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Welcome to the world
Je me réveille fatigué. Il règne dans la chambre une pâleur grise, que seule vient troubler un rai de lumière issu de la jointure imparfaite du volet. Je ferme les yeux, enfonce la tête dans la couette tiède. C’est le meilleur moment de la journée, celui de tous les possibles. Je ne suis pas encore totalement éveillé, plutôt dans une sorte de somnolence brumeuse. C’est l’instant où je suis maître de mes rêves, où, un pied dans le sommeil encore, mes songes prennent une texture particulièrement agréable, du fait que ma conscience n’a pas encore tout à fait retrouvé sa capacité à séparer clairement le vrai du faux. Je flotte à la frontière entre le réel et l’imaginaire, mais un imaginaire qui, à l’inverse des rêves endormis, m’appartient. Je suis libre d’en faire ce que je veux, et je ne m’en prive pas.

Les draps sont tout empreints de ma chaleur corporelle, dont ils me renvoient l’écho presque humain. Il me suffit alors de rouler la couette de telle manière, et c’est un corps de femme ; ajoutons l’oreiller et c’est une poitrine tiède et douce où je blottis mes épis blonds. Je souris avec tendresse, referme mes bras autour de cette poupée de plumes. Dans le noir, c’est ici une épaule sur laquelle je pose mes lèvres, là un nombril que ma main cache dans une caresse. Tout se mélange, dans cet embryon de jour qui attend de naître. Je la retrouve, et je me fais, comme alors, la réflexion que si les corps ne peuvent pas vraiment se dissoudre l’un dans l’autre, ce qui est une douloureuse limite des possibilités humaines, leurs chaleurs par contre, ont cette capacité. Tandis que je replonge dans le sommeil, je sens dans ma paume la pointe d’un sein, la courbe d’une hanche, légères sous l’étoffe fine du drap-chemise de nuit, et je souris de ce bonheur dont je ne sais plus bien s’il est rêve ou réalité.

Je me réveille à nouveau, mais cette fois je sais que j’ai passé la ligne de non-retour, que je ne me rendormirai pas. La chambre est plus claire, et dans ce jour terne la couette n’est plus qu’une couette, l’oreiller un oreiller, mes mains vides, inutiles. Je sens déjà poindre l’angoisse d’avoir à affronter une journée de plus, je traîne encore un peu, j’avance à reculons vers la naissance de ce jour nouveau dont le tentacule de lumière grise semble fouiller la chambre à ma recherche. Il faudra passer à l’auto-école, essayer d’obtenir une date pour le permis, faire comprendre à des gens qui ne m’écoutent pas que cela fait la troisième fois que je fais la même requête, et que cela suffit. Sachant que je ne le fais que parce qu’une crainte plus grande encore m’y pousse, celle de ma mère. A cette pensée, j’ai envie de me cacher sous les draps, comme lorsque j’étais enfant, sous ce rempart protecteur face aux créatures de l’imagination. Sauf que cette fois, les monstres ont un vrai visage, un visage d’être humain, et qu’une simple couche de plumes n’est plus d’aucune aide. Il faut se lever, affronter le monde. Naître à nouveau, dans la douleur, quitter la chaude et rassurante matrice des draps.

Je sursaute en entendant la porte du garage s’ouvrir. Sous adrénaline, j’empoigne le réveil. Nom de... ! Il est onze heure et demi. Je passe en vitesse un pyjama, ouvre la fenêtre, le volet. Je reste un instant abasourdi, aveuglé par la lumière poussiéreuse d’un jour maussade. Welcome to the world.

Je file à la salle de bain ; l’eau chaude lave mon corps maculé de sommeil. Savon, serviette, un coup de brosse, je me raserai demain. Je m’habille, prends une grande respiration devant la porte de la salle de bain, comme un artiste se préparant à entrer en scène. Au creux de l’estomac, cette tension qui m’accompagnera jusqu’au prochain sommeil, parasite dont le coeur lance dans tout mon organisme sa pulsation angoissée. Enfin, j’ouvre la porte, plonge à contrecoeur dans la vacuité d’un jour nouveau, perle supplémentaire à un chapelet qui s’allonge de manière inquiétante, laissant derrière moi, dans un brouillard de vapeur, la douceur du rêve. Welcome to the world, son. Welcome to the world.

Ecrit par Barjac, le Lundi 24 Mai 2004, 18:23.
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