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Sur le pont d'Avignon
Nous marchons lentement, un peu ivres, et puis nous arrêtons, sur le pont. Sous nos pieds, les lumières dansent à la surface, noire, du canal. Depuis quelques instants, la conversation s'est faite sérieuse. Curieusement, c'est S. qui a amené le sujet. C'aurait pu être moi. Nous remontions Broad Street, la rue des bars et des boîtes, à contre courant, comme deux saumons au milieu d'une marée de mini-jupes. "T'arrive-t-il, parfois, de regretter l'adolescence ?" Touché juste mon vieux. La porte étant ouverte, je lui raconte. A propos de Ch. A propos de M. Ce sentiment de désensibilisation, d'habitude. Nous en convenons : tant à changé dans notre façons d'aimer, depuis nos quinze ans. L'intensité a disparu, la passion s'est éteinte. Nous vivons avec de chouettes filles, et sommes heureux environ vingt-neuf jours par mois. Mais le trentième jour, il y a toutes ces questions. La question du mariage, bien sûr. Cela nous pend au nez, à l'un comme à l'autre, et tous deux sommes indécis. Ce n'est pas elle, c'est cette drôle de vie qui veut qu'on aime pendant dix ans, et puis qu'on mette nos sentiments à la poubelle. Qu'on "se pose", en d'autres mots que l'on renonce à toute passion, au grand frisson des premiers instants. Ce n'est pas que je ne l'aime pas, c'est juste que le mot "aimer" a perdu sa saveur.
Au fond, je suis heureux. J'avais fini par penser que c'était moi, rien que moi, mais non. Il y a d'autres gars qui traversent les mêmes doutes, les mêmes déceptions. Sommes-nous si nombreux à avoir, passé vingt ans, perdu le goût d'aimer ? Combien d'autres hommes vivent-ils heureux dans leur petit couple, et pourtant, au fond d'eux, ce sentiment que ce n'est plus comme avant ? Fini le temps où lui tenir la main nous apportait une joie sans mesure. Adieu l'âge où l'on ne pensait pas à la chose, on aurait bien le temps plus tard, être avec elle, juste cela, était déjà immense. Ce temps où l'on pouvait rester allongé dans le noir à écouter un de nos disques favoris et l'on se sentait pris d'une ivresse, d'un besoin de conquérir le monde. Les coudes croisés sur la rambarde du pont, à deux pas de chez nous (S. et moi sommes voisins) nous parlons. Deux hommes qui aiment trop les femmes. Deux hommes qui ont aimé, passionément, et regrettent ces premières romances. Il fut un temps où de la voir nous rendait grave, où l'on avait ces papillons dans l'estomac, et le désir fou de la serrer contre nous, de l'embrasser. Ce bouquet d'émotions, ce feu d'artifices, il n'en reste qu'un regret. Nous n'avons pas même trente ans, et ce sont les mots d'hommes désabusés que nous jetons sur l'eau immobile du canal. Les femmes vivent-elles les mêmes désillusions ? Nous l'ignorons. J'ai pitié de nous. Nous ne sommes pas deux hommes vantant les mérites de l'infidélité, simplement deux hommes voulant aimer, pleinement aimer. Comme nous aimions dix ans plus tôt, et pourquoi les choses ont-elles changé ? Nous nous saluons, tous deux soulagés. Au fond de cette nuit, deux âmes ont trouvé un écho à leur angoisse. L'amour ne sera sans doute jamais plus ce qu'il fut, mais une chose est certaine : l'amitié n'a pas bougé d'un poil. Ecrit par Barjac, le Samedi 28 Juin 2008, 01:13.
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