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Ca faisait un bail que je n'avais pas mis les pieds en boîte. Sans regret, au demeurant.

R., un collègue de M., fête son anniversaire et nous donne rendez-vous à l'Oceana, boîte branchée du centre ville. Nous voilà donc débarquant poudrés parfumés grand-toilettés sur le coup des vingt-deux heures, accueillis par les sourires bienveillants d'imposants gorilles. Un escalier s'enfonce dans une lumière rose violette verte de néon magique. En suivant la moquette, on arrive au vestiaire, devant lequel s'impatiente un scolopendre humain suffisamment pourvu de pattes pour que le poids de nos vestes en devienne soudain beaucoup plus supportable. On laisse le bar bleu ambiance métallique et bonsaïs à notre droite pour s'aller agglutiner au bar rose ambiance Monte-Carlo, mais sans la roulette. Je commande un pressé de pommes fermenté en terre d'Irlande. N'a pas. Bon, alors va pour un malt brassé en abbaye de belge tradition. N'a pas non plus. Je soupire et repars avec un gynétonique. Entre temps, M. a débusqué R. et sa cour. Ceux qui connaissent énumèrent à ceux qui ne connaissent pas ceux qui ne sont pas connus. On est enchanté de faire votre connaissance. Surtout la petite brune au sourire réservé et possiblement italienne (mon faible). On parlouille, on socialisote, on touche des femmes l'épaule la plus proche (impliqué), des hommes la plus éloignée (viril). Il y a là tout un code théâtral, tout un jeu de poumons : nous sommes des ballons troués. Maintenir son volume du mieux qu'on peut. Epaisseur sociale. Pneumatique relationnelle. Conversation passionnée, je gonfle. Conversation molle, je limite la fuite. Geste amical, fraternel, clin d'oeil, j'enfle par à-coups ; posture relax, démarche assurée, je me maintiens. Accoudé au bar, pianotant texto, je me flétris. Avoir l'air occupé. Coup de fil, toilettes, tournée générale. Je m'emmerde.

Les filles veulent danser. Evidemment. Allons, donc, nous trémousser. D'abord en marge du dance floor, en suivant les secousses d'une masse compacte d'individus qui eux aussi se tâtent — au sens figuré comme au sens (encore relativement) propre. On observe un temps les plus téméraires qui s'agitent sur le damier à couleur changeante. Pas décidés, on retourne dans la salle au décor glacial, c'est à dire bleu et blanc stroboscopique. Nouvelle hésitations. Notre quadripole frise l'inertie. Les filles veulent danser, J. atteint doucement le taux d'alcool tant recherché où l'on s'en fout mais alors, tandis que je manifeste à grand renfort de contorsions faciales (façon vieux film muet) mon dégoût pour les suées rythmiques. Tant pis, on finit par s'aller poser dans le Boudoir, une salle où règne une ambiance feutrée qui se veut parisienne de style empire. Sur les canapés en velours bordeaux, on comate. Puis on s'aperçoit qu'on a perdu J. Sans doute parti pisser. Quand même il en mets du temps. Il y a sûrement la queue aux ouaterclosettes. Quand même. Bon, je pars à sa recherche, le rate, mais on m'appelle, ah, c'est A. Ah ben tiens pour une surprise. Avec J. Ah ben il est là lui aussi. Je prends des nouvelles de A. Passent deux splendeurs, rapidement réévaluées à « une splendeur et sa copine ». Que A. salue. Et bien je vois qu'on connaît du beau monde. A. me suit, s'agit d'aller saluer les filles. Nouvelles présentations. La splendeur s'avère être grecque, sa copine chypriote, alors on discute le coup, une grande famille que tout ça. Les hommes en profitent pour récupérer le canap, pas mécontents de s'asseoir. On se sépare en se disant à la prochaine.

