Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)
Session
Nom d'utilisateur
Mot de passe

Mot de passe oublié ?

Articles par rubrique
Discussions actives
Autres projets
Ailleurs
Blogs favoris
Recherche

Archive : tous les articles
Tribune
Gamin : Hello ami Barjac, l'amoureux des mots... Un petit tag pour toi [Lien] Au plaisir de te lire...
Gamin : Jolie skin en passant, j'aime beaucoup...

En vrac.
Weezer dand les oreilles. Il fait drôlement mal, ce film. Je veux dire, celui avec Sandrine Bonnaire (doutes sur l’orthographe) et ce type qui a une gueule excellente, cette escapade amoureuse en vol d’Icare : monter, monter, léger, se brûler les ailes, réaliser qu’on va tomber, qu’il y a la mer là en bas, tout en bas. Scènes étrangement familières. Des quais de gare, j’en ai connu. Des voitures où l’on se disait qu’il n’y aurait pas la place, et où il y en a toujours trop. Des cigarettes, pour nous accompagner dans la solitude qu’on ne quitte jamais vraiment — la douleur nous y confine inévitablement, et souffrir à deux n’y change rien.

J’ai fumé la dernière hier soir ; j’ai préféré ne pas en racheter, et c’est ce soir que j’en ai besoin, que l’estomac mnésique recrache un combien trop copieux repas d’images fortes, de souvenirs des meilleurs crus. Mais ce film m’a foutu le coeur en vrac. Trop vrai, trop semblable. L’envicieuse de monter dans la voiture, de gagner l’autoroute, de coller la pédale au plancher, de lâcher le volant. Pour voir, Icare.

Je n’ai pas envie de tout écrire. Que comprendrez-vous vraiment, de tout ça ? Vous n’avez pas observé le gris du jour monter derrière la vitre, avec l’impression de regarder à travers des yeux derrière les yeux, tant la fatigue est grande, serré contre vous sa tête brune, regardé le long de ses cheveux rouler une perle saline, réprimé l’envie de tout lâcher, de tout laisser pisser par chaque trou du visage, de céder à la panique. Vous n’avez pas remonté la couverture sur ses épaules, enfoui le nez dans ses mèches sombres, inspiré l’odeur de parfum mêlée à celle de la nuit, tiède, moite. Vous ne savez pas comme il est dur de desserrer les dents pour poser encore un baiser, de desserrer le poing pour poser encore une caresse, sur sa joue endormie, sans la réveiller parce que tant qu’elle dort, ça va pour elle. Vous ne savez pas comme j’en ai voulu à la providence, combien de fois j’ai hurlé à Dieu qu’il descendrait se battre s’il était un homme. Vous ne comprendrez pas, et je vis avec ça, avec sous la peau ces habits des lendemains d’amour, ces habits qui puent le tigre, qui collent à la peau, et qu’est-ce que ça peut bien me faire. Vous ne comprendrez pas, deux zombies sur un quai de gare, et juste, juste, juste une main sous ton T-shirt, pour sentir encore cette douceur, cette chaleur, sentir que c’est dans une minute, mais qu’il reste encore tout plein de secondes dans celle-ci.

Il faut toujours gris un jour de départ ; c’est un lendemain de cuite comme on n’arrivera jamais en prendre seul. Oh non, vous ne l’avez pas serrée dans vos bras, Place du Mort, bu dans la lumière des lampadaires la blancheur orangée de sa peau, remonté le long de sa cuisse, failli pleurer parce qu’elle n’a rien dit, mordu sa lèvre pour ne pas mordre la vôtre, parce qu’elle n’a pas dit non, parce qu’elle s’est accrochée un peu plus, alors quand le jour se lève et qu’elle dort, juste là, on a un peu envie de partir sans la réveiller, pour qu’elle puisse croire qu’elle a rêvé. On oublie, les rêves.

Et putain, oui, crier que j’aurais préféré que ce soit un rêve, un film, n’importe quoi mais pas la vie, pas ma vie. Ne pas vivre avec tout ça, ce grand merdier où tout se mélange, l’amour, l’enfance, les départs, les retrouvailles, la mort. Et mille cigarettes dans un aéroport hagard, devant un tout petit café dans une petite tasse quand on aurait besoin d’un grand whisky dans une bouteille immense, mille cigarettes et les yeux dans le vague, sourire à l’hôtesse inquiète qui vous demande si ça va et répondre que tout va bien, tout va très bien, parlez à mon ombre s’il vous plaît. Se noyer dans la fumée, maintenir le plus longtemps possible le souvenir des derniers instants, ce qui n’est pas bien compliqué quand on a oublié de dormir.

