Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)
Session
Nom d'utilisateur
Mot de passe

Mot de passe oublié ?

Articles par rubrique
Discussions actives
Autres projets
Ailleurs
Blogs favoris
Recherche

Archive : tous les articles
Tribune
Gamin : Hello ami Barjac, l'amoureux des mots... Un petit tag pour toi [Lien] Au plaisir de te lire...
Gamin : Jolie skin en passant, j'aime beaucoup...

Dérives
Courte après-midi, aujourd’hui. Mangé avec les collègues, retour au boulot à quinze heures, pour repartir à seize. Cela change agréablement des journées de onze heures. Sur le chemin du retour, petite route au pied de la Sainte Victoire. Les blés sont murs, étendent leur blondeur sur des pans entiers de paysage. La terre est rouge, les oliviers d’un vert argenté, la Provence est belle, malgré ses trente degrés de température ambiante.

Sensible à la beauté de la nature, cette beauté domestiquée dont l’agriculteur est le vrai peintre, il me prend le brusque désir d’aimer. Mais je réalise avec tristesse que ce désir est un désir de fuite, un désir d’ailleurs. Aimer, parce qu’aimer c’est échapper au monde de tous les jours pour vivre dans sa couche sensible. Je constate encore cette relation étroite entre la nature et l’amour. L’amour, expliquai-je du temps de mes Chiaraventures, ouvre le coeur, et le coeur ouvert prend soudain conscience du rayonnement de la nature, ce monde qui était là avant l’homme, sera là après lui, ce monde harmonieux où la faune et la flore mènent leur petite vie sans se soucier de nous. Aimer, c’est retourner à cette nature comme un enfant retourne à la maison mère. Les amoureux appartiennent à ce monde-là, ce monde vibrant de sève, de chants d’oiseaux, de céréales qui balancent doucement leurs épis lourds dans la brise d’été, dodelinent du chef à l’écoute d’une symphonie universelle. L’amour ouvre le coeur à la nature ; la nature ouvre le coeur à l’amour. Mais un amour qui m’effraie, en ce qu’il ne s’inclut pas dans le schéma d’une vie d’homme, mais s’en exclut totalement. Aimer, aimer c’est échapper au monde des hommes pour entrer dans un monde à part, où il n’y a plus que nous, l’être aimé, et la nature luxuriante comme théâtre. L’amour comme un souvenir du premier couple, de l’Eden perdu. Parallèle que Zola expose avec art dans La faute de l’abbé Mouret.

