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Séparation
Ils étaient là, se faisant face en silence dans ce café obscur, un silence qui avait perdu le caractère complice de jadis. Ni l'un ni l'autre ne parlait, conscients tous deux d'avoir tourné la dernière page d'une histoire qu'ils avaient parcourue avec passion. Peut-être une passion trop grande, pensa-t- il, qui avait fini par brûler les ailes d'un petit univers fait de rêves et d'espoirs, univers qui avant-hier était allé s'écraser sur le sol gelé dans un fracas de verre brisé, après une chute qui avait duré plusieurs semaines.

Phrase après phrase, il l'avait sentie s'éloigner, recouvrer petit à petit sa liberté, et impuissant, n'avait pu l'en empêcher. Bien sûr, c'était son droit, il n'avait pas à s'opposer. Et vouloir lui ôter ce droit, c'eut été nier le respect qu'il lui portait encore, la seule chose supportable qu'il éprouva désormais envers elle. Des amis avaient bien tenté de le consoler, et sur un ton paternel, on lui avait affirmé qu'il en trouverait "une autre". Cela faisait partie des choses qui ajoutent à l'éloignement d'un être cher celui de vos propres amis. Une autre, cela n'a pas de sens. On n'aime pas "une" personne. Tout simplement parce que le mot "une" implique la non-connassance de l'être qu'il désigne. Personne n'aime "une" fille. On aime quelqu'un que l'on connait, et aimer, au fond, n'est rien d'autre qu'amorcer pleinement le processus de connaissance envers un être extérieur. A partir de là, ce n'est plus "une" fille, mais "elle", avec tout un ensemble de détails qui font qu'on est alors capable de la différencier des milliards d'autres filles. Bien sûr, il en retrouverait "une" autre, mais cette autre à venir était pour lui encore une inconnue, alors que celle qui s'éloignait... Il se sentait proche d'elle comme de personne, pour lui avoir ouvert l'accès à des recoins jusque là non dévoilés de son être, pour lui avoir accordé sa confiance, et reçu la sienne comme garantie. Et voilà qu'elle s'en allait, emportant avec elle tous leurs secrets communs, leurs rires dans la nuit, leurs regards complices, le petit monde qu'ils avaient bâti conjointement. C'était une part de lui qu'elle emmenait avec elle, et c'était justement ça qui faisait mal, qui lui donnait l'impression d'être déchiré, écartelé. Ce n'était pas elle dont il faisait le deuil, non, mais bien plutôt lui, celui qu'en s'envolant elle lui reprenait, celui qui souriait, qui se sentait plus fort face au monde, celui qui avait une raison d'être, une destination. Vivre pour soi-même semblait absurde désormais ; qu'était-ce vraiment comparé à ce qu'était vivre pour quelqu'un d'autre ?

Il lui faudrait réapprendre la solitude. Ce n'était pas d'être à nouveau seul qui l'indisposait tellement, c'était le changement. L'homme est un être d'habitude, et les bouleversements qui viennent briser la routine établie nous laissent momentanément apercevoir le chaos, celui qui nous appelle lorsque les repères s'effondrent et qu'on a tout à reconstruire. Il fallait lutter contre ce vertige, combler le vide que son départ engendrait, et retrouver rapidement de nouveaux repères pour remplacer les anciens, sans quoi, dépourvu d'appuis solides, il continuerait sans fin cette chute douloureuse. Ne pas penser au passé, le bonheur vécu était acquis. Elle pouvait lui ôter les espoirs qu'il avait chéris, mais pas les moments merveilleux qu'ils avaient passés ensemble. Au fond, les choses n'étaient pas si mal faites : il perdait des illusions, des peut-être, mais conservait, bien en lui, les certitudes, les moments qu'ils avaient eus, à deux, la force de s'octroyer, et qui continueraient à résonner comme une victoire sur le destin. Certes, il serait dur de s'endormir dans un lit à présent trop grand, et de marcher seul, mains dans les poches. Il fallait réapprendre, simplement réapprendre. Mais il était jeune, et le temps était de son côté.

Elle prit sa veste, traversa le café, s'apprêta à sortir.

`Anne...'

Elle se retourna, et il put lire la tristesse dans son regard ; son rôle à elle non plus n'était pas facile à jouer. Il chercha désespérément ses derniers mots, aurait aimé une conclusion théâtrale, mais ne trouva rien.

`Merci.'

Elle sourit vaguement, baissa les yeux, puis s'enfonça dans la nuit. Il la regarda s'éloigner, les contours de sa silhouette s'estomper, se fondre dans l'obscurité, et la nuit l'engloutit : elle était désormais un fantôme du passé.

Ecrit par Barjac, le Dimanche 3 Août 2003, 22:06.
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Commentaires
Le 07/11/03 à 12:57
Salut barjac
Au fond, Anne est aussi une certitude, un acquis, puisque meme si le temps emporte avec lui ces moments uniques et pourtant, à l'échelle de l'humanité, universels, les souvenirs restent... Cela existe et existera, dans la mémoire. Anne a disparu dans la nuit, ce n'est pas triste en soi, mais cette séparation retentit dans son univers à lui, farouche et limité, et qu'il sait maintenant sans profondeur. Le monde ne lui parait ni fertile ni stérile, c'est seulement ce qui l'entoure, avec aussi ses mille petites voix emerveilles qui montent jusqu'à lui. Ce qui est chagrinant dans cette séparation, c'est qu'il prend conscience d'un épisode passé. Il se situe par rapport au temps, y prend sa place. Il reconnait etre à un certain moment de la courbe de sa vie qu'il confesse devoir parcourir. Accepter que le passé soit passé et que ce qui est perdu le soit pour toujours.
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