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Coeur frivole sans cesse reprend son vol
— Bonjour Barjac.
— Bonjour Carnet. — Quel mauvais vent nous amène ? — Sirocco, Freddy. — Drôle. — Passons. — Sirocco, donc. Vent abrasif. Poussière rouge, nuage de sable, écorche la peinture des voitures cuisant sous le soleil. Méditerrannée ? — Asie ? — Vent des steppes, alors. Aride. — Peu importe. — Ce sont les femmes, encore, n'est-ce pas. — Precisely, Watson. Precisely. — Hier une rousse, demain une blonde. Et aujourd'hui ? — Une brune. Traits asiatiques, mêlés de caucasien. — Je prends note. — Rencontrée ? — Ce matin, en arrivant à la fac. M'a tenu la porte. Tailleur foncé, chemisier blanc, souliers de velours noir. Longue chevelure de jais, lèvres de pourpe sombre, peau dorée. Sur la porte mains fines et délicates, ongles clairs, soigneusement entretenus, non vernis. Parfum léger, floral, qui tourne et tourbillone et s'enfonce tout droit vers l'adolescence souterraine. J'ai peu dormi, c'est un de ces jours où le cerveau repose dans son liquide, cède la place aux sens. Je suis tissu sensible sur lequel les ombres jouent comme des enfants dans un parc, pores ouverts où s'engouffre la lumière, les pépiements des oiseaux, les feuilles d'arbres ruisselantes, le vent frais, le soleil de printemps. Silhouettes de femmes et leur rire de crystal. Et son parfum. Je murmure "merci" tandis que mes yeux descendent le long de ses jambes nues, et ce n'est pas pour la porte. Il faut du courage pour ne pas tourner la tête, sachant que, derrière, elle s'éloigne, superbe. Quelque part, cela fait mal. — Boys will be boys. Il en viendra d'autres, de belles et de plus belles. Elles sont votre gaillet gratteron, accrochant leurs feuilles à votre regard, leurs graines à vos espoirs, développant leurs tiges autour de votre coeur. Mâle condition, Dame Nature vous voulut tels. — Nous voulut-elle ? Et elles, nous veulent-elles ? Je l'ai revue. Après une réunion barbante où un chinois très intelligent parlait physique quantique tandis que mon esprit vagabond maniait un cerf-volant quelque part sur le toit du bâtiment. Elle montait au quatrième. Et puis, en prenant l'ascenseur, plus tard. Les portes s'ouvrent sur elle, je m'écarte, admiratif. Me retourne cette fois, pour la regarder s'en aller. Portes d'acier qui se rabattent sur cette fascinante beauté, mâchoires métalliques qui se referment sur l'invisible cordon ombilical de mon désir, accouché de moi, par elle. Welcome to the world. Mystère insoluble que celui de l'attraction des corps ; il n'est de mécanique qui m'intéresse que celle des coeurs. L'ascenseur s'envole, je ferme les yeux pour mieux apprécier son parfum, qui flotte encore dans l'air. A nouveau, descente vertigineuse vers l'enfance et ses cathédrales de géants. — Oh boy. Que dire... — Rien. C'est ainsi. C'est ma faiblesse. Mon alcoolisme, ma drogue, mon jeu. Mon vice, et pourtant non, je ne pense pas à mal. Ce n'est pas de la chose qu'il s'agit. Au contraire, cela réduirait l'image à une simple projection sur le monde réel. C'est le rêve qui fait mal. C'est l'écho des pelouses du lycée, la première femme, la découverte du nouveau continent. Et toute la sève du monde, poussant depuis la terre noire vers le soleil, s'engorgeant dans les racines des plantes, des arbres, faisant jaillir des bourgeons, s'allonger des branches, s'ouvrir des fleurs, éclater des couleurs. Cette même sève qui s'engouffre en nous, brûle dans nos veines, ruisselle sur nos peaux, se déverse en un baiser furieux, ininterrompu. La Vie. Le sang de la nature, l'ordre supérieur de toutes choses. Comme si l'on manquait d'air, comme s'il y avait trop de lumière, comme si l'on en cuisait. Comme si l'on avait mal d'être deux qui ne peuvent faire un, luttant corps à corps, toi en moi, moi en toi, nous. Mais ce n'est pas seulement cela. C'est tout le reste. C'est s'allonger sur l'herbe, écouter le son des tondeuses qui monte au loin, les yeux dans les nuages. C'est toucher du bout des