Pendant ce temps-là, c'est K. qui devait nous rejoindre, mais qui ne répond pas au tel. Fi de K., retournons dans la salle des glaces où la musique martelle les oreilles, les stroboscopes martellent les yeux, et les pieds des gens martellent les pieds des autres gens. Mais dans le couloir, où des filles dont le vêtement ne cache que l'absolument indispensable massacrent Bon Jovi entre deux gorgées de limonade vodkalisée, on tombe justement sur K., ses copines, et ses atouts majeurs (les soutiens-gorges de K. furent, durant la guerre, réquisitionnés et convertis en dirigeables). Tournée générale de présentations, c'est moi qui rigole : je n'ai jamais été aussi enchanté en si peu de temps. Mon oeil expert évalue rapidement les accolytes de K. Une beauté, deux jolies filles, trois sourires à l'envers. Soit les demoiselles s'emmerdent, soit elles ont pour meilleure amie leur psyché. J'opte pour un tiers du premier et deux tiers du second, au chèqueur et sans glace. Quand donc réaliseront les belles que rien ne sert de passer six heures dans la salle de bains à se faire des anglaises si c'est pour qu'elles ornent une grimace ? Passons.

Dans la salle aux mille-z-épilepsies, voilà que je finis par me retrouver, poussé de ci, tiré de là, sur la piste aux idiots, au milieu d'une centaine d'olibrius visiblement terrassés par la danse de Saint-Guy. Il faudrait les filmer, puis leur repasser le film sans la musique (au demeurant désastreuse, il faudra faire pendre le DJ). Pas besoin d'Arte pour nous dévoiler les séance de transe des indiens mâcheurs de coca. On a les mêmes à la maison, ils carburent juste au jaydee. Entre deux soupirs, j'essaie de trouver une raison, une seule, à ma présence ici. Je veux dire autre que la seule et unique raison qui soit : j'accompagne Madame. Sans m'en plaindre, cela fait partie des services que tout couple se rend l'un à l'autre, et je lui en dois plus qu'elle ne m'en doit. Mais, une raison qui justifie l'existence de la boîte en elle-même ? Autrefois, j'aurais immédiatement répondu : "chercher le femme", comme le dit la coutume locale. Mais ce doit être d'avoir vécu en couple pendant trop longtemps : la magie n'existe plus. Je vois désormais tout cela avec un regard d'une irritable lucidité. Il pousse des poils sur les longues jampes, et les crinières dorées ne sont plus que des champs de fils morts sur des crânes chauves. Vision anatomique du monde. Comme ces téléphones en plexiglas dévoilant leur intestinale électronique. Les filles plient les genoux, les déplient, les replie, répétitivement, sans aucun art ou aucune grâce autre que celle que voulait bien y voir autrefois l'oeil de l'observateur désireux de. Charme disparu, érotisme évaporé. Moi qui démarrais au quart de tour, un centimètre carré de peau bronzée et j'avais du piment plein les poches, me voilà soudain incroyablement blasé. Parce qu'elles ne sont plus que des copies plus ou moins étirées ou compressées dans telle ou telle direction de celle qui partage ma vie, et dont tout ou presque m'est désormais connu ? Fort probable.

Il y a une large surévaluation de la gent féminine par son homologue masculine. Tant qu'on ignore, qu'il y a du mystère, il y a du piquant. Beauté que l'on croit perfection, jusqu'à ce qu'on s'y soit frotté au point de s'en être ennuyé. Filles splendides au parler de charretier. Filles hautaines au sourire méprisant. Et puis ça, aussi : en boîte, la promiscuité est inévitable. Soit. Un type me pousse, s'excuse. Je pousse un type, je m'excuse. Un type à côté de moi au bar fait signe à la serveuse que j'étais là avant lui. Gentleman. Une nana me pousse, rien. Une deuxième nana manque de m'envoyer au tapis, regard énervé de déesse contrariée. Oh, pardonnez-moi de séjourner momentanément sur ce doux chemin qui est vôtre, belle muse. Plusieurs centaines de personnes là-dedans, coude à coude, ventre à dos, fesse à fesse, et ça se croit l'immunité diplomatique parce que ça porte le ventralaire. Encore une, mais qui s'excuse. Ne généralisons pas, il y a aussi des demoiselles polies. On me compresse les orteils. Encore une de ces dames. Incroyables. Des furies, des charpies ; génisses dans les rues de Pampelune. Les hommes, tant qu'ils ne sont pas fin saouls, font tout de même plus attention. Comprenez, c'est dans le sang : fille, précieux, fragile, pas casser. Alors on marche sur des oeufs. Au milieu des boeufs. Ridicule. J'ai l'impression d'être un article en solde dans un magasin de mode. Vous avez déjà mis les pieds dans leurs magasins, en période de solde ? Si vous avez une compagne, vous saurez de quoi je veux parler. Il est midi bien tassé parce qu'on a traîné au lit (c'est samedi), et on se dit tiens on va aller faire un tour en ville. Et puis elle veut jeter un oeil chez Jane Norman, Etam, Pimkie, peu importe. On fait un pas à l'intérieur et on en reste tout abasourdi. Le bordel... Des fringues partout sur le sol, des trucs qui pendent des étagères, des froufrous en vrac sur le carrelage, un cintre dans une chaussure dans un t-shirt dans un collant, un machin brillant au plafond dans les pales du ventilo. Il y a du piétiné, du déchiré, du martelé, du déchiqueté, du broyé, du chiffonné, du massicoté, du serpillé, du toumélangé, du plubonquajeté. La cage aux fauves. La chambre de Camille et Katrina après crêpage de chignon. Terrible. C'est dans ces moments-là que j'apprécie d'être un homme. Chez nous, c'est pas non plus nickel, il y a aussi du déplié. Mais ça a été remis sur l'étagère. Pas balancé par terre. Le boulot pour le staff du magasin, je ne veux même pas imaginer.

