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Et je voudrais te dire
En rentrant manger, je croise Yves devant la fac. On convient d’aller prendre un verre à 9h30. A 9h15 mes pâtes sont dans l’eau bouillante, s’obstinant à ne pas cuire avec machiavélisme. A 9h25, je contacte Yves pour lui dire que je serai à la bourre : incident de pâtes. On décide de se retrouver au pub, quand on pourra. J’engloutis mon assiette de pâtes en notant que la sauce est plus épicée que la dernière fois. Je devrais peut-être regarder sur la boîte combien de temps ça se conserve, une sauce de pâtes. Je dévale l’ascenseur en ingurgitant le fromage du sandwiche au fromage que je me suis préparé à la hâte, jette le pain dans la première poubelle qui croise mon chemin, et file vers Gosta Green, où je retrouve Yves.

Devant une pinte, on discute de tout, de rien. D’écriture, puis de musique. Au comptoir, je remarque une jolie blonde. Quelques instants plus tard, Jane nous salue en compagnie de cette demoiselle même. Les présentations faites, les filles disparaissent, et l’on parle désormais de « la jolie blonde ». L’espace d’un instant, je sens que Jane va devenir notre meilleure amie sous peu. Je passe en mode « absent » le temps d’une chanson de Green Day à la télé. Il faut que Jane se mette entre l’écran et moi pour que je réalise qu’elle est à nouveau là. Elle cherche Yves. Yves ? Il est au W.C. Et de me pencher pour retrouver, à l’écran, mon groupe favori.

Yves propose de rejoindre Jane et sa « sblondide » amie ; je décline l’offre. Je me sens plus à l’aise entre Stereophonics, Keane et consorts qu’en compagnie des demoiselles, aussi jolies soient-elles (surtout si elles le sont, en fait). Mais comme la partie du pub où l’on se trouve ferme, je me résigne à aller polir le siège jouxtant celui de Jane. Un gin tonic plus tard, à l’heure même où ma partie angélique devait retourner travailler, on se met en route pour la « Guilde », où la soirée étudiante à déjà commencé. Je perds Yves, le retrouve, le reperd, retrouve toute la bande. On fait semblant de s’amuser, puis l’on décide d’aller faire semblant de danser. J’aime beaucoup le gin tonic. C’est amer. Et dans les spots ultraviolets, ca rayonne dans les bleus tendres ; j’ai l’impression de transporter des déchets radioactifs dans un verre en plastique. Sur un écran, dans la salle, passent des bulletins d’information sur les drogues diverses et variées que l’on peut utiliser pour obtenir d’une fille, à ses dépens, ce qu’elle ne donnerait pas en sa pleine conscience.

On s’ennuie. Alors on enchaîne les cigarettes. Jusqu’à la fin du paquet. Et l’on s’ennuie plus encore. On regarde danser les filles jolies, en se sentant idiot. On les regarde rire, en se sentant triste. On regrette un peu d’avoir cédé, accompagné des amis qui, sitôt la porte passée, cessent d’en être. Ici, c’est chacun pour soi, en combat rapproché avec son cafard. Bien sûr, on rigole, on se fait des clins d’œil, des signes du pouce quand une jupe courte passe ; mais au fond, on s’ennuie comme des rats dans une roue. Alors on boit, pour que la roue se remette à tourner.

Je retrouve quelques français, un copain musicien, un copain du département. Cela passe le temps. Et puis, l’on est heureux, on s’embrasse comme si l’on s’était réellement manqué pendant tout ce temps — on prenait, à quatre heures, le café ensemble. Mais il est bon de jouer l’animal social, de connaître du monde, d’en être. Et puis l’on danse, encore, sans vraiment parvenir à y prendre plaisir. Et puis l’on boit, toujours, sans vraiment parvenir à en perdre conscience.

