Hier, tandis qu'on rentre du boulot un peu tard, M. envoie des appels de phare à une drôle de remorque qui stationne en travers de notre rue. La remorque s'écarte, et on réalise en passant devant qu'elle porte l'inscription "POLICE" en grosses lettres.

Ce matin, la radio nous apprend que les corps de deux jeunes femmes ont été découverts dans notre quartier. Plus tard dans la journée, l'endroit se précise : c'est dans un des bâtiments de ma résidence que les corps ont été trouvés, hier après-midi. Ce soir, dans une conférence de presse, le commissaire de police explique qu'il s'agit d'un meurtre sanglant et compliqué. Suffisamment compliqué pour que la décision soit prise de laisser les corps sur place. Un suspect a été arrêté du côté de Douvres en relation avec l'affaire. C'est tout ce que l'on sait pour le moment.

Il est possible que le crime soit lié à des histoires de prostitution, bien qu'il soit trop tôt pour le confirmer. Quelques semaines plus tôt, la police a interrogé mon pote Steve, qui habite de l'autre côté de ma rue (le crime a eu lieu dans la rue suivante, de l'autre côté de mon appart) au sujet d'actes de prostitution ayant peut-être cours dans l'appartement voisin du sien.

Notre résidence est bordée d'un côté par une rue où se concentre une grande partie des attractions nocturnes de la ville (boîtes de nuits, bars, cinémas) et de l'autre par des HLMs qui abritent une population relativement pauvre. C'est une résidence neuve, essentiellement habitée par de jeunes professionnels et des étudiants étrangers, et bien qu'il y ait un contraste net entre le standard de nos appartements et celui des tours qui les surplombent, la cohabitation se passe généralement sans accroc. Même si les roues des vélos laissés dans le garage ont une certaine tendance à la fugue. L'influence des boîtes, par contre, est plus ennuyeuse. Les ivrognes viennent régulièrement beugler au portail aux petites heures du jour, et j'ai plus d'une fois regretté de ne pas posséder une carabine à tranquilliser le bétail. Les fous furieux qui de temps à autres viennent cogner aux portes ou sonner les interphones (là encore au milieu de la nuit le plus souvent) et les brefs rendez-vous nocturnes au milieu de la cour suggèrent que le bâtiment pourrait bien abriter, par ailleurs, des dealers.

Somme toute, j'habite un petit quartier pépère où il fait bon vivre (et mourir).