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Une femme à la fenêtre
Allongé dans mon lit, je réfléchis. Il fait trop chaud et il rentre, par la fenêtre ouverte, trop de lumière pour dormir. Le chant des criquets, emplissant la nuit, monte jusqu’à la chambre. Le concerto pour élytres, la chaleur, le sommeil fuyant, me ramènent aux nuits où, allongé sous la tente, je priais pour qu’elle vienne. Je me sens un peu triste, triste de ces nuits sans amour, de ces nuits sans sommeil, où la même chaleur et les mêmes criquets me tenaient compagnie, de ces attentes vaines qui me menaient jusqu’au petit jour, où enfin le calme succèdait aux larmes et me laissait dormir.
La nuit est courte. Les souvenirs amorcent la pensée ; la chaleur empêche le sommeil d’y mettre un terme avant longtemps. Ce matin, le réveil semble sonner bien tôt. C’est une belle journée. En ouvrant les volets, j’ai un sourire satisfait : le ciel est d’un gris uniforme et il tombe une pluie fine, régulière, de ces pluies qui me mettent la joie au coeur. Mon père a une course à faire en ville. Il trouve une place libre devant un troquet, cours Sextius. Nous prenons un café en terrasse. J’observe les gens qui passent, encore rares à cette heure. A une fenêtre, de l’autre côté de la rue, une jeune femme en chemise de nuit ouvre ses volets. J’aime ces images-là. Il ne m’en faut pas plus. J’aime cette inconnue, j’aime l’ambiance qui se dégage de ses gestes exécutés avec habitude : chaque matin, elle ouvre ainsi les volets de la chambre, jette un regard sur les clients qui prennent leur petit déjeuner sur la terrasse en bas, ouvre ensuite ceux de la cuisine. La vie est là, sans prétention, en vêtements de nuit. L’intime déborde sur la rue. Après tout, il est trop tôt pour la pudeur : les esprits endormis ne cherchent pas à mal. Ils ne rêvent que de la tiédeur du lit tout juste abandonnée, qui mêlée à la vue d’une fille en chemise, n’inspire que la tendresse. Humant l’odeur forte qui émane de la tasse, je rêve. Je me rêve amant, serrant dans mes bras cette demoiselle encore mal éveillée, tandis que la cafetière glougloute et crachotte sur le feu. Je me rêve enfant, serrant dans mes bras sa jambe douce de mère, tandis que se répand dans la cuisine l’odeur du café. Elle ferme ses fenêtres ; je termine ma tasse. Il est temps d’aller travailler. Ecrit par Barjac, le Mercredi 7 Juillet 2004, 19:43.
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