Il y avait à la surface de la piscine, au milieu des cadavres d’insectes, une guêpe prise au piège. Je l’ai regardée se démener, battre l’eau de ses petites pattes, tordre son abdomen qui sans cesse semblait attiré vers le fond. Plus elle s’agitait, et plus son corps prenait l’eau, qui semblait lui coller aux pattes comme s’il se fut agi de goudron. Ses ailes, collées à son corps par le liquide, étaient désormais inutilisables. Le bord de la piscine, en caoutchouc lisse, un mur haut pour elle comme un immeuble. Il y avait une beauté froide dans les petits éclats de soleil que ses pattes arrachaient à la surface, dans le dessin que sa danse folle mettait au fond de l’eau. Je suis resté là, immobile, une heure durant. Parfois, elle s’arrêtait, et je l’aurais crue morte si ce n’avait été le mouvement spasmodique, presque imperceptible, de ses membres sous elle. Plusieurs fois, elle a tenté de gagner une feuille, ou de se hisser sur le cadavre d’un criquet, d’une punaise. Chaque fois, sa bouée illusoire s’est enfoncée sous elle, manquant de l’attirer avec. Une heure, une heure durant, elle s’est débattue. C’était long, très long. J’aurais aimé qu’elle s’immobilise, une fois pour toutes, que son combat sans issue avec la mort s’achève. J’irai voir tout à l’heure ; elle sera sans doute morte.

J’ai terminé ma lettre. Seize pages pour dire simplement « merci ». Quand on n’a pas parlé à une amie depuis longtemps, les mots semblent ne plus pouvoir s’arrêter. J’ai envoyé cette lettre à l’adresse mail qu’elle m’avait laissée. Reçu la réponse presque aussitôt : « Server XXX returned the following error : email address unknown ». J’ai envoyé un SMS à son ancien numéro de téléphone, de mémoire. Je l’ai ensuite retrouvé dans un carnet ; je m’étais trompé. J’en enverrai un autre ce soir, au bon numéro. En priant pour qu’elle n’en ait pas changé. Sinon...

Je me demande si a guêpe avait aimé une Ch., autrefois.