Echapper à notre monde pour retourner dans ce Paradis, et c’est exactement ce que je ressens quand je pense à l’amour. Je me vois marchant avec elle dans cette nature qui dispense ses fleurs, ses fruits, autant d’enfants issus du sein de cette mère, notre mère. Je me vois longeant les champs, tenant sa main, caressant de l’autre les blés, et je me rends compte à quel point ce monde est beau et dangereux. Je n’ai pas besoin de repenser à Ch., aux journées que l’on passait allongés dans l’herbe, sautant les repas, à l’abri d’une végétation qui refermait ses bras autour de nous pour nous ôter au monde. Dans ces moments-là, on ne souhaite pas retourner de l’autre côté, retrouver les impératifs professionnels, sociaux. Impatience des amoureux lorsqu’on les dérange, agressivité envers l’humain qui n’est plus qu’un obstacle à l’amour. Parfois, je me dis que si j’aimais à nouveau, je risquerais de me laisser mourir dans un coin de verdure, tant j’aurai de ressentiment à l’idée de redescendre de mon nuage, de quitter l’édredon naturel pour la maison, la ville, les hommes. Ch. s’était faite engueuler par sa mère le mois où nous n’avions mangé à la cantine que cinq fois. Les amoureux sont affamés, c’est pour cela qu’ils ont toujours l’air d’essayer de se dévorer l’un l’autre. C’est un repas où la faim ne passe pas, où le plaisir dure de se mordre, de se boire, et l’on pourrait continuer ainsi jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Je me souviens, avec Ch., c’était par après-midi entières, de midi à six heures, que nous restions enlacés sur l’herbe du lycée, notre chambre à nous qui n’en avions pas. Et quand j’y pense, c’était aussi bien. Le meilleur, c’est le désir. Le désir est unificateur, il fait tendre deux personnes vers un même but. Qu’on atteigne ce but, et l’on cesse brusquement d’avoir autant besoin de l’autre. Après l’effort, on se sépare toujours un peu. Je me dis que les meilleurs moments que j’ai pu passer avec des filles sont ceux qui n’ont pas abouti à l’acte ultime. On ne passera jamais des heures à s’embrasser si l’on a la possibilité d’aller plus loin. On se limitera au strict nécessaire, trop gourmands, et c’est finalement regrettable ; le meilleur étant ce qui précède. Je me souviens aussi la première nuit passée avec Chiara, que j’ai dû raconter ailleurs. Nous n’avions pas dormi, passé la nuit à nous embrasser, sachant qu’il était trop tôt pour envisager autre chose, et comme nous nous sentions mal au petit matin, à l’heure de se séparer ! J’avais regagné, péniblement, ma chambre de cité U. Il faisait déjà chaud, sur le campus à peine éveillé. A chaque pas, il me semblait que le prochain me verrait rendre mes tripes, bien que mon estomac fut aussi vide qu'un portefeuilles de clochard. Le monde tournait devant mes yeux, que le sommeil fermait malgré moi. Ce n’était pourtant pas la fatigue qui me faisait tituber : la douleur sourde, insupportable, qui me cassait en deux, provenait de plus bas. Il faut être homme pour connaître cette douleur d’un désir poussé à l’extrême, désir d’aimer inassouvi, lançant dans tout le ventre sa pulsation brûlante, électrique. J’eus du mal à m’endormir, en dépit de la nuit éreintante que nous venions de passer. Dans ces moments-là, on souhaiterait presque être une fille. Presque seulement, car en réalité, la différence n’est pas bien grande : je dormais depuis quelques heures déjà quand Chiara s’écroula sur le sol de son avion pour la Suisse, évanouie. Il n’y a que l’amour pour reléguer comme ça au second plan des besoins biologiques tels que manger et dormir, et vous pousser à la limite de vos possibilités. Mais c’est une expérience fascinante, malgré tout, et si ce ne fut pas la plus belle nuit que je passai avec Chiara, ce fut malgré tout une sacrée nuit.

Diable, cela me remet en mémoire tout un tas de souvenirs. La plus belle nuit, ce fut celle de son retour. Après notre dispute par mail et la rupture silencieuse qui s’ensuivit, ma longue marche sur les bords du canal, my most pitiful birthsay ever, je ne puis oublier comme mon coeur battait la chamade quand je vins frapper à sa porte après qu’elle fut rentrée. Je l’avais aperçue plus tôt, elle était passée saluer ma bande de copain, m’avait fait un salut distant qui m’avait congelé sur place. Je me souviens, je récitais des excuses dans ma tête, pour mon message maladroit et la brouille qui s’était ensuivie. Après un temps qui me parut interminable, une ombre en peignoir se glissa derrière la porte, deux yeux me dévisagèrent, je souris, elle me renvoya mon sourire et, ouvrant enfin, se jeta dans mes bras. Je n’eus pas même le temps de dire bonsoir. Je me souviens le contact frais de ses cheveux mouillés, l’odeur parfumée du savon sur sa peau juste lavée, la tiédeur de son corps sous le tissu éponge. Ce fut notre plus beau moment ― du moins est-ce celui qui m’apparait comme tel après coup. Je ne ferai que raconter encore ce que j’ai déjà dû raconter dix fois. Qu’on me pardonne, je ne me lasse jamais des belles histoires.