C’est amusant, ma vie amoureuse semble n’avoir jamais été faite que de départs. Que j’aime pleinement et je peux être certain que la gare ou l’aéroport ne sont pas loin. C’était le cas avec Ch. : à peine s’est on aimés qu’il nous a fallu nous séparer pour les grandes vacances. Puis bien des trains, bien des mois, ont passé, qui semblaient ne devoir commencer et finir que dans les gares. Ce fut le cas avec Pti Lu que j’ai rencontrée dans une gare, quittée dans une gare, et entre les deux ce ne furent que des gares de RER et de train. Ce fut le cas avec Chiara, avec qui je suis sorti la veille de son retour en Italie. « Et nom de Dieu, c’est triste Orly le dimanche. »

Ils me font rire ceux qui me racontent que l’amour est beau, qu’il faut foncer. Allez raconter ça aux types qui sont allés prendre un bain de minuit sous le pont de l’Alma, bonne nuit Monsieur le Zouave. Je ne veux pas aimer, je ne veux plus aimer, je ne veux plus jamais de ces histoires-là, de ces aéroports, de ces quais de gare, de toute cette absurdité. Le reste me manquera un peu — comment pourrait-il en être autrement ? — mais je ne veux plus mettre le pied dans une gare, dans un aéroport autrement que seul, absolument seul.

Dites-moi idiot, et je vous demanderai à quoi ressemblent, dans votre souvenir, les larmes de Ch. sur le quai de la gare de Rennes, et sur le quai de Saint-Lazare, et sur celui de la gare Saint-Charles, et sur le quai de la gare d’Aix, sur le quai de la gare d’Angers, sur le quai de la gare de Rennes à nouveau, et à nouveau encore. Dites-moi pourquoi on se retourne toujours, quand on quitte ce genre de gare, juste un mouvement d’épaule, avant que la clope ne tombe, et qu’il faille se cacher le visage dans le pli du bras, qui sent encore son parfum, mais qui n’a pas sa douceur, s’accrocher au premier réverbère, non pas parce qu’on risquerait de tomber : Ulysse entendait les sirènes ; on s’accroche au mat pour ne pas faire demi-tour, ne pas courir après le train, courir jusqu’à l’autre bout de la France s’il le faut.

Je vais vous dire deux choses. La première, c’est que personne ne remplacera jamais Ch. Je suis uni à elle à jamais, non par l’amour, mais par la souffrance. Quand on est uni à quelqu’un par l’amour, on peut s’en sortir en remplaçant cet amour par un autre amour tout aussi agréable. Mais on ne remplace pas une souffrance par une autre, surtout si elle devait lui ressembler. Si un jour je croise une fille qui ressemble à Ch., j’espère que j’aurai le courage de repenser au train, et de m’enfuir, aussi loin que possible.

A midi, ils parlaient des enfants — ils en attendent tous un pour la fin de l’année, ce doit être l’âge. A midi, comme ils parlaient des enfants, ils m’ont dit que j’avais le temps, et m’ont demandé mon âge. Alors oui, le temps, quoique vous savez parfois. J’ai écouté le vent, j’espérais qu’il m’apporterait des nouvelles. On en avait voulu, et on n’avait pas vingt ans. Mais on se connaissait depuis plus longtemps que vous, vous savez. Au fond, là, tout au fond, je crois que j’aurais aimé que ce soit elle. Pouvoir raconter à ces enfants-là comment c’était, quand on était même pas majeurs, et après, en rentrant du cinéma, les baisers dans la voiture. Et surtout, pouvoir chaque jour retrouver dans ses yeux ces moments-là, et ceux des départs, et savoir qu’on a bien fait d’endurer tout ça. On n’avait pas vraiment le choix, c’est vrai. On ne quitte pas quelqu’un qu’on aime, même si ça fait mal. Et puis se dire, chaque nuit, que la fille qu’on serre dans ses bras, c’est la même que celle qu’on a serré dans ces bras-là la première nuit, et puis telle autre après le feu d’artifice, et puis telle autre encore dans le camping-car des parents de mon pote, et puis encore telle autre, et telle autre, et toutes ces nuits totalement irréelles, ces mille et une nuits d’un conte que je narre comme ces hommes ivres vous racontent leur histoire, et l’on ne sait plus bien ce qui est souvenir et ce qui est alcool.

