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Old letters
Tout à l’heure, en cherchant parmi des lettres l’adresse d’une amie, une photo est tombée de la liasse. Un polaroïd, une jolie brune assise contre un mur, le regard dans le vague. Ch. J’aurais dû ranger la photo, la ranger vite, avec les lettres, laisser tout ça dans le tiroir. J’aurais dû.
Au lieu de cela, je suis resté dix bonnes minutes à regarder cette photo, cette fille, cet autre temps. Elle était quand même drôlement jolie. Alors, dans les lettres, dont les trois quarts étaient d’elle, j’ai retrouvé sa plume. Son écriture que je reconnaîtrais entre mille, pour l’avoir tellement lue, l’avoir tellement bue. J’ai relu les trois dernières lettres. J’ai retrouvé sa peine, sa colère, son amertume, face à mon silence. Ses doutes. Ses reproches. La souffrance d’une personne qui n’a plus en face d’elle qu’un mur, et qui essaie tout ce qui est en son pouvoir pour le détruire. Elle me dit cruel, et je ne peux nier. C’était l’époque ou je ne pensais plus qu’à être seul, loin de tout, et d’elle en particulier. L’époque ou sans doute j’ai dû être arrogant, me moquer d’elle. Il est si facile de rire de quelqu’un qui souffre pour nous, quand on ne souffre pas pour lui. J’ai relu ses mots plus doux, son manque, sa tendresse. Les rêves absurdes d’une fille qui croit encore à l’avenir : elle parle de vivre dans deux maisons séparées, ou d’avoir chacun notre chambre, de ne pas se voir autrement que pour les repas, elle mendie ma présence, sans plus oser demander mon amour, ni mon attention. Deux chambres, se voir seulement aux repas. Comme mes parents, la belle histoire... Elle parle de plein de choses, elle parle de moi d’une manière qui me fait de la peine, soit parce qu’elle est dure, et témoigne de sa douleur, soit parce qu’elle est trop douce, et me fait encore plus de mal. Elle me demande pourquoi je l’embête autant avec cet autre garçon, son copain A., et l’idée même d’une histoire avec lui la fait rire, comme si c’était la plus grosse aberration que l’on puisse imaginer. A. qui est aujourd’hui son homme. Non que je fus devin ; j’aurais été jaloux de n’importe quel autre garçon qui aurait tourné autour d’elle. Elle me parle de Noël, où l’on se reverra, elle me parle de projets pour le futur, dit qu’elle a réfléchi et pourquoi pas aller au States, comme je voulais. Mais toujours dans ces mots, il y a ce doute qui revient : je ne suis plus aussi certaine que nous soyons faits pour nous entendre. Si l’on se bat déjà, que sera-ce dans vingt ans ? Ces mots-là sont difficiles à lire, presque autant que ceux où elle dit qu’elle me hait de l’avoir envoyée balader sans le moindre scrupule dans tel mail, tel coup de fil. Pourquoi ne peut-on pas quitter une personne qui nous aime sans lui infliger tant de peine ? J’aurais moins de remords, à savoir qu’elle n’a pas souffert. Mais non, elle a souffert, énormément souffert. Je le sais, et je n’ai pas besoin de relire de vieilles lettres pour m’en sentir coupable aujourd’hui encore. J’ai fait souffrir une personne, et pas n’importe laquelle : la personne qui a le plus souffert par ma faute est la personne que j’ai le plus aimée. Je regarde encore cette photo, et je réalise que mes mains tremblent. C’est dans ces moments-là que j’aimerais avoir un ami ; il me suffirait de décrocher le téléphone, de lui dire que j’ai le cafard, et il me dirait de ne pas bouger, qu’il arrive, sans même me poser de questions, sans essayer de résoudre le problème au téléphone, en pestant intérieurement contre la fin du film que je lui fais manquer. Un vrai ami. Un qui entrerait chez moi avec un pack de bières et me demanderait alors seulement ce qui ne va pas. Un à qui je pourrais raconter tout ça, raconter Ch., un qui me dirait vieux faut pas te faire tant de mal, et sur l’épaule duquel je verserais mes larmes. Un qui m’écouterait, ferait comme s’il comprenait, et peut-être même au fond qu’il comprendrait. Non pas ce que je raconte, non, mais ma peine, qu’il sentirait, avec son coeur. Un qui me laisserait tout lui dire, et je serais heureux qu’il