On passa une nuit fantastique, on s’endormit très tard, enfin très tôt, et je réussis à me retrouver coincé sur le palier en caleçon, la porte s’étant refermée dans mon dos, et Chiara s’étant rendormie. Il me fallut attendre qu’elle se réveille et remarque mon absence, et je passai peut-être dix bonnes minutes assis sur les escaliers à me demander ce que j’expliquerais à sa collocataire quinquagénaire (une vieille chinoise qui semblait venir d’un autre monde — ce qui était le cas, d’une certaine manière) si elle me trouvait dans cette tenue dans son couloir. Je me souviens. Elle est venue ouvrir, elle s’est recouchée immédiatement, et je l’ai trouvée magnifique, blottie ainsi, déjà rendormie. Quand j’ai passé mes bras autour d’elle, et que je l’ai embrassée tout doucement, elle a souri sans ouvrir les yeux. Je ne sais si ce genre de souvenir me donne envie de revivre ou de mourir. Un peu des deux, je crois, tant leur beauté est douloureuse, leur douleur belle. Je me souviens du lendemain, un vendredi, et du froid que le jour semblait mettre entre nous. Je crois qu’elle avait un peu honte de cet amour, chose qui se préciserait plus tard lorsqu’elle m’expliquerait qu’elle trouvait très déplacé de se tenir la main dans la rue, quant à s’embrasser, il ne fallait pas même y songer. Elle changerait d’avis, rapidement, et je souris de la revoir « oser » un baiser au beau milieu de Snowhill Station. Elle avait jeté un coup d’oeil alentour, et comme personne ne semblait nous regarder, elle s’était lancée. On avait flâné, voulu dévaliser un magasin de gâteaux, cuisiner mille choses, j’avais un bras autour de sa taille, sa tête sur mon épaule, et elle était loin, la fille qui m’avait dit : je n’aime pas quand on montre son amour dans la rue.

Elle m’avait traité comme un simple copain dans la journée, j’avais fait la tête toute la soirée, qu’on avait passée avec les potes. Puis on s’était expliqués, on s’était engueulés, je lui avais reproché son manque d'attachement (au bout de vingt-quatre heures, quelle patience de ma part…), elle m’avait dit de foutre le camp si je pensais du mal d'elle, alors on s’était tourné le dos pendant un moment, puis je lui avais demandé si elle était fâchée, elle avait répondu que oui, alors je l’avais embrassée sur le bras, et j’avais reposé ma question. Elle avait répondu oui. Je l’avais embrassée sur l’épaule. Cette fois, elle avait répondu sans conviction. Alors je l’avais embrassée une seconde fois sur l’épaule (elle ne supportait pas qu’on l’embrasse dans le cou), et cette fois elle avait ri. On avait passé la nuit à discuter, de choses curieuses, de la vie, de la mort, de nous, juste ce qu’il faut pour comprendre que ça ne sera pas une longue histoire. Elle me parlait de son pays, de ses amis, de son mec. Je lui parlais de moi, de mes ex et encore de moi. C’était agréable. Triste, d’une certaine façon, parce qu’on sentait bien que ça ne durerait pas, ce qu’il y avait entre nous. Nous étions trop différents, moi je n’y croyais pas ; elle, elle ne voulait pas, à cause de son mec. Mais ce fut une douce nuit, de ces nuits où l’on éprouve le besoin de se livrer à la fille qui est allongée là contre nous. Comme deux voyageurs qui partageraient la même chambre, le même lit, sachant qu’ils ne partageront pas grand chose de plus. Cette nuit-là, elle m’avait semblé différente de ce qu’elle était d’habitude, elle m’avait semblé comprendre ce que je lui racontai, mon mal-être. Je ne saurai jamais combien de moi elle a pu comprendre vraiment. Je me suis souvent dit qu’elle n’avait jamais rien compris, par la suite. Pourtant, cette nuit-là, dans la pénombre, les yeux fixés sur les lumières qui, entrant par la fenêtre ouverte, dansaient au plafond, je me sentais proche d’elle, comme si elle avait été une amie, peut-être une grande soeur que son année d’avance rendait plus mûre, capable de tout saisir. Elle faisait oui de la tête, elle avait un sourire triste, elle semblait voir clair dans mes propos, voilà tout.