Yves s’assoit dans un canapé. Je le rejoins. Le problème avec Yves, c’est que passé trois verres, il devient monomaniaque. Tout ce qui porte le soutien-gorge a sur lui l'effet qu'aurait une voile sur un Robinson. Qu’une fille passe, et le voilà qui fait de grands gestes ; je voudrais être une chaise, un cendrier, n'importe quoi d'inerte. Les pieds sur la table basse, les genoux repliés, mes jambes forment un cercle. Et je rêve que ce cercle devient une fenêtre, que la fenêtre s’ouvre, et j’y vois le sourire de Ch. Je voudrais tendre les mains, saisir son visage, et l’attirer à moi, m’attirer à elle, et poser sur ses lèvres un baiser salvateur. Mais qu’on se penche, et bientôt notre dos refuse d’aller plus bas ; on reste suspendu, à quelques centimètres de ce visage cher, incapable de l’atteindre. On ne s’évadera jamais par la fenêtre que nos jambes dessinent.

Le canapé soudain se meut. Ma voisine de droite, une fille toute ronde, s’éloigne en sautillant. Vision pachydermique du lac des cygnes ; je ris en moi-même de ma méchanceté.

Yves renverse son verre, je rejoins le dance-floor, toujours muni d’une dose de radioactivité. Je regarde ces garçons qui regardent ces filles qui regardent ces garçons, et qui boivent, boivent, boivent tout ce qu’ils n’osent pas se dire. Appuyé contre un mur, je pense à Rennes. Je pense à ces rues pavées, près du Parlement, et je me vois marcher sous une pluie fine, les poings au fond des poches, les cheveux sur les joues. Je pense à la cour juste devant le grand bâtiment, au premier banc sur la gauche quand on se tient en face, où Ch. et moi nous sommes battus à coup de désespoir. L’un contre l’autre, chacun contre son passé, elle défendant son présent, moi essayant de conquérir notre futur. Je revois le métro, sans un mot. Trop triste pour les larmes, simplement silencieux, devant une telle absurdité : on peut aimer sans être aimé. Le monde peut bien tourner, que cela me fait-il ? Je hausse les épaules, à quoi bon se rappeler tout cela ?

En regardant danser les filles, je me dis qu’il serait intéressant de mettre un aveugle dans mon histoire (un projet d’écriture). J’ai parfois l’impression qu’on aime avec les yeux. Je joue à associer, à chaque personne qui passe, un animal. Mais je m’aperçois que c’est beaucoup plus dur, ici. En France, je trouve toujours. Tel papy joufflu serait un Saint Bernard, telle femme avec ses grands yeux interrogatifs serait une chouette, telle fille faisant des manières serait un chaton au petit minois rose. Et bientôt le monde ressemble à ces bandes dessinées de Sokal, où l’inspecteur Canardo mène une enquête glauque. Ici, toutes les filles, perchées sur leurs talons, m’inspirent la cigogne ; tous les garçons, trapus, costauds et bon fond, le dogue.

La soirée se termine. Jane et les autres on mis les voiles sans même dire au revoir, mais ça n’a pas tellement d’importance. Sur les marches, en sortant, un type me demande si j’ai une cigarette. Je m’excuse. Si j’en avais une, elle serait à mes lèvres. « Yvres » lui conseille d’aller se faire voir, l’anglais demande si on est allemands, Yves répond français. Pisse sur mon drapeau, je ne te dirai rien. Oui, Yves est allemand, mais il pourrait être français. Que cela change-t-il ? Les gens sont bêtes quand ils ont bu, et c'est une confrérie qui se moque des frontières.

Je finis par laisser mon compagnon de fortune, regagne mes quartiers en descendant mes derniers vers de la journée.

Et je voudrais te dire,
Et je voudrais t’offrir
Des mots comme des fleurs
Que tu pourrais cueillir
Juste du bout du cœur.


Un coup d'oeil au ciel, où une poignée d'étoiles agitent timidement leurs branches. Je réalise que j’aime vraiment Beatrix Potter.

Ecrit par Barjac, le Jeudi 9 Décembre 2004, 02:55.
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Commentaires
Gamin -
Le 10/12/04 à 14:36

«J’ai parfois l’impression qu’on aime avec les yeux»

Les yeux sont le reflet de l'âme, Barjac... ;-)

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Muse -
Le 13/12/04 à 17:18
Heureuse de vous lire à nouveau.
(Je crois que j'ai enfin lu tout ce que vous avez publié sur ce site)

Toutes les rues pavées sont belles sous la pluie… Merci de le rappeler.
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