doigts ses cheveux si soyeux, ses oreilles si fines, sa peau si douce. S'abreuver de son parfum comme on boirait à une source claire un après-midi de juillet, à pleine gorge, à pleines mains, éclaboussé de fraîcheur. Et prier pour l'orage, et prier pour la pluie. — Ardents sentiments, mon ami, et qui ne vous mèneront qu'à la frustration. — Je ne le sais que trop. Et cela m'angoisse. J'ai faim d'amour, de romance. De choses brûlantes, de passion. Mais c'est l'un ou l'autre. Tout foutre en l'air ou tout mettre en cage. D'un côté, l'Ordre. La vie de couple. Celle qui affame le coeur au nom de la stabilité. Vendre le sentiment pour assurer le confort. De l'autre, le Chaos. Longue solitude agrémentée d'éphémères aventures, éternelle grisaille aux éclaircies aveuglantes. Pourquoi en est-il ainsi ? Pourquoi nos sociétés demandent-elles le renoncement aux plus belles choses qui soient ? Amour, romance, tout cela appartient à la jeunesse. Un jour vient et l'on n'est plus si jeune. On a passé l'âge, qu'ils disent. C'est entendu, le coeur s'assagit, se fige, grand père bienveillant dont l'action se conjuge au passé. Ils se marient, ils ont des enfants qu'ils regardent grandir. Ils sont un couple. S'aiment-ils ? Ils se sont habitués l'un à l'autre. Sommes-nous vraiment faits pour n'avoir qu'une compagne ? Le schéma auquel nous obéissons, consciemment ou non, et qui nous fait choisir un(e) partenaire pour le reste de nos jours est-il inné, instinctif, ou est-il acquis, dicté par quelque code social, qui fait que l'on se marie parce que nos parents se sont mariés, et leurs parents avant eux ? Est-ce une chose naturelle ? C'est certainement une chose raisonnable, la stabilité de nos sociétés en témoigne. Au fond, ce n'est peut-être que moi, mon instabilité, mes mille tentations, mes milles désirs. Si je l'aimais, je serai fidèle. Si je ne le suis pas, c'est que je ne l'aime pas. Mais il y a dans le mariage une dimension figée, quelque chose d'intemporel. C'est ce "pour toujours", qui me dérange. Comment guarantir que je serai demain celui que je suis aujourd'hui ? Les gens se marient par renoncement, je ne vois d'autre possibilité. Je renonce à jouer le jeu de l'amour, j'ai assez papillonné, je me pose. C'est lui, c'est elle. Non parce que je l'aimerai jusque au bout (comment le saurai-je ?), mais parce que j'ai besoin de certitude. Je peux rayer de ma liste l'item "trouver quelqu'un avec qui faire ma vie". Donc ça c'est fait. C'est un renoncement auquel je ne suis pas prêt. Comment congédier ces émotions suaves, fermer mon coeur au frisson amoureux, accepter de détourner les yeux chaque fois qu'ils s'attardent trop longtemps dans ceux d'une inconnue, dire non quand le coeur crie oui. Et savoir que de celle-ci, comme de la suivante, je me lasserai le temps venu. Mais il y a tant de femmes, tant d'histoires à écrire ! Pensez. On joue à cache-cache avec l'autre moitié du monde pendant dix ans, peut-être vingt, et voilà déjà l'heure de prendre sa retraite amoureuse. Cela me peine. Combien de couples sont vraiment heureux ? Et parmi ceux-la, combien le sont par amour ? Et parmi ces derniers encore, combien le doivent à leur ignorance ? Mon village était le monde tant que je n'en étais jamais sorti. On y naissait, on y aimait, on y épousait, on y mourrait. Maintenant qu'il y a dix millions d'autres villages, tous différents, et mille fois plus de belles femmes... — L'herbe sera toujours plus verte dans le jardin du voisin, n'est-ce pas. On ne peut désirer que ce que l'on ne possède pas. — Hélas. Au fond, il ne faudrait pas vivre avec la femme que l'on aime. On n'aime jamais autant quelqu'un que quand il nous manque. De l'avoir toujours autour de nous, cela finit par nous étouffer. Anyway. Assez tergiversé. J'ai du boulot à abattre. A une prochaine fois, Carnet. — Et il s'en fut, Dieu sachant pour combien de temps. Mes aïeux, que ferons-nous de ce garçon ! Ecrit par Barjac, le Mardi 1 Mai 2007, 11:24.
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