Bientôt, si ce n’est pas déjà le cas, elle en aura, des mômes. A cette pensée, j’ai envie de m’enfuir. C’est comme si tout mon passé mourrait, qu’il n’en reste plus rien, un dernier espoir tout petit, mais malgré tout trop grand, qui s’envole ; la dernière tourterelle du pigeonnier. Et, dans le creux de mon coude, je cherche en vain son parfum.

Ecrit par Barjac, le Mercredi 21 Juillet 2004, 05:55.
Laisser un commentaire
Commentaires
Le 21/07/04 à 16:01
Très beau...
Répondre à ce commentaire
Le 09/08/04 à 17:28
Merci, Alezia :)
Répondre à ce commentaire
nimantic - séparation
Le 20/09/04 à 14:13
salut Barjac
combien de fois a-t-on cru voir de l'eau au milieu du désert? parfois aussi, cette meme illusion se dessine sur les autoroutes du soleil, quelque part dans le Sud pres de la côte. On rêve de ce qui va venir. Un jour aussi, il a fait cette meme chaleur étouffante sur un de tes quais, et tout n'était qu'illusion, la chaleur esquissait ce qui était perdu à jamais, un reflet ou une image ne sont pas de la matière. Il t'est arrivé de faire le meme parcours que celui fait avec la jeune fille qui enchantait le monde, mais de le faire seul. Tu as conscience de l'absence de l'autre, comme le silence des telephones portables (diccit Barjac!). Preferes tu le souvenir de la douceur, sourire parce que cela a été plutot que pleurer parce que cela n'est plus? Ou bien as-tu la meme pensée que saint Exupéry, ce qui te ferait dire que tu ne devrais pas rejeter l'amour qui donne la séparation :

"Mais de te découvrir tourmenté par la séparation plus que par tout autre mal, j'ai voulu te guérir et t'enseigner sur la présence. Car la fontaine absente est plus douce encore pour qui meurt de soif qu'un monde sans fontaines."


je te laisse
- Annaelle -
Répondre à ce commentaire
Le 22/09/04 à 11:32
Ma chère Annaëlle,

Merci pour ton commentaire, qui pose une question intéressante. Aimer en étant séparé n’est pas une chose facile, mais tu as raison, il vaut mieux aimer quelqu’un d’éloigné que ne pas aimer du tout. Je sais bien aussi que la question ne se pose simplement pas dans la réalité. On aime, ou on n’aime pas. Et lorsqu’on aime, rien ne saurait y changer, pas même la distance. J’ai vécu des années loin de celle que j’aimais, mais mon cœur ne s’est jamais demandé s’il devait continuer à l’aimer ou rompre à cause de la douleur engendrée par l’absence de l’aimée. Dans la pratique, si le cœur aime, il ne pose pas ce genre de question. Il souffre de la distance, mais il continue d’aimer malgré tout. Je pourrais même savoir que je ne reverrai jamais une fille, cela ne m’empêcherait pas de l’aimer pour autant. C’est d’ailleurs un peu ce qui se passe avec Ch. : je sais qu’elle ne veut pas de moi, qu’elle tient à son mec, mais rien ne m’empêchera jamais de l’aimer, sinon sa mort, et je ne suis même pas convaincu que je ne continuerais pas à l’aimer malgré tout, à travers son souvenir.

Ne t’inquiète pas pour moi. J’aimerai encore. Et une fois engagé sur la route de l’amour, quels que soient les obstacles, en particulier la distance, ils ne seront jamais une raison pour moi de baisser les bras. La souffrance amoureuse n’est pas une chose qui me fait peur ; elle m’est trop familière pour cela. Même si ça ne la rend pas plus supportable pour autant.

Je te remercie pour ton passage et tes conseils avisés.
Répondre à ce commentaire
Firefox 2
Blog hébergé par