m’écoute, et alors je boirais, encore, et encore, jusqu’à en être malade, et sur cette route pénible de l’oubli, il m’accompagnerait, jusqu’à ce que le monde tourne, et que le visage de Ch. perde sa netteté, que le soleil se lève et que l’on rie comme deux bossus, ivres morts. Un vrai ami, un comme je n’en ai pas, un comme je n’ose pas en avoir. J’ai bien des amis, même de très bons, mais ils sont loin, et plus le temps passe, plus la distance semble s’allonger, au point que j’en baisse les bras. Comme j’ai baissé les bras, agacé par cette fille qui voulait toujours plus d’amour, toujours plus de tendresse, pour ne penser qu’à moi. Par cette fille qui me faisait tant rire à toujours imaginer que ça ne tiendrait pas, et comment cela pourrait-il en être autrement, puisque je t’aime autant ? Mais non, je n’ai pas cet ami. Mon téléphone ne me servirait à rien ; mon carnet d’adresses est vide. Alors je jette ici ces choses que je suppose, ramenées à son propre vécu, personne ne comprendra jamais vraiment. Quand je pense à Ch., j’ai l’impression d’être une fourmi essayant de repousser le mur du temps, je voudrais revenir en arrière, et répondre à ces lettres, m’excuser, lui dire que ce n’était pas moi, que c’était le mauvais moi, le vaurien, l’égoïste, mais que je lui demande pardon, que je ne veux pas qu’elle souffre, ou alors pas à cause de moi. Mais, oui, ce serait trop facile. S’il suffisait, pris de remords, de faire machine arrière pour corriger nos erreurs, ce serait trop facile. Et puis, facile ou pas, ça n’est simplement pas prévu. Dieu que l’on se sent seul face à notre impuissance... Que j’aimerais, en cet instant précis, avoir un ami, ou à défaut, un ennemi, pour abattre mes poings, laisser sortir enfin ma colère, ma rage d’avoir été si misérablement cruel. Que j’aimerais, ce soir, et nom de Dieu tant pis si j’ai juré de ne jamais le dire, de ne jamais le penser, ce soir je le dis, je l’écris, ça n’a plus d’importance : oui, oui, que j’aimerais serrer Ch. dans mes bras, et lui dire que je l’aime, que je l’aime encore, que je l’aime toujours, et qu’on aura une petite maison avec des fleurs là-bas dans la campagne, et qu’on sera heureux, de s’embrasser le matin avant de partir, de faire l’amour le week-end, d’aller regarder l’écume danser sur l’ocean ! Que vivre sans elle c’est tout juste attendre la mort, et que mon coeur saigne de la savoir si loin, de la savoir heureuse, et oui je chiale comme un con seul dans cette chambre où je ne me sens pas chez moi, dans cette ville que je hais, dans ce monde que je hais, dans ce monde vide ou rien ne rime à rien quand on aime en retard. Oui je l’ai faite pleurer, oui je me suis moqué de sa misère, oui j’ai été avec elle le plus méchant des hommes, et si Dieu n’avait eu peur de se salir la foudre, il m’aurait donné la punition que je mérite. Je demande pardon, pardon à celle qui fut tant pour moi et dont je n’ai pas su prendre soin, et je prie pour qu’un jour, elle lise ces mots, sache que je me repens, même si il est trop tard, de ce que j’ai été. J’aimerais pouvoir dire que je n’ai pas voulu, que ce sont les E.T. et le gouvernement, que j’ai été drogué, n’importe quelle excuse serait bonne pour ne pas avoir à porter mon lourd fardeau de peine. Mais d’excuse, je n’ai point, j’ai été son bourreau, et aussi dur à accepter que cela soit, je l’ai été en pleine conscience de ce que je faisais. Ma faute me hantera longtemps, car on ne rachète pas, même par l’amour, la douleur d’autrui dont on s’est rendu responsable. Seigneur, faîtes qu’elle soit heureuse, là-bas, je ne sais pas trop où... Donnez-lui, Vous, la part de bonheur qui effacera de son souvenir mon nom et toute la peine à laquelle il est associé. Qu’elle vive heureuse jusqu’à la fin de ses jours, c’est la seule faveur que je demande, à l’échelle de mon humble vie, la seule prière que de toutes je souhaite voir exaucée, dût elle annuler toutes les autres. Qu’elle vive heureuse, c’est tout ce qui compte, qu’elle vive heureuse... Ecrit par Barjac, le Dimanche 23 Mai 2004, 20:59.
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