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Voler sans elles
Mercredi : répète de 1h à 4h, Einstein's jusqu'à 6h30, Sack's jusqu'à 8h, Gosta jusqu'à 11h, Steve et Dave. Jeudi : Einstein's de 1h à 3h, Steve, Emma, des amies d'Emma, Dave, Gosta de 3h à 6h, Steve et Dave, puis de 9h a 1h du mat, Sophie, Yves, Andreas et Giles, puis Sophie seule. Je passe plus de temps au pub que dans mon lit. Est-ce qu'on a tant de choses à dire ? Non, simplement on ne se lasse pas de répéter les mêmes, de parfaire nos analyses, d'échanger nos angoisses, nos troubles. Plutôt s'ennuyer à plusieurs que seul.

Assis sur les escaliers de la Guilde, fumant la première cigarette du reste de ma vie, je contemple les travaux, et puis, au pied des échaffauds d'âge, le balancement imperturbable de la fontaine mécanique entre les arbres morts, dont les bras noirs et décharnés oscillent lentement sur le fond gris du ciel. Ce n'est pas de la pluie, juste ce crachin anglais que le vent dépose doucement sur les visages tristes, et l'on se sent heureux, les cheveux dans les yeux, dans cette fraîcheur calme. J'ai croisé ce matin, dans un couloir bleu, une fille en chemisier rouge. Pas une étudiante, manifestement, ou alors en troisième cycle. Nos regards s'accrochent, graves, et quand je réalise que je devrais sourire, il est déjà trop tard, elle est derrière moi. Cheveux sombres, coupés à la Ch., silhouette harmonieuse, démarche grâcieuse. Ce même côté simple et calme. Une inconnue de plus, dont le visage ira compléter la gallerie des portraits absents.

Le séminaire de Davide déborde sur l'heure suivante, et puis l'on va répondre à un questionnaire pour gagner cinq livres. La fille qui s'occupe de nous est jolie, il faut chercher sur un site web les réponses aux questions du formulaire, j'en trouve deux sur les quatre. Non, le site est bien fait, c'est juste moi qui suis en fouillis. Je dis merci, au revoir, je dis merci encore. Il est trois heures moins vingt, et je croise Sophie, lui file l'indic pour l'enquête, c'est de l'argent facile. On a beaucoup discuté, hier, des garçons et des filles. J'ai dit que ce devrait être parfois aux filles de faire le premier pas, et qu'elles prenaient moins de risque que nous : quelle que soit la fille, fut-elle laide ou idiote même, ce sera toujours valorisant pour un garçon de se sentir désiré, et les copains autour ne seront que félicitations. Elle a dit que les filles, si le garçon ne leur plaisait pas, pouvaient se sentir humiliées de recevoir des avances, et puis qu'entre copines, elles pouvaient avoir pour le pauvre quidam le verbe acéré. Très bon pour la confiance, ça.

Je me souviens cet été, avec Nico. Sab et sa cousine cassant du sucre sur le dos de l'autre fille. Je mime le tireur fou, mitraillant à tout va. Nico se marre. Quand elles ont jeté assez de pierres, les filles se calment. Nico me fait un clin d'oeil et les relance, en rappelant telle autre situation, et les balles fusent à nouveau. Jane et Anna, assassinant pareillement tel type ou telle fille. Commérages en tous genres, qui chez nous, j'en témoigne, sont chose plutôt rare : tel type est un âne, telle fille une catin, et la conversation est close. On ne lapide pas, on poignarde un bon coup.

Je crois qu'on devient misogyne d'avoir trop aimé les femmes sans oser le leur dire. Alors, pour s'en détourner, on cherche des raisons de supprimer cet amour, de s'en dégoûter ; on déchoît nos idoles, on casse les ailes des anges que l'on a pourtant chéris, pour s'affranchir d'un mal dont elles sont innocentes. Qu'elles nous pardonnent : celui qui regarde le soleil avec trop d'insistance finit par se rendre aveugle.

Ecrit par Barjac, le Vendredi 4 Février 2005, 15:59.
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Commentaires
Anonyme -
Le 04/02/05 à 16:54
Quoi qu'il en soit, je vous remercie de la "netteté" de ce que j'hésite à appeler votre réponse.

WW.
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Le 05/02/05 à 01:07
Ce n'est nullement une réponse. Je vous répondrais proprement (ou nettement, si vous le préférez) sitôt que je le pourrai. Et, si mon article vous a déplu, il ne tient qu'à vous d'en faire une critique. Je ne bloque pas les commentaires, sachant qu'ils sont souvent l'occasion d'en apprendre plus, tant sur les autres que sur soi-même. Si je dis qu'un chien est rouge, c'est peut-être parce que j'espère qu'on me démontrera que je me trompe. En vous souhaitant la nuit bien bonne.

Barjac (en retard dans ses mails, ses commentaires, et bien d'autres choses ;))
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nm - .
Le 04/02/05 à 17:20
Je ne savais pas que les garçons savaient eux aussi aimer...
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Le 04/02/05 à 19:33

Et oui, il ne faut pas croire que nous sommes tous des ours mal léchés !! :-)

Nous savons aimer, aussi...

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Gamin -
Le 04/02/05 à 19:32

«Qu'elles nous pardonnent : celui qui regarde le soleil avec trop d'insistance finit par se rendre aveugle.»

Oui, et à finir par placer la barre trop haut comme tu le fais, tu vas finir par te brûler les ailes, Barjac...

Nous connaissons tous les réactions des filles par rapport aux garçons, ou par rapport à d'autres filles : elles ont certainement le verbe plus "assassin" que nous, qui, effectivement, "poignardons" un bon coup et passons à un autre sujet !!

Quoiqu'il en soit, la réaction veut dire en fait la même chose : la peur d'être rejeté(e) par l'autre, la peur de ne pas être aimé en retour nous anime tous, ceci expliquant (en partie) cela...

Mais on devient certainement misogyne plus par déception amoureuse que pour avoir trop aimé les femmes sans oser leur dire... J'ai eu aussi mon lot de déception amoureuses, j'ai également trop aimé des femmes et je n'ai rien dit, et je ne suis pas devenu misogyne pour autant...

Bonne soirée, Barjac... :-)

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