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Quelle alternative ?
Même nuit, même fraîcheur. D'en bas, dans les immeubles, monte une clameur de fête. Je reconnais sans peine un tube qui passait systématiquement dans les boîtes anglaises. Et je pense, une fois encore, à cette angoisse de l’avenir, cette crainte d’une vie adulte dont je sens qu’elle ne me convient pas. Je rejette en bloc cette existence qui a déjà mangé jusqu’au plus réticents de mes amis : Fred, qui pourtant connaissait une appréhension similaire à la mienne, a trouvé du boulot et me confie, comme pour se rassurer, les avantages qui en découleront : appartement, voiture, etc. Mais je ne veux pas, je ne veux pas entrer dans ce système où tout m’apparaît entièrement déterminé jusqu’à la fin : trouver un job, rencontrer une fille et l’épouser, avoir des enfants, les élever, puis attendre la retraite, et vivre les dix années restantes du mieux qu’on peut en sachant que la prochaine étape se jouera dans une caisse en sapin.

Jusqu’ici, les choses étaient différentes. Je n’avais pas d’avenir fixé au delà de deux ou trois ans, au terme desquels j'étais libre de rectifier le tir, faire autre chose, changer de direction. Si je m’engage dans la voie prédestinée à tout homme de mon âge, je perds cette liberté. Je me résigne à vivre la vie de la majorité, et à partir de là, tout coule plus ou moins de source, avec comme maître mot la résignation. Je m’attache à un lieu, celui de mon travail. J’y rencontre une fille, et je l’épouse. Le temps des aventures est terminé, bienvenue dans celui de l’habitude, de la routine. Je suis esclave, par mon boulot qui m’enchaîne à un mode de vie sans surprise, et à partir de cette première concession, je n’ai plus de regret à en faire mille autres, à commencer par le mariage. Puisque je porte déjà des chaînes, que m’importe de m’en ajouter d’autres ? Je suis immobilisé, être « plus immobilisé » ne change pas grand-chose à la situation. Emploi fixe, sentimentalité fixe, existence fixe. Avec, au bout, la mort, que j’ai l’impression d’attendre avec cette même fixité.

Non, cela ne me convient pas. Je veux me battre avec cette mort. Le combat est perdu d’avance, mais je m’en moque, je me défends par principe. Mourir en luttant plutôt qu’à l’abattoir, docile comme un mouton. Ce qui m’ennuie, c’est qu’une fois l’existence classique rejetée, il me faut remplir le vide avec autre chose, quelque chose qui réponde à mon besoin de me débattre. Je rêve d’écrire, mais je n’arrive pas à prendre ce rêve au sérieux, je n’arrive pas à me convaincre qu’il faut essayer. Les soucis matériels prennent toujours le dessus : trouve d’abord un boulot, tu écriras ensuite. Mais je vois bien à quoi ressemble la vie d’employé. Quand je rentre le soir de mon job, je n’ai qu’une envie, c’est de dormir. Je mange, je me couche. Et le réveil m'arrache au sommeil pour entamer une nouvelle journée. Je n’ai pas une minute de temps libre, et quand bien même j’en aurais, je serais trop fatigué pour écrire. Il ne reste que le week-end, mais le week-end, je rattrape le sommeil, je sors un peu pour prendre l’air. Samedi est mon seul jour pour faire des emplettes, et encore, je n’ai pas à m’occuper de la nourriture, de l’entretien. Vivant seul, il faudrait ôter du temps libre celui de faire les courses, celui de faire un peu de ménage. Puis celui pour m’occuper des tâches que je n’ai pas pu faire dans la semaine. Au final, il ne me reste pas même de quoi noircir dix pages par semaine. C’est bien peu.

Il me faudrait trouver un moyen de subsister qui me laisse beaucoup plus de temps libre. Je ne suis pas bien exigeant, en matière de confort. Un appartement de vingt mètres carrés avec le strict nécessaire me suffirait amplement. Le problème, c’est qu’avec les qualifications que j’ai, je n’ai pas celles pour faire un petit boulot. On n’emploirait pas un ingénieur pour faire un job peu qualifié. Il me faudrait mentir sur mon CV, et on se demanderait alors ce que j’ai bien pu faire pendant toutes les années qui manquent. N’y a-t-il donc aucune solution à mon problème ? Faire comme certains peintres, m’installer dans un squat, me nourrir allez savoir comment, mais avoir tout le temps d’écrire (sur papier, puisque sans électricité) ? En n’étant même pas certain que ce que j’écrirai sera bon... Il me faudrait des garanties, voilà tout. La certitude de faire le bon choix, des premiers résultats qui me mettent en confiance.

N’existe-t-il pas aujourd’hui des regroupements d’artistes décidés à ne vivre que de leur art ? Je serais plus rassuré de ne pas me savoir seul dans mon choix de vie. D’autres écrivains en herbe, d’autres artistes prenant le risque, au terme d’une réflexion semblable à la mienne, me seraient de précieux alliés.

Il ne s’agit pas, qu’on se le dise, de tirer au flanc. Je ne cherche pas à vivre la belle vie sans faire le sacrifice qu’elle demande. Je cherche à répondre à mon désir d’un « autrement », d’un mode d’existence autre que celui qu’on me donne tout tracé. Je n’aurais ni voiture, ni belle maison, ni femme, ni enfants, car je n’aurais pas les moyens d’entretenir tout cela. Mais je serais un des rares hommes à pouvoir dire qu’il n’a pas trahi ses rêves, et je suppose que cela apporte beaucoup de compensations. Je pourrais malgré tout conserver quelques uns de mes loisirs les plus chers. Celui de lire, par exemple. Il n’est pas besoin d’être riche pour trouver chez les bouquinistes de bons livres à des prix abordables.

Nous verrons, nous verrons, de quoi l’avenir sera fait. Mais il est certain qu’il sera fait pour beaucoup des choix d’aujourd’hui. La seule chose qui compte est de continuer à croire à un mode de vie différent, qui réponde à mes attentes. Et c’est à moi qu’il incombe de trouver le chemin, de le tracer s’il n’existe pas. Espérons que je ne me perde pas en route.

Ecrit par Barjac, le Dimanche 20 Juin 2004, 12:37.
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