Or donc, voici qu'on se trémousse, dans les effluves de tabac et de sueur, l'oeil s'égarant sur le luisant de quelque fesse molle imprimée de rythmiques sursauts. (Tiens, ils passent Star Wars sur les écrans. Si j'aurais su, j'aurais amené mes popecornes.) On fait des moulinets avec les bras, on explore toutes les possibilités translato-rotatoires qu'offrent nos jeunes articulations. Les femelles balancent la tête en arrière et courbent le dos pour exposer gorge blanche et rondeurs souples ; les mâles rentrent les épaules et prennent figure prognathe de virilité costaude. Quand on sait l'élégance et les trésors d'ingéniosité dont savent faire preuve certains éléments du règne animal pour séduire leurs compagnes ou compagnons, on n'a finalement guère de quoi être fiers, nous autres bipèdes. Il n'est pas surprenant que notre espèce ait besoin d'être enfermée sous terre et passablement imbibée pour oser s'essayer à l'art de la parade nuptiale. C'est que, s'ils nous voyaient, les autres animaux s'en tordraient les côtes. Il ne faudrait pas bien longtemps pour que des quatre coins de la planète, du haut des arbres jusqu'au fond des rivières, monte le rire moqueur de la faune hilare. Nous manquons terriblement de grâce, ayons le courage de l'avouer. Il nous faut des ambiances d'usine, des mélodies électroniques assourdissantes, des atmosphères obscures et brouillardes. Recouvrir le visible, l'audible, d'une épaisse couverture sous laquelle cacher notre misère. Notre honte. Nous alcooliser pour la dépasser, anesthésier notre jugement. Nous ne savons que trop ce que nous valons.

Dieu sait qu'il fut (il est sans doute encore) des sociétés où l'on se faisait la cour en plein jour, et non sans quelque fierté. Danses et costumes régionaux, hélas désuets, en témoignent. C'est notre monde occidental qu'il faut montrer du doigt. Comment est-il possible que notre quotidien ne fournisse pas à la jeunesse d'autres moyens de briller à son heure ? Pauvres femmes, qui devez porter ces jolies robes colorées, ces bijoux finement cisaillés dans une obscurité qui les rend ternes et tous semblables. Pourquoi regardons-nous tristement vers le passé quand on nous dit « romance » ? Adieu fêtes populaires, adieu soirées dansantes et orchestres de jazz, qui pourtant déjà annonçaient le déclin. Nous n'avons su vous remplacer. Alors buvons, à la santé de l'espèce, à la santé du soleil, à la santé des peuples d'Inde, d'Afrique et d'Asie dont les étoffes multicolores savent encore chanter l'amour. Mais pour combien de temps ? Déjà la gangrène se répand, passe outre les frontières, contamine jusqu'aux territoires les plus éloignés. Nous sommes le peuple de la nuit.

Ecrit par Barjac, le Samedi 27 Janvier 2007, 22:58.
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Commentaires
Le 16/02/07 à 12:08

Tu parviens comme à ton habitude à exprimer tes ressentis, qui sont aussi les miens, avec une rare justesse...

Je prends conscience en te lisant à quel point ça m'avait manqué.

Merci...

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Le 18/02/07 à 17:02
Merci pour ton commentaire, GreatExpectations. C'est toujours un plaisir de te savoir dans les environs.

Amicalement,

Barjac
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