Ce qui fut merveilleux, cette nuit-là, ce fut surtout de savoir que ça ne durerait pas entre nous. Ca ne me rendait pas triste, de penser que cette fille n’était qu’une aventure. Au contraire, j’étais heureux qu’elle le comprenne, que les choses soient ainsi. Elle me demandait si je pensais qu’elle devait rester avec son copain, et j’étais content qu’elle me parle de cela, comme si j’avais été un ami. Je lui expliquai pourquoi je ne croyais pas pouvoir jamais vivre avec une fille, et elle écoutait attentivement. On mettait nos deux solitudes en commun, l’espace d’un soir, on partageait nos problèmes, on se donnait des conseils, et c’était simplement bon. C’était comme ces nuits qu’on passe entre cousins et cousines, l’été, à refaire le monde. Le lendemain, j’avais ouvert les yeux sur son sourire, il y avait dans la chambre une bonne odeur de café, et sur un plateau deux bols fumaient en effet, encadrés de tartines, de céréales, de lait... Nous prîmes le petit déjeuner au lit. Ce fut mon premier, le premier avec une petite amie, pour autant que ma mémoire soit fidèle. Je ne crois pas qu’avec Ch. nous ayons eu l’occasion de faire cela. Quand je repense à cette attention touchante, à cette belle fille dans son peignoir blanc, à ses cheveux si sombres, à ses grands yeux noirs, son petit nez qui lui donnait des airs de châton, je regrette tout le mal que j’ai pu dire d’elle par la suite. Pendant ces quelques jours, elle fut formidable, je dois le reconnaître. Et si j’avais fait plus attention par la suite, été un peu plus adulte, un peu moins à fleur de peau, cela aurait peut-être évité la catastrophe. Plus le temps passait, et plus elle s’accrochait. J’aimais quand elle disait qu’elle avait peur, alors je disais que je la protègerais, et elle me répondait que c’était de moi qu’elle avait peur, à cause des sentiments qui commençaient à lui échapper. C'est à ce moment-là que je suis devenu chiant, que j’ai plus ou moins foutu le camp. Je la voyais, on dormait toujours ensemble, mais je devais bosser. Oh, et puis, je n’ai pas envie de me rappeler la fin de l’histoire, en fait. Je regrette le mal que j’ai dit d’elle, je regrette de m’être attaché en donnant l’air de n’en avoir rien à cirer. Je regrette qu’elle soit devenue chiante aussi, parce que je sais bien qu’au fond ce n’était qu’une réponse à mon comportement. Je regrette quand j’allais bosser la nuit, et qu’elle me laissait ses clés en me disant qu’elle voulait que je passe quand même la fin de la nuit avec elle, que ça lui ferait plaisir, parce que c'était gentil de sa part. Je regrette au fond d’avoir plus ou moins volontairement tourné tout ça en tragédie, fait en sorte que ça en devienne une. Je regrette d’être tombé amoureux, d’en avoir fait une faiblesse, d’avoir feint l’indifférence pour le cacher. Finalement, j’ai été plus vache avec elle qu’elle avec moi. Et puis zut, oublions cela. Elle fut une chouette fille aussi longtemps qu’elle parvint à me supporter, et c’est déjà beaucoup. Si j’étais moins malade roi et que j’étais capable d’exprimer mes sentiments, on se serait peut-être quittés bons amis. Si je n’avais pas été déchiré entre l’amour et la peur, j’aurais pu faire son bonheur et, accessoirement, le mien. Je fus bête, voilà tout.

Ecrit par Barjac, le Samedi 19 Juin 2004, 16:39.
Laisser un commentaire
Commentaires
Le 19/06/04 à 18:31
"malade roi"... j'aime
Sourire...
Répondre à ce commentaire
Le 20/06/04 à 10:05
Fidèle Vendredi,
Merci pour ton passage, comme toujours discret mais d'autant plus sincère, et touchant.

Barjac
Répondre à ce commentaire
Firefox 2
Blog hébergé par