, il est défini par défaut, c'est à dire par ce qu'il n'est pas et qui a déjà été défini, de même qu'on ne peut désigner le vide que parce qu'il est circonscrit par la cloche qui le sépare de tout ce qu'il n'est pas.

 

En ce qui concerne la question de l'amour, je ne peut te répondre, conformément à ce que je viens de te dire, puisque je m'arrête à mon attitude quant à lui. Je définis mon comportement par rapport à lui mais je me refuse de le faire du sentiment lui-même auquel je préfère attribuer un caractère chaotique et en faire la découverte singulière en temps et en heure ... j'emploie au mieux ma raison à estimer les conséquences éventuelles de mon attitude et à y apposer les limites nécessaires en fonction; s'il faut qu'une définition soit faite ce ne sera que celle de mes choix personnels et non de la relation ou du sentiment en eux-mêmes.

 

J'espère ne pas avoir perdu le fil et m'être laissé allé à des faiblesses dans le raisonnement du fait des coupures faites à celui-ci mais j'avoue qu'il n'y a pas que le doigt qui aurait eu des difficultés à se plier ou déplier si je m'étais laissé allé à commenter d'un trait (on se fait vieux jouebeurs tout de même, où est le temps où j'écrivais de l'aube au nadir ?).

Amicalement

Songe

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